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Avec son expérience dans le secteur de l'hôtellerie et des séminaires, Pierre-Marie Tissier a laissé le marketing de l'industrie médicale pour lancer un château-hôtel à Ygrande dans l'Allier.
m Pierre Boyer
Le Château d'Ygrande, c'est
une propriété de 40 hectares avec une grande maison de maître construite en 1835. Son
propriétaire, 72 ans, éleveur de chevaux, a décidé de vendre. Pierre-Marie Tissier a
racheté l'ensemble, haras compris, en juillet 1998. Il avait des idées bien définies.
Venant d'une profession très différente du métier d'hôtelier-restaurateur, il pensait
pourtant avoir des atouts pour réussir dans ce secteur. Ancien responsable marketing
international dans l'industrie médicale, il voyageait beaucoup tant en France qu'à
l'étranger. "J'ai pu me forger une idée de l'hôtellerie à force de frustration.
J'avais des responsabilités au niveau européen avec des bureaux à Milan, Londres,
Düsseldorf et, bien-sûr, à Paris, et j'ai beaucoup travaillé pour des sociétés
américaines, se souvient-il. J'ai voulu changer de voie et lever un peu le pied.
Mais je n'avais pas envie de créer ou de racheter un établissement dans une zone
concurrentielle. Quand tout se joue sur la guerre des prix, il n'y a pas de véritable
challenge. Je trouve plus motivant de créer des produits nouveaux."
Le Château d'Ygrande dispose de 16 chambres 3 étoiles de 15 à 35 m2, et de 3
salles ou salons avec un parc de bois, champs et prés de 40 hectares.
Débuts hésitants
"Passionné de campagne et de chevaux, j'ai aussi voulu réconcilier travail,
passion et hobbies", poursuit-il avant de préciser que sa famille possède des
racines dans l'Allier du côté du père de son épouse. C'est lors de passages dans la
région qu'il a découvert le Château d'Ygrande.
Acheté en juillet 1998, après cinq mois de travaux, l'ouverture s'est déroulée en mai
1999. "Il y avait 6 chambres et nous en avons aménagé 16. Le plus difficile a
été de passer de 3 à 16 W.-C. et de créer les salles de bains nécessaires. Ce
n'est pas évident de se lancer, reconnaît Pierre-Marie Tissier. La région reste
peu connue dans les villes voisines. C'est difficile de se faire répertorier dans les
guides tant que l'établissement n'est pas ouvert quand il s'agit d'une création. La
précommercialisation n'a pas fonctionné comme je l'avais prévu."
Gros consommateur de séminaires dans son ancienne profession, Pierre-Marie Tissier compte
aussi développer cette activité à Ygrande en visant les réunions des hauts cadres et
dirigeants. Et si cela piétine un peu, pas question pour autant de baisser les bras.
Toutes les semaines, Pierre-Marie Tissier se rend à Paris pour démarcher des clients
potentiels. "Je veux faire venir des Parisiens, des Européens et des Américains
ici, et leur proposer des activités."
La proximité des circuits de Magny-Cours (Grand Prix de France de Formule 1) et de
Lurcy-Levis attirent des écoles de pilotage et des écuries de F1. "Nous avons
une opération par mois avec Ferrari. Il ne faut qu'une vingtaine de minutes pour se
rendre à Lurcy, circuit privé idéal pour destresser les cadres sur des Formules 3",
ajoute-t-il.
Jeune femme au fourneau
Le rachat d'une entreprise voisine par une société américaine entraîne aussi la vente
de 1 à 3 chambres en permanence. Pour l'instant, le tourisme pur reste marginal pour
l'hôtel. Heureusement, la restauration se développe bien surtout auprès de la
clientèle locale. Elle représente 60 % du chiffre d'affaires. "Nous avons une
très forte demande pour les banquets, repas de famille, mariages grâce à l'ambiance
château. Nous ne souhaitons pas toutefois dépasser les 60 à 80 personnes pour des
questions d'organisation."
Au fourneau, Pierre-Marie Tissier a embauché une jeune chef de 23 ans. Fannelie Stammegna
vient de Marseille. "Elle a peu d'expérience mais de bonnes bases. Elle est
pleine de talents et créative en restant sur des concepts simples. Elle apporte une
touche provençale aux produits du terroir bourbonnais." Une deuxième personne
l'aide en cuisine, "une femme d'une quarantaine d'années qui n'avait jamais
travaillé auparavant, qui s'occupe fort bien de la plonge des légumes, des entrées".
Les menus suivent le rythme des saisons. Il y a cinq entrées, cinq plats (viande, poisson
et gibier à l'automne), et cinq desserts. Les clients choisissent un plat plus une
entrée ou un dessert pour 150 F, ou bien une entrée, un plat et un dessert pour 210 F.
Avec mises en bouche et mignardises. Il faut compter 25 F pour le fromage. Il existe aussi
un menu terroir bourbonnais à 180 F (1).
Les produits sont frais. Les légumes viennent autant que possible du potager du château.
Pour l'avenir, des développements sont à l'étude. En récupérant les haras quand
l'ancien propriétaire aura fini de déménager, Pierre-Marie Tissier compte créer soit
un poney club, "animation rare dans la région", avec des pointes
d'activité pendant les vacances scolaires et l'organisation de classes vertes, soit un
centre de repos pour les trotteurs. D'autres aménagements plus 'classiques' existent
aussi comme une piscine ou une salle de musculation en cours de réalisation.
L'établissement a aussi obtenu le label Qualité Auvergne, lancé par le conseil
régional pour promouvoir une hôtellerie indépendante top niveau.
Bien des atouts en fin de compte pour gagner le pari qu'il a lancé avec son épouse,
cardiologue à Paris. Ils ont investi 10 MF pour la création du château-hôtel de 16
chambres en 3 étoiles avec 7 emplois à la clé. Le chiffre d'affaires prévisionnel
s'élève à 1,4 MF pour des chambres vendues de 390 à 800 F, des demi-pensions de 460 à
760 F, des tarifs séminaires de 870 F par personne en pension complète, et de 310 F par
personne pour une journée d'étude (1). n
(1) Tarifs 1999/2000.
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L'HÔTELLERIE n° 2707 Magazine 1er Mars 2001