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Après avoir placé leur enseigne parmi les meilleures tables niçoises durant 19 ans, Evelyne et Théo Mansi, confiants dans l'avenir, reconnaissent la chance d'avoir un fils comme le leur. A 25 ans, Christophe assiste son père et le pousse à investir.
Théo Mansi, 47 ans, explique sans ironie : "J'ai appris la pizza avec le père Franco, qui faisait la pâte en fonction de la météo." Cette réflexion est tout à l'image de cet Italien du sud de la botte qui a travaillé dur. Son diplôme de cuisine en poche, Théo Mansi ne voulait pas être une bouche de plus à nourrir pour sa famille et s'est engagé immédiatement sur les bateaux. Il dit y avoir appris à travailler en autonomie avec des produits haut de gamme, à détailler la fabrication du pain, des plats raffinés, des buffets sophistiqués, des pâtisseries de haut niveau... "Je préférais regarder faire les chefs plutôt que prendre mes heures de repos." Aujourd'hui, il a l'expérience et de l'idée en plus. Pas d'investissements purement commerciaux, tout ici sent l'affaire de cur. Ce qui ne l'empêche pas d'en récolter les fruits. "Deux restaurants en un", c'est l'expression de Théo Mansi pour définir son auberge. "On y mange de 7 à 80 ans, de la pizza maison au menu gastro à 300 F, en passant par la carte de petits plats traditionnels. Nous avons fait deux restaurants en un, mais sur la pizza, nous mettons du jambon à 30 F le kilo, pas de l'épaule." Ses tarifs, Théo Mansi les veut accessibles. "Nous cherchons à fidéliser. Nous avons maintenant les enfants de nos premiers clients. Ce sont des adultes qui débutent, qui viennent de se marier, qui ont des enfants en bas âge, et nous ne pouvons pratiquer un ticket moyen à 500 ou 600 F. Ils ne reviendraient pas !"
Théo Mansi aux côtés de son fils Christophe.
Savoir ménager son équipe
L'auberge organise volontiers des repas à thème pour Noël, le jour de
l'An, la fête des Mères. L'effectif est de 12 personnes, dont 6 en cuisine avec Théo,
et 5 en salle, avec Evelyne, l'épouse de Théo, et Christophe (passé par tous les postes
depuis son adolescence), un barman, un maître d'hôtel et une apprentie, plus un
vestiaire. Théo est secondé en cuisine depuis 12 ans par le Normand Didier Bordet, dont
il dit qu'il est son fils spirituel. Ici, l'ancienneté est chose courante. Théo déclare
: "J'ai communiqué à mon fils la foi dans le métier qui fait accepter sa
difficulté à tous les niveaux, et qui est devenue rare puisqu'on a de plus en plus de
mal à trouver des professionnels compétents. Je lui ai aussi démontré que l'on
n'arrive à rien seul et qu'il faut vraiment respecter et soutenir ses salariés pour
obtenir le meilleur d'eux et faire avancer une entreprise. Lorsque nous recrutons
quelqu'un, Christophe sait maintenant le jauger en une journée. Travailler avec nous
relève avant tout d'un état d'esprit. A chaque maître d'hôtel correspond tel client
qui, du coup, a l'impression qu'une personne veille en permanence sur son
bien-être." En échange d'un réel professionnalisme de la part de ses
salariés, Théo Mansi prend par exemple en charge le vol du cyclomoteur de l'apprenti,
comme son absence lorsque la raison lui paraît suffisante. Dans le même esprit, Théo
Mansi a fermé son établissement 3 semaines en août et une semaine en décembre, afin de
permettre à ses employés "de profiter de leurs enfants comme dans n'importe quel
autre métier".
Ne pas cesser d'investir dans le
cadre
Situé dans un quartier décentré de la ville, sur une colline plutôt résidentielle
avec une clientèle à 95 % locale incluant largement les professeurs des cliniques et
hôpitaux, la direction de la Compagnie des Eaux et le rectorat, l'Auberge de Théo ne vit
pas du tourisme. Même s'il est cité depuis 15 ans dans le Guide du Routard, avec
une palme au Ganthié, deux marmites au Hubert, et 2 assiettes au Champérard.
C'est en 1991 que les Mansi ont décidé de créer le patio (plus de 1 MF). En dépit
d'une mauvaise conjoncture générée par les événements du Golfe, les années 1991,
1992 et 1993 furent excellentes, suivies par 4 exercices de faible progression durant
lesquels l'effectif n'était que de 7 personnes, patrons compris. "Notre
clientèle avait besoin de renouveau, il fallait investir. Même si ensuite il nous a
fallu rester vigilant." Aujourd'hui, le chiffre d'affaires dépasse les 5 MF pour
une moyenne de 200 couverts par jour (en hiver, équilibrés sur les deux services ; et en
été, une quarantaine au déjeuner et 200 au dîner). Et l'auberge continue à investir.
Transmettre le métier à son
fils
En 1999, l'auberge a acheté l'épicerie adjacente pour agrandir l'entrée (avec une rampe
pour les poussettes et les personnes à mobilité réduite. C'est aussi une boutique de
produits signés comme le Limoncello du pays de Théo ou la vaisselle provençale),
aménagé de nouveaux vestiaires (gardés) et toilettes (superbes avec leurs vasques
personnalisées), et surtout a créé un toit ouvrant (plus de 1 MF d'investissement). "Au
final, nous n'avons gagné que la place d'une table de six, sourit Christophe, mais
quel plus pour la clientèle qui peut dîner à ciel ouvert et se déplacer avec aisance
!" Il faut dire que les Mansi ne lésinent pas sur le décor. Ils ont aménagé
une partie 'grange' avec des instruments agraires (tout brille !) et aussi une véritable
crèche napolitaine de 3 x 2 m, surnommée par l'équipe la 'twingo', car son prix
correspond justement à celui de la voiture ! Quant à l'extérieur, il est en pierre de
taille incluant une fontaine du XIIe siècle sur le trottoir. "C'est grâce à mon
fils que j'ai encore toute cette énergie, explique Théo. Il réussit tellement
dans tout ce qu'il entreprend que je veux l'aider à mettre ses idées en route." Diplômé
d'un BTS de gestion-restauration et d'une maîtrise, Christophe aimerait bien revenir plus
solidement à la partie cuisine, mais il est encore trop occupé par la salle,
l'informatique, et la gestion pure. Il se promet donc de continuer à apprendre auprès de
son père les recettes de sa grand-mère, comme le fameux mérou (accompagné d'une salade
frisée à l'étouffée, anchois et olives noires pour 120 F), à ses heures de liberté,
comme Théo le faisait y a 30 ans, quelque part sur les mers. n
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L'HÔTELLERIE n° 2703 Magazine 1er Février 2001