Meilleur sommelier du monde 2000En octobre dernier, Olivier Poussier, chef sommelier chez Lenôtre, remportait le titre envié de Meilleur sommelier du monde. Quelques semaines plus tard, la nouvelle star de la sommellerie parle de son métier, de sa passion.
Nadine Lemoine
A partir de quel cépage
croate sont élaborés le Dingac et le Postub et quelle en est la couleur ? Quel est, en
considérant faire un bon achat, le prix approximatif actuel d'une bouteille de Château
d'Yquem 1952 ? Quel est l'ingrédient principal et le pays d'origine du Cachaça ou du
Cocuy ? Notre nouveau champion du monde est capable de répondre à toutes ces questions
sans aucun problème... 65 questions de ce niveau en 1 h 30, ce n'est qu'une épreuve
parmi d'autres qu'Olivier Poussier a dû passer avec succès pour décrocher le titre.
Cela en dit long sur la prodigieuse mémoire, le travail et les heures d'études
nécessaires pour être incollable le jour J.
Olivier Poussier inspire l'admiration et les médias ne s'y sont pas trompés. Ils se sont
arraché le nouveau maître du vin dès son couronnement il y a quelques semaines. "Comment
il est devenu le meilleur sommelier de la planète", titrait Le Point qui
salue "la performance qui fait de lui une star". Olivier Poussier, 37
ans, est sollicité de toutes parts depuis sa consécration à Montréal. Les médias
nationaux, certes, mais aussi internationaux. Les interviews se succèdent, les
sollicitations se multiplient... Au milieu de ce tourbillon, un homme qui découvre la
pression incessante découlant de cette nouvelle notoriété et qui s'étonne. "J'ai
connu la place de second en 1995 et celle de premier cette année, raconte Olivier.
La différence est nette. On est vraiment dans une société qui privilégie la
philosophie du vainqueur. J'ai eu quatre ou cinq interviews en 1995 alors que, cette fois,
je suis sollicité tous les jours. Cette différence d'intérêt n'est pas logique. Vous
savez, entre le second ou le troisième au championnat du monde et le premier, le niveau
des connaissances est sensiblement le même."
"Olivier a une connaissance mondiale et colossale des vins. Il s'intéresse
aussi aux alcools, aux cigares et à la gastronomie en général. A cela vous ajoutez une
absence totale de grosse tête et une vraie gentillesse. Son parcours doit faire rêver
les jeunes. Dans nos métiers, on peut grimper. En travaillant sérieusement, on peut
avoir un job intéressant", dit Patrick Scicard, p.-d.g. de Lenôtre et fervent
admirateur de son chef sommelier. "Dans ce métier, il faut être modeste. La
sommellerie est une formidable école de l'humilité. Le vin est quelque chose de
difficile et compliqué. Je ne l'oublie jamais", confie notre champion du monde.
Cette victoire est-elle un accomplissement ? Olivier se méfie de cette notion. En tout
cas, cette victoire ne doit pas le changer. "On n'est jamais arrivé dans le monde
du vin. Il faut tout le temps travailler pour garder un niveau international",
explique Olivier Poussier qui ajoute : "Vous savez, c'est un état d'esprit de
faire un concours. Ce n'est pas une finalité. De grands sommeliers n'ont jamais fait de
concours."
Raisonnable toujours, le champion du monde ne galvaudera pas son nom. "Si je signe
quelque chose, c'est que je suis à la base du choix et de la sélection." Et
ceci vaut aussi bien pour des choix de vins que de l'équipement en sommellerie qu'il
accepterait de promouvoir. Son éthique personnelle le lui impose et Olivier tient à sa
crédibilité.
Depuis décembre 1998, Olivier s'entraîne deux heures par jour. Dégustations ou
étude. "J'avais promis à ma femme que c'était le dernier concours",
confie-t-il. Un championnat du monde demande une préparation digne des Jeux olympiques.
Beaucoup de temps et de rigueur pour ne jamais baisser les bras. Olivier a parcouru 19
pays en deux ans "payés par la Maison Lenôtre", tient à préciser
Olivier, conscient de la chance qui lui a été donnée.
"On l'a aidé financièrement et en temps. Il a assuré son travail quotidien. En
fait, en allant dans les vignobles pour chercher des vins pour nous, il travaillait dans
le même temps pour son concours et réciproquement. On n'était pas sûr qu'il gagne,
mais je lui ai tout de suite dit qu'on ferait une petite fête s'il gagnait et une superbe
fête s'il perdait", explique Patrick Scicard, qui souhaitait soutenir Olivier et
non pas lui infliger des tensions supplémentaires. "Ce que je peux dire
d'Olivier, c'est que l'homme est bon humainement et que le professionnel est un crack.
C'est un Mozart du vin", ajoute le patron de Lenôtre.
Grâce aux synergies entre Accor et Lenôtre, Olivier Poussier a donc été logé dans les
hôtels du groupe lors de ses périples à travers le monde. Les locations de voitures,
l'équipement, les revues, les livres, certains vins... Un investissement de taille. "Franchement,
on ne sait pas ce que ça a coûté. Comment évaluer un investissement de cet ordre ?
L'important, c'est d'augmenter son savoir-faire, dit Patrick Scicard. C'est
quelqu'un qui a de l'éthique, de la loyauté, de la déontologie et je n'ai jamais joué
sur la reconnaissance."
