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enquête |
Au prix d'une véritable révolution de 'palais', Disneyland Paris a redressé son image culinaire. Après des erreurs de jeunesse liées à l'organisation, à la tarification et à la variété des produits, le département restauration génère aujourd'hui un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 1,5 milliard de francs. Explications détaillées dans lesquelles la gastronomie française joue un rôle prépondérant.
m Claire Cosson
Avec un large et franc sourire, le maître d'hôtel vous accompagne à votre table qui donne sur 'Main Street' et sur les cuisines du restaurant. Fort aimable, ce qui ne rime enfin pas, ici en tous les cas, avec obséquieux, le jeune homme n'hésite pas à vous proposer très vite son aide. "Tenez !, lance-t-il, je vous conseillerais par exemple de débuter avec un Foie gras de canard et artichauts en marbré. Le tout accompagné d'une petite salade aux herbes aromatiques." Et de suggérer quelques instants plus tard : "Vous pourriez poursuivre avec un Sandre en filet poché aux épinards. Et puis finir sur une note chocolatée, réalisée par Thierry Atlan, avec une Tarte au chocolat pure origine, bonbon au chocolat tiède et jus de griottes..."
© Mickey
Thierry Atlan, MOF, réalise des 'gammes chocolatées' de haute volée.© Mickey
Inutile de scruter, inquiet, le visage des autres convives, confortablement installés dans la salle de style victorien du California Grill, situé au premier étage du Disneyland Hôtel, quant à la véracité culinaire de ce que vous venez d'entendre. Tous paraissent en effet totalement comblés. Non par enchantement, ce qui serait de mise dans l'univers merveilleux et féerique de Disney, mais bel et bien de satisfaction.
© Mickey
L'équipe du California Grill n'a rien à envier aux chefs étoilés.
Constat quasiment analogue à l'Auberge de Cendrillon, en plein cur du parc d'attractions. Face à la cour principale du Château de la Belle au Bois Dormant, où trône le splendide carrosse en forme de citrouille, petits et grands se pourlèchent eux aussi les babines en dégustant une Aumônière de chèvre chaud à la fondue de poireaux ou bien encore un Filet de bar au Noilly agrémenté d'une compotée d'endives et de jeunes légumes, suivi, bien sûr, de la fameuse 'Pantoufle' (chocolat blanc/chocolat noir).
© Mickey
A l'Auberge de Cendrillon, les repas ne disparaissent pas comme par enchantement.
Une révolution dans les cuisines
Qui l'eut cru ? L'heure n'est véritablement plus aujourd'hui à la malbouffe, façon
sauce américaine, dans la plaine de Brie. Sous la baguette 'magique' de Marc Robino,
directeur de la restauration, et grâce à la présence d'excellents chefs français
derrière les pianos, notamment Eric Leautey au California Grill, autrefois professeur de
cuisine à l'Ecole Lenôtre à Plaisir, le royaume de Mickey dispose désormais de
'tables' haut de gamme fort agréables.
© Mickey |
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Malgré le poids historique de la 'World Compagnie' et les méthodes standardisées
venues d'outre-Atlantique, 'l'exception française' semble ici avoir apparemment encore
une fois frappé. Pour le plus grand plaisir - évidemment - des gourmands et des gourmets
qui en ont maintenant plein les papilles. La petite souris aux grandes oreilles, premier
restaurateur de France avec quelque 29,8 millions de repas servis à l'année (jusqu'à
150 000/jour en haute saison), a effectivement choisi de mettre les petits plats dans les
grands pour reconstruire son image culinaire.
Depuis le 12 avril 1992, date d'inauguration du parc à thème de Marne-la-Vallée, une
véritable révolution est en réalité survenue dans les cuisines de Disneyland Paris
afin de gommer certaines erreurs que nous qualifierons de jeunesse. "Au début, il
est clair que nous avons débarqué en terrain conquis, persuadés que l'on pouvait
dupliquer sans aucune difficulté la restauration issue des parcs américains à la bonne
vieille Europe", raconte avec humilité un membre de la division restauration.
A l'origine, le vin et la bière sont du reste inscrits aux abonnés absents dans
l'ensemble des restaurants du parc. Les bars d'hôtel se trouvent réduits à des
mouchoirs de poche. Parallèlement, le célèbrissime hamburger domine, lui, en maître
sur les prestations alimentaires. A tel point que même les plus accrocs finissent par
s'en lasser. D'autant plus aisément d'ailleurs que les burgers d'alors sont sacrément
onéreux. Et si vous aviez l'estomac dans les talons, mieux valait prendre votre mal en
patience. Disneyland Paris se heurtant à un écueil majeur : la gestion des files
d'attente.
