Filiale de la Société du Louvre, spécialisée dans l'hôtellerie économique, Envergure veut aujourd'hui essaimer ses enseignes à travers le Vieux Continent. Un développement qui s'effectuera avec les hommes et en respectant la rentabilité de l'entreprise.
m Propos recueillis par Claire Cosson
L'Hôtellerie :
Le 2 juin 1999, Envergure a repris 100 % des actions de la société Hôtels & Cie.
Cette acquisition a permis à votre groupe de se hisser au premier rang de l'hôtellerie
économique française (en nombre d'hôtels) tandis qu'il abordait également le métier
de franchiseur au sens propre du terme. Quel bilan tirez-vous aujourd'hui de cette
opération ?
Frantz Taittinger, président-directeur général
d'Envergure :
Le rachat d'Hôtels & Cie constitue pour notre entreprise une opération de croissance
externe riche d'enseignements. D'ailleurs, si cela était à refaire aujourd'hui, nous
recommencerions !
En devenant propriétaire des marques Climat de France, Nuit d'Hôtel et Balladins,
Envergure a, en vérité, pris une toute nouvelle dimension dans le paysage hôtelier.
Nous sommes véritablement devenus le numéro 2 de l'hôtellerie européenne. Nous nous
sommes mis en fait à exister. Ce dont beaucoup de gens n'avaient pas conscience
auparavant.
Balladins.
Avec cette acquisition, nous avons aussi découvert un métier très différent du
nôtre : celui de 'simple' franchiseur. Pour la première fois de notre histoire, nous
nous sommes en effet retrouvés face à des personnes, des franchisés gestionnaires de
leurs établissements, qui ne nous avaient pas choisis au préalable. Au terme de la
transaction, elles éprouvaient, bien entendu, certaines réticences à notre égard. Nous
avons donc dû apprendre à nous connaître mutuellement afin d'établir des relations de
confiance.
Un travail sur les relations humaines qui s'est avéré extrêmement instructif. C'est
d'ailleurs d'un commun accord avec nos franchisés que nous avons choisi de lancer une
nouvelle enseigne, Kyriad, réunissant la majorité des Climat de France et Clarine, ou
bien encore de transformer les Nuit d'Hôtel en Première Classe. Chacun a en effet
compris son rôle. Le devoir du franchiseur reposant sur une règle absolue : être au
service de son franchisé. Mais, dans l'intérêt bien sûr unique des clients de nos
établissements. Les franchisés devant, eux, en contrepartie, respecter les règles du
jeu.
Bleu Marine est une marque tactique pour Envergure.
L'H. :
L'apprentissage du métier de franchiseur a-t-il eu des incidences sur la manière de
gérer votre entreprise ?
F. T. :
Le rachat d'Hôtels & Cie, dont la fusion juridique avec la société Envergure va
être entérinée d'ici à quelques jours, a évidemment eu un impact sur notre façon
d'aborder la gestion du groupe. A commencer par l'intégration des équipes de la
société dirigée autrefois par Gilles Douillard. Sur 80 personnes qui travaillaient pour
Hôtels & Cie, 50 nous ont en effet rejoints, imprégnées de leur culture
d'entreprise et de leur manière d'appréhender les situations. Au final, chacun a
beaucoup appris l'un de l'autre ! Dialogue et écoute nous ont donné la possibilité de
poursuivre ensemble les ambitions du groupe, à savoir se développer dans les principaux
pays pour occuper une place de premier plan dans les segments de l'hôtellerie accessibles
au plus grand nombre.
C'est là un atout considérable ! Surtout lorsque l'on sait que la richesse d'une
entreprise repose sur les hommes qui la constituent. C'est d'ailleurs sur ce thème
qu'Envergure a décidé de communiquer au cours des prochains mois. Notre signature se
déploie désormais à travers ces quelques mots : "Humain par vocation."
L'H. :
Fort de cette nouvelle signature et de votre position renforcée de challenger
derrière Accor au niveau européen, quelle va être votre stratégie dans l'avenir ?
F. T. :
Notre stratégie repose sur deux éléments essentiels : les hommes et le développement.
Envergure compte du reste doubler son parc d'hôtels d'ici à 2006. Pour ce faire, nous
allons investir quelque 9 milliards de francs, dont 3 milliards de francs à notre charge.
Nous bénéficions en effet d'un apport de 800 millions de francs de fonds propres de la
part de notre maison mère jusqu'en 2003. Le restant étant financé par emprunt.
Cela ne signifie pas pour autant que nous sacrifierons la rentabilité à la croissance.
La rentabilité de nos investissements primera en effet toujours sur le choix de certaines
opérations. D'autant plus d'ailleurs que, dans nos métiers, les investissements sont
lourds et les marges tendues : la rentabilité se situant aux environs de
20 % du prix de la chambre...
L'H. :
Cela signifie que votre développement s'effectuera avec prudence et non tous azimuts ?
