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succès et difficultés |
Venue d'un tout autre univers, Chantal Bourquin a aménagé L'Oursin comme son propre intérieur. Pendant près de vingt ans, elle a dû se donner des priorités en matière d'investissements pour pouvoir finalement se faire une place dans le paysage local. En 1998, elle transmet à son fils un établissement en bonne santé.
Aubry Bourquin a grandi aux côtés de sa mère dans les couloirs de l'Hôtel L'Oursin (2 étoiles) à Saint-Jean-Cap-Ferrat. A 26 ans aujourd'hui, il est le gérant de cet établissement situé au-dessus du petit port, à 3 minutes à pied de la plage. Au départ, Chantal Bourquin souhaitait plutôt une enseigne sur Juan-les-Pins ou Villefranche-sur-mer, mais une opportunité l'a finalement poussée vers la prestigieuse presqu'île, entre Nice et Monaco. En dépit d'une basse saison parfois alarmante, Chantal Bourquin ne regrette rien, et continue à privilégier une atmosphère vraiment particulière, qui séduit parfois une clientèle habituée à d'autres étoiles. Lorsque Chantal investit les lieux, édifiés en 1925, elle reprend en fait une pension de famille qui a fermé ses portes. Elle en conserve le nom, mais en change immédiatement le décor. "Tout n'était que rafistolage, mauvaise literie, et pourtant, l'enseigne avait 3 étoiles. L'établissement ne les méritait pas, évidemment. Il m'était impossible de procéder à de gros investissements d'emblée, alors j'ai assaini, démonté les étagères inesthétiques, arraché tissus et moquettes, et puis j'ai fait venir tout le mobilier de ma maison savoyarde, non seulement pour lui donner un cachet, mais aussi pour me donner envie d'y travailler et d'y vivre avec mon fils, puisque nous l'habitons également." C'est ainsi que les couloirs prennent des airs de maison familiale rustique avec des vaisseliers cirés au miel et collections de théières, bouquets de fleurs de soie, de blé et de lavande, chapeaux d'un autre temps, livres reliés de cuir, dans une préoccupation de propreté irréprochable... L'intégralité des chambres (trois ont vue sur la mer) ne pouvant recevoir une armoire provençale, un lit Empire ou une coiffeuse de grand-mère, Chantal Bourquin les humanise systématiquement de lithos ou d'affiches, de quelques fleurs fraîches, d'une coupelle de perles chinoises ou de bonbons à la menthe, la tendance générale allant vers les tons et bois marins.
Chantal Bourquin, propriétaire de l'Hôtel L'Oursin, aux côtés de son fils
Aubry, gérant de l'établissement depuis 1998.
L'attrait d'un petit-déjeuner façon
chambre d'hôte
Aucune chambre n'a la même forme, ni la même surface, ce qui n'est pas pour déplaire à
Chantal Bourquin. "La variété des proportions, des vues, séduit nos clients et
finalement nous arrange bien aussi", déclare son fils Aubry. La famille Bourquin
pose de la céramique sur des tables, ponce et teint, mais il lui faudra pourtant attendre
1986 pour véritablement s'attaquer à la maçonnerie. "Ce qui m'a permis de
patienter, c'était de constater que notre clientèle revenait. Depuis les débuts, nous
avons instauré - pour ceux qui le souhaitent - un petit-déjeuner à la même table, dans
la réception, façon table d'hôte. Je n'impose pas un horaire butoir, vu que je peux me
rendre disponible, et les petits-déjeuners ont tendance à se prolonger jusqu'à midi, ce
qui demande de nettoyer et de ranger à plusieurs reprises, mais quelle ambiance ! Cela
marque généralement nos clients." A défaut de pouvoir instaurer une forme de
restauration 'dînatoire', comme ils le souhaitaient - faute de place -, les Bourquin
testent régulièrement les restaurants de Saint-Jean, Nice ou Monaco pour y diriger leur
clientèle sans risque. "Il faut savoir s'adapter."
