Le sourire de Ghislaine, la bonhomie amicale de Pascal sont sans doute à l'origine de l'image sympathique et conviviale cultivée par Le Disque Bleu, un bar-tabac du XVe arrondissement de Paris. Un café de jour, point de repère de tout un quartier.
Sylvie Soubes
A gauche, Pascal Rugen. Face à lui, deux habitués des lieux dont le comédien
Pascal Tourain
C'est en 1986 que Pascal et
Ghislaine Rugen décident de passer le cap, de tenir leur propre affaire. Jusque-là,
celui-ci s'est rodé au métier de garçon, à Melun, alors que sa jeune épouse,
aveyronnaise d'origine, travaille dans le milieu hospitalier. Leur choix s'arrête sur un
bar-tabac parisien, situé à l'angle de la rue du Théâtre, dans le XVe arrondissement.
Un bon quartier, assez familial. "Quand nous avons repris Le Disque Bleu,
explique Pascal, le comptoir prenait quasiment toute la place. Il y avait à peine 25
places en salle et les toilettes étaient de la taille d'un mouchoir de poche."
Les premières années d'exercice furent celles de l'apprentissage. Mais le couple est
compétent, volontaire, déterminé, et surtout, il aime ce qu'il fait. Pascal et
Ghislaine aiment réellement le contact avec le public, leur public ! En 1989, ils
s'interrogent. "On pensait partir ailleurs pour nous agrandir, mais nous n'avions
pas envie de quitter le quartier. Alors..."ils ont poussé les murs, ou presque.
Une cuisine, une vraie cuisine, a été aménagée. La terrasse couverte a été refaite,
et a permis de gagner 70 cm de profondeur sur la façade. De quoi mettre quelques tables
supplémentaires. "Un de nos principaux objectifs était de déployer la partie
brasserie." A partir de cette époque, grillades et plats du jour (choucroute,
sauté d'agneau au curry, buf mode, escalope milanaise, etc.) ont permis de
fidéliser une nouvelle clientèle. Celle des bureaux et des petites sociétés alentour.
Le Disque Bleu n'a cependant jamais cédé au principe des menus. On y privilégie des
plats quotidiens retenus pour leur bon rapport qualité-prix. "Si on remonte dix
ans en arrière, ajoute Pascal, pas mal de choses ont évolué. Aujourd'hui, par
exemple, nous proposons des vins AOC à la bouteille, mais aussi au pichet et au
verre."
La devanture, tout de bleu, rappelle le nom de l'établissement tiré d'une marque de
cigarettes. "C'était moderne, vous savez, dans les années 90, sourit Pascal.
Le bleu n'était pas la couleur des bistrots !" Une devanture toujours pimpante
et accueillante.
Le Disque Bleu appartient à la tradition des bistrots de quartier avec, toutefois, une clientèle particulièrement cosmopolite. Le matin, les professeurs d'une des écoles de langues les plus réputées de la capitale y sirotent petit noir et café crème en parcourant la presse. Un peu plus tard, d'autres habitués comme le comédien Pascal Tourain*, qui habite à quelques rues de là, ou encore le réalisateur de Vengo del Moro, Tony Gatlif, feuillettent une revue ou lisent leur courrier. Un studio de doublage et de montage installé à proximité apporte son lot de têtes connues. Peu avant midi, à l'heure de l'apéritif, on y croise aussi, pêle-mêle, des restaurateurs du XVe, les amis des amis, des jeunes et moins jeunes. C'est oublier, en disant cela, l'importance du poste tabac. Le va-et-vient est lourd à gérer, plus dur que le comptoir. Pascal et Ghislaine s'y succèdent en fonction de la journée et des besoins de l'établissement. Un cuisinier et deux barmen se partagent également la tâche, entre cuisine et salle. Des barmen vraisemblablement heureux de participer à la bonne marche de l'établissement : les deux précédents ont fait respectivement dix ans de maison ! "Pour garder son personnel, il faut le motiver. Nous leur donnons leur week-end et nous appliquons la convention collective. Sinon, l'intéressement au service fait le reste", remarque Pascal Rugen. A juste titre.
Pour Pascal et Ghislaine Rugen, le métier est d'abord une histoire de feeling. "Il faut être patient, accueillant, attentionné..." Professionnel en somme. "Nous ne vendons pas seulement un produit, mais une prestation. Cette notion est essentielle. Si le client ne se sent pas accueilli, il n'a aucune raison de revenir chez nous. Le contact humain doit être privilégié. Il faut savoir offrir un verre à un habitué." L'autre Pascal, le comédien, de l'autre côté du zinc, fidèle aux Rugen, ajoute : "Un bistrot comme Le Disque Bleu est un point d'ancrage dans un quartier. Les gens ont besoin de reconnaissance. Le Disque Bleu, c'est le repère d'une population variée, qui recherche une sorte d'amitié furtive et instinctive qui les rassure, le temps d'un café, d'une bière. On retrouve des gens qu'on ne verra jamais ailleurs, des gens avec qui l'on parle de tout et de rien. Il n'y a pas d'obligation. Sinon le plaisir de pouvoir se rencontrer." Bien vrai !
* Voir le mensuel de L'Hôtellerie n° 2686 d'octobre 2000.
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En Chiffres Capacité 45 places assises |
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L'HÔTELLERIE n° 2695 Magazine 07 Décembre 2000