Trop chère, mal adaptée et plutôt lente ! Voilà en réalité les termes que l'on
emploie pour décrire la restauration d'Euro Disney à ses débuts (rebaptisé quelques
années plus tard Disneyland Paris). Une réputation que les dirigeants du site ne
supportent pas très longtemps. Les équipes acceptent d'ailleurs assez vite de changer
leur fusil d'épaule. Autrement dit, de revoir leur stratégie de fond en comble.
Révision des tarifs
Une opération délicate dans un site ne comportant pas moins de 62 points de restauration
aussi divers que des bars, restaurants avec service à table, du service au comptoir
(fast-foods) et des buffets. Qu'à cela ne tienne ! Le premier acte se joue en 1994
lorsque Philippe Bourguignon, alors p.-d.g. du monde merveilleux européen, opte pour une
baisse sensible des prix d'environ 20 %. Certes, la décision choque les esprits, mais se
traduit assez vite par une hausse confortable des ventes. Autre nouveauté lancée dans la
foulée : les formules-menu font leur apparition au sein de la restauration rapide.
Actuellement, les visiteurs peuvent ainsi se sustenter honorablement dans les fast-foods
du parc d'attractions en choisissant un menu à 55 francs pour les adultes et 29 francs
pour les enfants.
"Disney est le cas le plus compliqué qui puisse exister en matière de
restauration. D'une part parce que chaque restaurant est une chaîne à lui tout seul.
D'autre part du fait de la multiplicité des nationalités des visiteurs",
explique avec passion Marc Robino. Et d'ajouter : "Reste que notre objectif est de
satisfaire nos clients. Nous avons donc beaucoup travaillé pour nous adapter à leur
demande. A commencer par élargir notre ligne de produits."
De 17 à 300 références de vins
Chez Disney, on ne change pas en effet les clients, on s'adapte à eux ! Et en la
matière, les patrons de Mickey ont dû là aussi admettre que les Européens sont
différents des Américains ! Raison peut-être pour laquelle d'ailleurs "la
sélection des vins est passée de 17 références voilà 8 ans à plus de 300 en
2001", souligne Paul Vast, manager food. Qu'on le veuille ou non, il n'y a pas
que les soft drinks dans la vie. "Un bon petit verre de rouge, ça vous remet les
pieds sur terre après un voyage éclair dans la fusée de Space Mountain",
affirme un touriste.
Etats-Unis, Argentine, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, bon nombre
d'origines figurent donc en 2001 sur les cartes des restaurants du parc (service à table
exclusivement) et des hôtels. D'ailleurs, à 30 kilomètres de Paris, au cur de la
Brie, aussi incroyable que cela puisse paraître pour certains Anglo-Saxons, quelque 52
000 bouteilles sont débouchées chaque mois à Disneyland. Les amateurs de bière sont
eux aussi largement choyés puisqu'ils ont la possibilité de déguster dorénavant
jusqu'à 14 types de bières différentes sur le parc à thème.
Nombre d'autres aménagements ont été réalisés concernant les prestations
alimentaires, notamment celles proposées dans les comptoirs (restauration rapide), qui
représentent les plus gros volumes de la division. "Nous avons fait en sorte que
nos produits répondent aux attentes et aux goûts de la clientèle européenne",
indique le patron du département restauration. Au Chalet de la Marionnette, dans
Fantasyland, les visiteurs peuvent ainsi se régaler aujourd'hui d'un hot-dog bavarois,
accompagné d'une choucroute. Pour les sensibilités britanniques, il existe un sandwich
au roast beef, des fish & chips et autres spécialités locales.
Au Bella Notte, espace décoré sur le thème de la Belle et le Clochard, place aux
saveurs italiennes avec les pizzas (environ 35 francs), pâtes, lasagnes, la bruschetta et
le traditionnel tiramisu. Quelques mètres plus loin, assis au Fuente del Oro, les
vacanciers ont tout le loisir de découvrir les plats régionaux du sud de la frontière
américaine comme les tacos, le chili con carne ou bien encore les fajitas. A noter
également une évolution importante des produits destinés aux enfants avec la création
de menus et autres formules sympathiques (buffet à leur hauteur, goûter avec
personnages...) qui correspondent finalement davantage aux besoins des petites têtes
blondes.