Saisonniers sans fermer
Pas de fermeture systématique à L'Oursin qui tourne avec 2 personnes en basse saison
(Aubry et une employée polyvalente), et à 3 en haute saison. Voici quelques années,
Chantal s'octroyait une fermeture annuelle de quinze jours en novembre. Aujourd'hui, elle
y renonce. "Si l'hôtel ne marche vraiment pas, je ferme quelques jours
improvisés, en novembre ou en janvier, mais rien de fixé. Un client qui trouve porte
close est déçu et risque de ne pas revenir. Nous sommes des sortes de saisonniers, mais
nous ne comptabilisons jamais de saison estivale suffisamment forte pour nous passer d'une
petite clientèle hivernale. Il n'y a guère d'animation dans la commune, hormis la fête
vénitienne qui a lieu en août, la seule époque où l'on affiche complet !"
L'hôtel assume totalement ses 2 étoiles. "Deux des chambres et la réception
sont trop petites pour prétendre à 1 étoile supplémentaire. Mais nous avons attiré
justement la clientèle qui nous convient." L'équipe continue à veiller sur ce
qu'elle nomme "les détails de l'ombre", comme la qualité des alèses,
le ménage sous les lits... "Question d'éducation acquise depuis l'enfance !",
sourit Chantal Bourquin. C'est peut-être pour tout cela aussi qu'il n'est pas rare d'y
croiser quelques producteurs de disques célèbres, quelques comédiens aussi. "Même
si les tournages étaient plus fréquents ici il y a quinze ans encore, je reçois des
personnes en transit ou qui n'ont pas trouvé de place dans les palaces de la presqu'île."
"Depuis les débuts, nous avons instauré - pour ceux qui le souhaitent - un
petit-déjeuner à la même table, dans la réception, façon table d'hôte",
explique Chantal Bourquin.
Renforcer les démarches de
communication
Les habitués représentent 45 % de la clientèle - nombreux sont ceux qui ne peuvent
accueillir des amis ou de la famille dans un appartement secondaire ou sur un bateau trop
exigu -, composée également de professionnels, d'ingénieurs, d'architectes, d'ouvriers
de chantiers d'hiver, ou encore de ce trio de gardes du corps d'un prince saoudien qui se
relaient depuis six ans, durant deux mois et demi en été et quinze jours autour de
Pâques. Au niveau communication, L'Oursin a pour l'instant été discret. "J'ai
un jour distribué des cartes de visite, explique Chantal Bourquin, mais cela est
resté très exceptionnel. C'est un tort et j'incite mon fils à adresser des mailings, à
aller davantage dans le sens de la promotion." La clientèle italienne
représente 50 % du portefeuille de l'hôtel depuis une douzaine d'années. Elle aurait
remplacé une forte proportion de Britanniques, tandis qu'une tradition belge demeure
(propriété d'un roi sur la presqu'île), suivie de près par une clientèle nordique,
allemande essentiellement. Le problème le plus vif de L'Oursin, c'est le manque de
parkings municipaux. L'hôtel dispose seulement de deux places fermées qu'elle facture.
Après l'installation de la climatisation de cinq chambres en 1997, les Bourquin songent
fortement à ouvrir la courette intérieure pour y servir des petits-déjeuners entre les
plantes. Histoire de se démarquer une fois de plus... dès le saut du lit ! n
Aucune chambre n'a la même forme, ni la même surface, ce qui n'est pas pour
déplaire à Chantal Bourquin.
En chiffres |
Tarifs basse saison (sauf périodes de Carnaval et
de Grand Prix de Monaco) : de 200 à 400 F Ex : Chambre la moins chère pour une personne (douche, W.-C., tél., TV) : 200 F Premier prix pour une chambre double : 250 F Tarifs haute saison : de 200 à 550
F CA 1997 : 565 461 F HT |
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L'HÔTELLERIE n° 2712 Magazine 5 Avril 2001