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'Label', 'agrément', le terme n'est pas arrêté, mais la volonté est là. Professionnels et enseignants veulent redorer le blason de l'apprentissage. Une nécessité pour retenir les jeunes dans la profession.
m Lydie Anastassion
Soulevée lors de la dernière réunion de l'Union
nationale des anciens élèves des écoles hôtelières à Paris, en septembre dernier, la
question de l'absence d'un véritable agrément des maîtres d'apprentissage est à
l'ordre du jour, aussi bien chez les enseignants et responsables pédagogiques que chez
les professionnels. Aujourd'hui supprimé, l'agrément était auparavant décerné au
maître d'apprentissage par les préfectures des départements. Son attribution était
subordonnée à une enquête dans l'établissement demandeur. En cas de non-respect de ses
engagements, le maître d'apprentissage pouvait perdre son agrément.
Aujourd'hui, pour recevoir des apprentis en formation, il suffit de faire une déclaration
à la direction départementale du Travail et de la Formation professionnelle (DDTEFP). La
personne chargée de la formation des apprentis (pas forcément le patron) doit au moins
être titulaire du diplôme préparé par les jeunes, exercer leur activité
professionnelle depuis 3 ans, ou justifier de 5 ans d'activité professionnelle en
relation avec la formation dispensée. Des conditions trop souples selon certains.
Renforcer les contrôles
"C'est une procédure allégée", dénonce Jean-Claude Impens, président
de la chambre syndicale de l'industrie hôtelière d'Ile-de-France. Il poursuit : "Dans
la quasi-majorité des dossiers, les préfectures acceptent les déclarations et il n'y a
aucun contrôle. Du coup, certains professionnels abusent, ne forment pas les apprentis
qu'ils considèrent comme de la main-d'uvre bon marché. Ils ne sont heureusement
pas nombreux, mais cela suffit à dégoûter les jeunes du métier." François
Poissenot, proviseur adjoint aux lycée hôtelier et CFA François Rabelais à Dardilly
(Orne), renchérit : "Il n'y a plus de visite de contrôle pour vérifier si les
matériels et les locaux permettent de former des jeunes par rapport au contenu du
diplôme préparé."
Pour redresser la barre, nombreux sont les professionnels et les enseignants à appeler de
leurs vux la remise en place de mécanismes de contrôle. "La seule façon
de garder un niveau de formation élevé, c'est de la confier à de véritables
professionnels. Et pour avoir de vrais professionnels, il faut revoir l'agrément",
assure Elmut Lauk, restaurateur à Louvres (Val-d'Oise) et maître d'apprentissage depuis
25 ans.
Evoquée lors de la réunion, la mise en place d'un label par un organisme professionnel
pose plusieurs problèmes : Qui peut se prévaloir de la légitimité nécessaire ? Quels
critères retenir pour son attribution ? "La préfecture l'a retirée faute de
pouvoir la gérer. Cela me paraît invraisemblable de dire que l'on fera mieux car cela
suppose des moyens financiers et techniques énormes. De plus, le choix des critères va
encore poser des problèmes d'objectivité. Comment évaluer la compétence
professionnelle des gens qui attribueront cet éventuel label ? Je crois que dans ces
conditions un agrément ne signifiera rien de plus", commente Henriette Sauvage,
directrice de l'Ecole des Métiers de la Table de Paris. Afin de pallier ce manque, elle a
opté pour une solution maison : établir une liste des entreprises recommandables, en
fonction des diplômes préparés et le type de formation nécessaire, et... une autre de
celles non recommandables. "Par exemple, une chaîne d'hôtels ne sera pas bonne
pour un jeune préparant un CAP restaurant, alors qu'un autre en CAP hôtellerie y
trouvera parfaitement son compte", poursuit Henriette Sauvage.