A Disneyland Paris, il y en a en fait vraiment pour tous les goûts ! Y compris pour ceux
qui souhaitent organiser un pique-nique (prohibé à l'ouverture. Aujourd'hui, quelque 32
360 paniers express par an sont ainsi vendus au prix de 40 francs) et pour tous les
adeptes de la cuisine végétarienne. "Chacun de nos restaurants propose en effet
un plat végétarien", confirme Marc Robino. De là à ce que le bio débarque un
de ces jours chez Mickey, il n'y a qu'un pas. "Nous travaillons avec intérêt sur
le sujet", avoue un des responsables de la communication institutionnelle. Tout
comme sur la qualité des produits sélectionnés. "Avec les volumes que nous
traitons, nous devons impérativement soigner la qualité tant gustative que
bactériologique de nos produits. Nous n'avons pas le droit à l'erreur dans ce domaine
!", confie fermement le directeur de la restauration.
Le premier site de tourisme d'affaires |
Avec ses 2 centres de convention réalisant quelque 1 131 événements
d'entreprise, le royaume de Mickey caracole bien sûr en tête du palmarès des sites de
tourisme d'affaires en France. Une place de leader qui signifie là aussi un sacré nombre de repas servis par jour et donc une organisation spécifique. D'ailleurs, pour servir comme il se doit ce type de clientèle, Disneyland Paris s'est doté depuis 1997 de cuisines à régénération. Une technique qui facilite le travail de prépréparation des plats dans des conditions optimales (jusqu'à 3 jours à l'avance). Parallèlement, Mickey a également obtenu en septembre 1999 l'agrément de surgélation sous vide avec une DLC (date limite de consommation) de 5 mois. Un procédé qui garantit un suivi du produit dans le traitement de grands volumes, tout en rentabilisant les équipements et les espaces. A titre d'exemple, Patrick Munduteguy (chef de cuisine du centre de convention du Newport Bay Club et de la surgélation sous vide) et ses collaborateurs ont pu, grâce à ce dispositif, confectionner en temps et en heure quelque 12 000 amuse-bouches pour les fêtes du Millenium. |
Des diététiciennes pour équilibrer
les menus
Près de 33 000 personnes sont ainsi interrogées chaque année sur leur perception de
l'offre alimentaire. Des diététiciennes ont été embauchées afin de proposer un choix
alimentaire varié et équilibré. Sans oublier un renforcement du service hygiène et
qualité du site qui compte à ce jour 8 personnes.
"Nous effectuons plus de 3 000 analyses bactériologiques dans l'année",
commente Laurent Reymond, microbiologiste. Malgré des quantités gigantesques traitées
sur le site - 150 tonnes de poissons et crustacés, 2 900 tonnes de fruits et légumes, 4
millions de hamburgers, etc.-, tous les produits dits à risque sont en effet
référencés de manière particulière. Une démarche qualitative poussée à l'extrême
qui illustre parfaitement le professionnalisme et la profonde remise en question du
département restauration menée ces dernières années. Cette remise en cause a
également porté ses fruits concernant la gestion des flux. "Modifier les
habitudes de consommation est une tâche difficile à entreprendre. 80 % des gens veulent
en effet déjeuner entre 11 heures et 15 heures et dîner entre 19 heures et 20 h 30
", raconte Christophe Coutanson, chef de cuisine au Newport Bay Club. Alors, dans
les hôtels par exemple (totalisant 5 200 chambres), les responsables ont mis en place des
promotions sur les horaires ou des offres du type 'kids free' (un adulte payant, un enfant
gratuit...).
© Mickey
Autrefois quasi inexistants, les bars des hôtels de Disneyland Paris sont
maintenant des endroits accueillants. Ici, le bar du Captain's Corner, au Newport Bay
Club.
Autres actions importantes, la vente ambulante dans les files d'attente, la multiplication du nombre de chariots présents sur le parc suivant les périodes de fréquentation et la création d'un pavillon destiné à l'accueil des groupes. Certains restaurants ont également vu le nombre de leurs places assises grimper, tandis que la capacité de production des différentes cuisines augmentait. Reste que beaucoup d'efforts ont été menés en matière de formation, l'amélioration des niveaux de compétences des cast members (membres du personnel) constituant l'un des chevaux de bataille du directeur de la restauration. Mieux formés, les caissiers parviennent ainsi à optimiser la rapidité des transactions. "Nous avons de cette manière énormément amélioré la gestion des flux. Je peux dire que l'attente dans nos restaurants ne s'élève guère au-delà de 10 minutes. Sachant bien sûr que nous ne sommes jamais à l'abri des aléas climatiques", estime Marc Robino. Disneyland Paris a parallèlement créé sa propre école de formation (le Bus Drivers Lounge) qui reçoit chaque année une trentaine d'apprentis. En 1998, l'un de ses élèves a d'ailleurs été élu Meilleur apprenti de l'année. Sans compter sur le développement de différents types de formations (grilladin-rôtisseur...) qui renforce la technicité des collaborateurs et, par conséquent, la qualité du produit.
