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succès et difficultés |
Un bon emplacement est une chose, savoir se remettre en question en est une autre. Joël Jondeau, en reprenant l'affaire familiale, s'est engagé dans une course contre la montre dont lui et son équipe sont sortis vainqueurs. Gros plan sur un bistrot qui marche.
m Sylvie Soubes
Paris XVe, métro Convention. Plusieurs grandes artères se croisent sur cette place dont l'activité commerciale, entre cinémas et boutiques, bat son plein de janvier à décembre. Le Dupont Café fait partie du paysage depuis belle lurette. Il bénéficie d'un emplacement confortable, jetant sa haute façade verte aux yeux des passants comme un appel aux retrouvailles. Plusieurs générations s'y côtoient. Une clientèle de quartier, élargie à celle des sociétés, des magasins, des facs, en provenance aussi du parc des expositions de Versailles, deux stations plus loin. Presque hors du temps, à l'abri des thuyas qui dessinent une frontière entre rue et terrasse, ou encore côté bar, dans les lumières adoucies de néons judicieusement exploités, les gens s'accordent un moment de détente, accompagné le plus souvent d'un café, d'une bière ou d'une 'grande assiette'. Le lot quotidien d'un bistrot en somme. Et pourtant...
Vendre ou aller de l'avant
Fils et petit-fils de bistrotier, Joël Jondeau, un BA d'économie internationale en
poche, et après une session à l'université de Stanford en Californie, s'apprête à
embrasser la carrière d'analyste financier lorsque "les circonstances en
décident autrement". Sa mère tombe gravement malade et son père n'a plus le
feu sacré. Que faire avec le Dupont Café ? Le vendre ? Joël, qui a fait ses premiers
pas sur le carrelage de l'établissement, a le cur serré. Mis au pied du mur, il
hésite. Et s'il reprenait l'affaire ? Du moins pendant quelque temps, histoire de voir,
d'essayer... Nous sommes en 1992. Une mauvaise année pour les CHR qui subissent de plein
fouet les effets de la crise économique qui balaye l'Europe. Le millésime du quitte ou
double pour Joël qui retrousse ses manches la fleur au fusil.
ManagementLa directrice du soir est là depuis 12 ans. Un autre responsable est là depuis 10 ans. Joël Jondeau a réussi à faire évoluer une partie de l'ancienne équipe, tout en donnant un coup de jeune à l'ensemble. Aujourd'hui, le personnel est constitué de professionnels et d'étudiants. "Cette mixité nous permet de gérer les besoins en fonction des services et cela donne une ambiance plus détendue en salle." |
"Le Dupont Café était un établissement classique, qui avait un réel
potentiel et une jolie surface. Mais cela ne suffit pas pour qu'une affaire fonctionne et
soit dynamique. Nous étions tous conscients qu'il fallait se remettre en question, mais
nous ne savions pas par quel bout commencer. Le temps était compté. Soit on donnait un
coup de fouet à l'affaire, soit c'était la fermeture à plus ou moins courte échéance."
Après une période de concertation et de réflexion, Joël démarre une nouvelle gamme de
produits. Assiettes poilâne, salades composées, tartares... Le jambon blanc vient de
Franche-Comté, le saumon est acheté chez Petrossian, le pain provient du Moulin de la
Vierge (parmi les meilleures boulangeries de la capitale). "J'ai tablé sur la
qualité et la saisonnalité tout en baissant les prix, ceci de manière à faire
progresser les volumes. Il fallait pousser les clients à venir plus souvent."
Une alchimie qui débouchait, pour notre jeune patron, sur une politique de négociation
systématique des prix d'achat de certains produits, comme la bière ou le café.
La machine enclenchée, Joël Jondeau, prudent, a toutefois attendu 1997 pour engager des
frais de rénovation. "Vous savez, il n'est pas facile non plus de trouver les
bons architectes, les bons décorateurs..."
Soirée
"Notre faiblesse, reconnaît Joël, c'était clairement le soir. Le Dupont
Café, en soirée, manquait d'atmosphère. C'est en Angleterre que nous avons trouvé
l'inspiration." Beaucoup de vert foncé, de la terre battue, du bois, un parquet
brut, quelques banquettes, des petites tables, de la lumière tamisée (même en journée
depuis), et une sensation d'espace et de liberté cultivée à tous les niveaux. "On
s'amuse avec un service de tasses et sous-tasses de toutes les couleurs. Le personnel est
en tee-shirt, pull, jean et baskets. Nous faisons l'happy hour en fin d'après-midi...
L'animation tient une place importante dans le succès de l'établissement tel qu'il est
conçu aujourd'hui." Joël Jondeau ajoute : "Pour avancer, un bon
partenariat avec les fournisseurs est essentiel. Il faut oser négocier. Bien sûr, cela
prend du temps. Pour ma part, je regrette que tous mes confrères n'aient pas le temps
nécessaire pour comparer, peser le pour et le contre, se rendre compte des différences
de prix, des différences de possibilités."
En 1992, le Dupont faisait 3,8 millions de francs de chiffre d'affaires. Il a atteint 5,6
millions de francs en 1999 et a dépassé la barre des 6 millions de francs en 2000 ! n
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En chiffresSurface 120 m2 |
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L'HÔTELLERIE n° 2703 Magazine 1er Février 2001