Olivier Poussier décroche son CAP de serveur en 1982 à Técomah, à Jouy-en-Josas. "Apprendre les vins, les terroirs, j'ai toujours aimé ça", se souvient-il. Ce qui le touche le plus en se replongeant dans cette période, c'est un homme : Daniel Gallou, professeur de salle, ancien de la restauration, qui saura le motiver, le conseiller. Ce professeur le place, CAP en poche, à la Tour d'Argent en tant que commis de salle. Un an plus tard, le jeune Olivier passe commis sommelier pendant cinq ans. Le début d'une grande aventure qui le conduira cinq ans plus tard à prendre le poste de sommelier du Connaught à Londres. "Commis sommelier pendant cinq ans, ce n'est pas trop ! En tant que commis, on peut se faire pardonner quelques erreurs. Mais quand on porte la grappe, ce n'est plus possible", explique Olivier avec ferveur. Depuis 1988, il est le chef sommelier de la Maison Lenôtre. Son travail ? En résumé, parcourir les vignobles pour sélectionner les vins pour les boutiques et les restaurants de Lenôtre, dont le Pré Catelan (2 macarons Michelin) ; sans oublier les réceptions ; conseiller les enseignes Mercure et Novotel (groupe Accor) pour leurs cartes des vins ; former le personnel à l'nologie.
L'avenir ? Patrick Scicard entend développer les liens avec Mercure, Novotel, Sofitel et Wagons-Lits, ce qui sous-entend qu'Olivier y consacrera plus de temps. Aussi l'on devrait trouver sur la carte "des vins conseillés par Olivier Poussier". "Intensifier la culture et la politique vin dans les boutiques, organiser des cours haut de gamme pour les professionnels à l'Ecole Lenôtre mais aussi, en interne, favoriser les opérations à l'extérieur, superviser les repas test de la partie traiteur, commenter les vins lors de dîners de prestige...", le patron de Lenôtre et Olivier Poussier ne manquent pas d'idées. Il serait bien dommage pour Lenôtre et Accor de ne pas aussi profiter d'avoir en son sein un Meilleur sommelier du monde. On notera également un projet de livre sur les accords vin/dessert. "Je ne suis pas loin de penser que les grands accords vin/dessert sont aussi importants que les accords vin/fromage. Un accord vin/dessert, c'est la signature d'un repas. On va au bout de la définition de la gastronomie et on se fait plaisir. Ça finalise un repas. Il est dommage que les clients arrêtent bien souvent leur consommation de vin au fromage." L'ouvrage, en collaboration avec les professionnels de l'Ecole Lenôtre, devrait paraître à l'automne prochain. Olivier Poussier va donc continuer à remplir son rôle de sommelier : "Apporter un moment de joie et de plaisir aux gens qui sont autour de soi, sans oublier le vigneron qui, ne voit pas la clientèle. Il n'y a que nous pour retransmettre ce plaisir aux vignerons." Il va aussi consacrer un peu plus de temps à son épouse et ses deux enfants. Il l'a promis.
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Accords mets/vin par Olivier Poussier
Avec la Volaille fermière (le Suprême poché et farci
de foie gras, glacé d'une sauce fleurette, copeaux de truffe, la cuisse préparée en
petits boudins blancs juste dorés, compotée de chou à l'ancienne, les feuilles en
cristalline), signée Frédéric Anton du Pré Catelan, Olivier Poussier a choisi un vouvray demi-sec Haut-Lieu 1971 du Domaine Huet.
"Sur la viande blanche à la crème, je suis opposé au vin rouge. Les tannins des
vins rouges et les sauces à la crème sont trop en opposition. Ce vouvray de 29 ans
d'âge n'est pas un vin sirupeux. Il titre entre 12 et 13,5° et respecte la volaille.
Aromatiquement, le vouvray 1971 possède un côté tertiaire, de sous-bois, qui se
rapproche de la truffe. Ce mariage allie contrastes et accords en balance qui donnent du
relief à la crème. C'est un accord gustatif et aromatique...", le jeune
sommelier est intarissable.
"Ça ne coûte pas plus cher de boire bon que de boire mauvais", le cri du
cur d'Olivier Poussier
Le Meilleur sommelier du monde
connaît les réponses Et vous ?
Question : A chacune des DOC suivantes, indiquer sa
région de production. Réponse : Bagnoli : Veneto ; Biferno : Molise ; Carignano del Sulcis : Sardegna ; Melissa : Calabria ; Colli Piacentini : Emilia Romagna ; Contea di Sclafani : Sicilia ; Solopaca : Campania ; Controguerra : Abbruzo ; Verduno Pelaverga : Piemonte. Question : Quel est, en considérant faire un bon achat, le prix approximatif actuel d'une bouteille de Château d'Yquem 1952 ? Réponse : Il n'y a pas de Château d'Yquem 1952. Question : Nommer le principal ingrédient et le pays d'origine des spiritueux suivants : Boukha - Cachiri - Cachaça - Cédratine - Cocuy - Amarula - Malibu - Mau-Thai (mow toy) - Midori - Pacharan. Réponse : Boukha : figue, Tunisie ; Cachiri : manioc, Guyane ; Cachaça : canne à sucre, Brésil ; Cédratine : écorce de cédrat, France/Corse ; Cocuy : cactus, Venezuela ; Amarula : elephant berries, Afrique du Sud ; Malibu : noix de coco, Grande-Bretagne ; Mau-Thai : blé ou millet, Chine ; Midori : melon, Japon ; Pacharan : herbes et baies, Espagne. Question : A partir de quel cépage croate sont élaborés le Dingac et le Postub et quelle en est la couleur ? Réponse : Plavac-mali, rouge. |
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L'HÔTELLERIE n° 2699 Magazine 04 Janvier 2001