© Mickey
Entre 20 et 90 chariots sont présents tous les jours dans le parc d'attractions.
Se mettre à table
Autant de décisions qui témoignent clairement de l'envie qu'éprouvent Mickey et ses
dirigeants 'à se mettre à table'. La preuve ultime de cette nouvelle orientation se
concrétisant bien sûr à travers le repositionnement de plusieurs restaurants de service
à table. A commencer par le California Grill, confié depuis près d'un an et demi aux
mains expertes d'Eric Leautey. Une adresse qui vaut réellement aujourd'hui le détour,
voire, pourquoi pas, un petit 'macaron'. D'ailleurs les clients ne s'y trompent pas. "Au
mois de décembre dernier, nous avons enregistré une hausse sensible de la fréquentation
du restaurant avec près de 25 % de clientèle provenant de l'extérieur. En outre, le
ticket moyen de ce restaurant est passé de 180 à environ 320 francs TTC, vin
compris", indique Marc Robino.
L'art de vivre à la française
Ancien élève de grands noms tels Michel Peignaud ou bien encore Joël Robuchon, Eric
Leautey défend là en effet, avec brio, l'image de la gastronomie française. "Je
suis très content de travailler pour Disneyland Paris parce qu'ici je suis tout à fait
autonome dans ma cuisine. Et ce qui est encore mieux, c'est que je dispose de moyens
exceptionnels", raconte le chef. Même sentiment pour Thierry Atlan,
chocolatier-confiseur, Meilleur ouvrier de France qui, lui aussi, distille son
savoir-faire au California Grill via des touches chocolatées succulentes (chocolat à la
menthe fraîche, au thym citron...).
Olivier Leclerc s'éclate quant à lui au piano du Manhattan Restaurant (140 places
assises) et du centre de convention, à l'hôtel New York. "Voilà huit ans que je
suis présent à Disney. J'y ai découvert un nouveau métier, à savoir comment traiter
les volumes, la gestion des hommes et le relationnel. C'est une formidable expérience !
D'autant que j'ai moi aussi les moyens de travailler", explique l'intéressé.
Autant de témoignages positifs qui prouvent que 'l'art de vivre à la française' a bel
et bien séduit les Américains. Cuisine quand tu nous tiens, c'est pour tous ! n
© Mickey |
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© Mickey |
© Mickey |
Le menu du petit cowboy du Silver SpurPrestation : © Mickey |
Rubriques | 1992 (8,5 mois) |
1993 | 1994 | 1995 | 1997 | 1999 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre de clients | 984 763 | 1 676 907 | 1 970 923 | 2 290 949 | 2 674 724 | 2 623 627 | |||||
dont étrangers | 798 807 | 1 227 744 | 1 375 699 | 1 653 369 | 1 991 775 | 2 034 860 | |||||
dont Français | 185 956 | 449 163 | 595 223 | 637 580 | 632 949 | 588 767 | |||||
Nombre de nuitées | 2 730 643 | 3 486 526 | 3 828 870 | 4 517 346 | 5 108 436 | 5 217 615 | |||||
dont étrangers | 2 230 464 | 2 612 479 | 2 754 751 | 3 329 843 | 3 914 645 | 4 083 253 | |||||
dont Français | 500 179 | 874 047 | 1 074 119 | 1 187 503 | 1 193 791 | 1 134 362 | |||||
Nombre de chambres louées | - | 1 168 279 | 1 289 549 | 1 352 781 | 1 679 271 | 1 735 411 | |||||
% d'occupation | - | 55,6 | 61,4 | 71,7 | 79,9 | 82,6 | |||||
* Source : Impact économique et social de Disneyland Paris 1999 |
1992 |
Aujourd'hui |
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w Absence de vins et de bières sur les restaurants du parc | è |
w Vins dans les services à table, bières dans les fast-foods | |
w Interdiction de pique-niquer | è | w Paniers express proposés à 40 F au Old Mill & Victoria Home Style Cookie | |
w Le Plaza proposait une formule self-service | è | w C'est aujourd'hui un buffet | |
w Absence de vente ambulante dans les files d'attente | è | w Vente ambulante avec personnel équipé de paniers à bretelles | |
w Pas de bar dans les hôtels | è | w Bars rouverts dans la thématique des hôtels |
Les points de restauration© Mickey Buffets Service à table Service au comptoir Bars |
Exemples de prix des nouveaux sandwiches proposés sur le parcPan-Bagnat |
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L'HÔTELLERIE n° 2712 Magazine 5 Avril 2001