F. T. :
Ne jouissant pas des moyens financiers analogues à ceux dont disposent les grands
conglomérats internationaux, Envergure se doit en effet d'avancer avec une certaine
prudence en termes de croissance. Notre axe de développement se limitera donc aujourd'hui
géographiquement à l'Europe et aux pays où nous sommes d'ores et déjà implantés.
Autrement dit, nos axes prioritaires sont les suivants : la Grande-Bretagne, la Hollande,
la Belgique, le Luxembourg et la Pologne. Viennent ensuite l'Italie, l'Espagne, le
Portugal et très probablement l'Allemagne.
Nous
estimons que les marques Campanile, Kyriad et Première Classe sont les enseignes
commerciales qui disposent du plus fort potentiel pour s'installer dans les destinations
précédemment citées. Ce qui ne veut pas dire pour autant que d'autres marques ne
puissent pas se décliner de manière opportuniste à l'étranger.
Afin d'atteindre nos objectifs de croissance, nous allons évidemment étoffer nos équipes de développement. Ce qui nous permettra de multiplier rapidement les contacts dans les pays qui nous intéressent. Nous recourerons bien sûr à différentes méthodes pour accroître nos parts de marché.A commencer par la construction d'hôtels neufs. 24 ouvertures sont ainsi d'ores et déjà prévues au cours de l'année 2001, dont 13 à l'étranger : Pologne, Italie, Espagne, Grande-Bretagne et Pays-Bas. Envergure table aussi sur une augmentation du nombre de ces mandats de gestion et contrats de franchise. Il se peut en outre que certaines opportunités de rachat se présentent à nous. Le cas échéant, nous étudierons les dossiers en question tout en demeurant attachés à nos principes de rentabilité. C'est ce que nous avons d'ailleurs appliqué avec Timhôtel. Une chaîne parisienne pour laquelle nous avons en vain proposé 320 millions de francs au propriétaire. Somme qui nous paraissait être le juste prix.
Kyriad.
Parallèlement, nous envisageons également la sortie de certains de nos investisseurs qui, à travers des participations à des tours de table, sont propriétaires d'environ 200 hôtels, et qui souhaitent quitter ce secteur d'activité.
L'H. :
Lever des capitaux en Bourse serait une option qui permettrait d'accélérer votre
essor ?
F. T. :
Entrer en Bourse n'est pas d'actualité ! D'autant plus qu'il n'y a pas véritablement de
spéculations boursières sur nos métiers. Je crois qu'il ne faut jamais perdre de vue
qu'Envergure est une entreprise familiale et qu'elle entend bien le rester. Notre maison
mère, la Société du Louvre, a montré à maintes reprises que sa filiale d'hôtellerie
économique se voit attribuée des mises de fonds propres en priorité et suffisamment.
L'arrivée souhaitée de l'homme d'affaires belge Albert Frère, via la Compagnie
Nationale à Portefeuille (CNP), dans le groupe Taittinger (10,7 %), et sa filiale la
Société du Louvre (11,4 %), ne devrait pas entraîner de changement stratégique en la
matière. Au contraire !
En appeler à la Bourse n'est tellement pas à l'ordre du jour que nous sommes même sur
le point de proposer aux membres du personnel, qui détiennent 1 % du capital du groupe
Envergure, d'échanger leurs actions contre celles de la Société du Louvre.
L'H. :
Vous parlez beaucoup de l'Europe dans vos axes de développement, mais très peu de
l'Hexagone. Estimez-vous avoir achevé votre Tour de France ?
F. T. :
Très sincèrement, je crois que l'Hexagone offre encore beaucoup d'opportunités de
développement. Nous allons d'ailleurs y construire 13 nouveaux établissements en 2001,
dont 1 Kyriad, 9 Première Classe et 3 Campanile. La mise en place des CDEC, loi pour
laquelle j'ai voté en tant que député, a en effet permis d'assainir le marché
français.
Première Classe est l'enseigne superéconomique du groupe.
L'H. :
Parmi les enseignes disposant du plus fort potentiel de développement figure Kyriad.
Quelles sont réellement vos ambitions pour cette chaîne ?
F. T. :
Je crois profondément dans Kyriad ! Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si Envergure s'est
autant impliqué dans le lancement de cette nouvelle enseigne. Il était impossible de
gérer le portefeuille de marques 2 étoiles dont nous avions hérité. Il fallait agir et
nous l'avons fait en investissant quelque 25 millions de francs (publicité, changement
d'enseigne, résiliation de contrats...) en 2000 et 2001.
Aujourd'hui, nous disposons d'un réseau totalisant 166 établissements. De quoi
clairement montrer notre nouveau concept aux clients et à la concurrence. D'ici cinq à
six mois, la chaîne devrait d'ailleurs dépasser le seuil des 200 affiliés. Notre
objectif étant de franchir la barre des 300 hôtels dans les trois ans qui viennent.