Nature des conventionsLes conventions doivent mentionner leur champ d'application géographique,
professionnel ou interprofessionnel, les modalités et les critères d'évaluation de
l'expérience et des connaissances du candidat pour l'appréciation de ses compétences et
de son savoir-faire en matière tutorale et pédagogique, la composition du jury
délivrant le titre et les modalités de délivrance du titre. |
Souligner la compétence tutorale
Le législateur semble pourtant avoir pensé à la question. L'article R. 117-21 du Code
du travail institue le titre de Maître d'apprentissage confirmé (décret du 26 juillet
1996), décerné par les chambres d'agriculture, les chambres de commerce et d'industrie,
et les chambres des métiers, ou encore les organismes créés à cet effet par les
organisations patronales et syndicales. Pour y prétendre, il faut une expérience
professionnelle d'au moins 5 ans, une expérience d'au moins 2 ans comme tuteur auprès de
jeunes en contrat d'alternance, et "avoir acquis des compétences et un
savoir-faire en matière tutorale et pédagogique", validés selon des modalités
fixées par des conventions passées (lire encadré) par les chambres et organismes
précités et l'Etat.
Apparemment inutilisé pour l'instant, ce dispositif met l'accent sur l'individu,
différenciant le maître d'apprentissage de l'entreprise. Le postulant doit présenter un
dossier type de candidature, indiquant son parcours professionnel, formation, description
des activités tutorales liées au suivi des jeunes en contrat d'apprentissage. Pour
devenir certifié, il doit entreprendre une démarche volontaire et il n'est pas certain
que l'entreprise dans laquelle il exerce y trouvera son compte. Pourquoi pousserait-elle
l'un de ses employés à se démarquer s'il emporte son titre en quittant la maison ? D'un
autre côté, l'employeur pourrait être sensible au fait que l'un de ses employés, nanti
de ce titre, puisse attirer les faveurs des centres de formation enclins alors à leur
envoyer de bons éléments. Mais on peut facilement concevoir que le certifié prétende
ensuite à une bonification salariale.
Pour acquérir des compétences tutorales et les valider dans le cadre d'une appellation
ou d'une autre, le maître d'apprentissage reprendra le chemin de l'école ou du moins
celui des centres de formation, de même que les professeurs devront revenir dans les
entreprises. Selon Roland Bernard, président du groupe hôtelier lyonnais Axe Hôtels et
président de la chambre de l'industrie hôtelière et du tourisme du Rhône, 300 à 400
maîtres d'apprentissage seraient intéressés par des formations de tuteur. Celles-ci
relèveraient d'une démarche volontaire de la part des professionnels concernés.
Pourtant, une première session à la formation de tuteurs en entreprise, organisée par
le centre Acfal formation hôtellerie-restauration* de Villeurbanne (69), qui devait se
dérouler les 27 et 28 novembre derniers, a été annulée faute de participants. Seules 3
des 40 entreprises contactées par l'organisme auraient répondu positivement. "Les
professionnels nous ont dit qu'ils avaient 20, voire 30 ans d'expérience, regrette
Sylvie Philippon, la responsable du centre Acfal formation hôtellerie-restauration, mais
nous ne prétendions pas leur apprendre leur métier, seulement leur donner des pistes
supplémentaires pour apprendre à apprendre." *
Acfal formation
hôtellerie-restauration
4, rue Louis Adam
69100 Villeurbanne
Tél. : 04 78 85 14 15 - Fax : 04 78 85 16 48
Une charte de l'apprentissageLa chambre de l'industrie hôtelière et du tourisme du Rhône met en place une charte de l'apprentissage dont l'objectif est de définir les droits et les devoirs de l'apprenti et du maître d'apprentissage. Au stade de l'élaboration, la charte associe l'élève, l'école, le maître d'apprentissage et les parents quand le jeune est mineur. "Nous prendrons une heure par trimestre sur le temps des cours pour expliquer aux jeunes les implications de leur statut de salarié", explique Roland Bernard. "Ensuite, le maître d'apprentissage prendra le relais au sein de l'entreprise. Les bons seront tout de suite intéressés", poursuit le président du groupe Axe Hôtels, qui prévoit ensuite la signature d'une convention sous l'autorité du préfet. |
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L'HÔTELLERIE n° 2703 Magazine 1er Février 2001