Il n'en demeure pas moins vrai que nos équipes poursuivent leur travail sur cette
nouvelle enseigne en essayant de la personnaliser à travers des petits 'plus' qui lui
seront véritablement propres. Nous sommes ainsi en train, par exemple, d'étudier un
accord avec une entreprise de coiffure à domicile, qui permettrait à notre clientèle de
bénéficier de ce service.
L'H. :
Et qu'en est-il de l'avenir du réseau Balladins ?
F. T. :
La problématique de Balladins est simple : la chaîne ne se développe plus depuis des
années. Nous réfléchissons à l'avenir de la chaîne, et ce, en concertation et
transparence avec les franchisés.
L'H. :
Grandir est un élément stratégique pour tout groupe hôtelier qui se respecte. Mais
rénover également. Où en êtes-vous en la matière ?
F. T. :
Dans le secteur hôtelier, si vous ne rénovez pas vos établissements, c'est la mort
assurée ! Je dois reconnaître que nous avons pris un peu de retard en la matière. Mais,
les choses vont rentrer très vite dans l'ordre. D'ailleurs notre programme de rénovation
est maintenant clairement établi. A la fin 2000, nous avions rénové quelque 80 unités
Campanile, investissant entre 40 000 et 70 000 francs par chambre. Un rythme que nous
allons maintenir au cours des prochaines années.
Ce sera ensuite au tour des Première Classe de subir une cure de 'jouvence'.
L'H. :
Quelles sont vos ambitions dans le domaine de la restauration ?
F. T. :
Envergure détient aujourd'hui 32 unités Côte à Côte qui sont rentables. Il n'en
demeure pas moins vrai qu'à cette taille nous ne bénéficions pas d'effet de chaîne.
J'aimerais donc trouver des partenaires qui puissent nous aider à accélérer le
développement de la chaîne pour porter le réseau à au moins 100 restaurants. Ce
dossier devrait aboutir dans l'année ou au plus tard début 2002.
Envergure cherche un partenaire pour développer le concept Côte à Côte.
L'H. :
Envergure a été l'un des premiers groupes hôteliers français à se lancer sur
Internet. Les nouvelles technologies sont-elles toujours à l'ordre du jour ?
F. T. :
En ce début de troisième millénaire, nous allons bien sûr poursuivre nos efforts dans
ce domaine. Envergure va d'ailleurs disposer d'une nouvelle version Internet d'ici à
quelques jours, avec moteur de recherche, accès direct à la liste des hôtels ayant des
chambres disponibles, réservations en temps réel... Notre objectif dans le domaine est
de doubler les réservations transitant par la Toile.
J'estime cependant que la fonction essentielle de cet outil technologique se limite à
augmenter la notoriété du groupe en capitalisant sur l'ensemble des marques. n
Les 4 valeurs clés d'Envergure Le sens de l'accueil |
Enseigne | TO 1999 en % |
TO 2000 en % |
Variation en points |
RMC 1999 en francs |
RMC 2000 en francs |
Variation en % |
RevPar 1999 en francs |
RevPar 2000 en francs |
Variation en % |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Campanile | 69,80 | 68,62 | - 1,70 | 299,20 | 315,3 | + 5,38 | 208,85 | 216,38 | + 3,61 | ||||||
Première Classe | 78,95 | 79,75 | + 0,80 | 167,01 | 171,91 | + 2,93 | 131,86 | 137,09 | + 3,97 | ||||||
Bleu Marine | 64,25 | 65,18 | + 0,93 | 399,70 | 423,21 | + 5,88 | 256,82 | 275,85 | + 7,41 | ||||||
Clarine | 61,47 | 57,91 | - 3,56 | 285,18 | 304,60 | + 6,81 | 175,31 | 176,41 | + 0,63 | ||||||
Balladins | 62,55 | 63,02 | + 0,48 | 211,44 | 220,52 | + 4,29 | 132,25 | 138,98 | + 5,09 | ||||||
Climat de France | 58,54 | 58,93 | + 0,39 | 263,82 | 276,45 | + 4,78 | 154,44 | 162,91 | + 5,48 | ||||||
Nuit d'Hôtel | 63,81 | 67,58 | + 3,77 | 144,00 | 148,58 | + 3,19 | 91,88 | 100,42 | + 9,29 | ||||||
Kyriad* | - | 53,21 | - | - | 297,14 | - | - | 158,12 | - | ||||||
*Avec deux mois d'activité de la marque |
Enseigne | Nbre d'hôtels |
---|---|
Campanile | 361 |
Première Classe | 167 |
Bleu Marine | 18 |
Clarine | 14 |
Balladins | 65 |
Climat de France | 35 |
Nuit d'Hôtel | 40 |
Kyriad* | 166 |
*Contrats signés, dont 143 prises d'effet au 31/12/2000 |
|
Total | 866 |
Année | Volume d'affaires | Chiffre d'affaires consolidé |
1998 | 4,5 |
1,4 |
1999 | 5,6 |
1,7 |
2000 | 5,7 |
1,8 |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2703 Magazine 1er Février 2001