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Isabelle Muylaert-Auguy, Grand Hôtel Auguy à Laguiole (12)

Avec Isabelle au piano

Digne représentante de la troisième génération d'une famille d'hôteliers-restaurateurs de l'Aveyron, Isabelle Muylaert-Auguy décroche sa première étoile à 38 ans. Tout simplement parce qu'elle a pris le temps d'avoir des enfants avant de se consacrer totalement à sa passion de la cuisine.

m Jean-François Mesplède

C'est une histoire de famille : celle des Auguy. Dans les années 20, Eléonore montre la voie en créant un hôtel, répertorié par Michelin dès 1931, et dont sa petite-fille Isabelle est aujourd'hui propriétaire. Et, entre ces deux femmes de caractère, Jean, fils de l'une et père de l'autre et son épouse Lucienne, assurent la transition. Avec bonheur puisque le talent du chef lui permet, en 1953, de décrocher 1 étoile conservée jusqu'en 1966 ! C'est aussi une histoire de femme. D'Isabelle, qui à 22 ans et nantie d'un BTH, s'installe dans les lieux. Pas seule du reste puisque Jean-Marc Muylaert, Angevin et futur mari, rencontré à l'école hôtelière de Toulouse, est dans les... bagages. "J'étais jeune, mais l'aventure me tentait. Je ne suis pas certaine que j'aurais pu faire ce métier ailleurs et y proposer la cuisine qui me plaisait." Une cuisine de ce terroir très riche du nord-Aveyron, sur la base de recettes traditionnelles de la grand-mère, adaptées et renouvelées pour vivre avec leur temps.
Isabelle pensait-elle alors à l'étoile paternelle à reconquérir ? Pas vraiment. "Au départ, j'ai commencé par avoir des enfants pour ne penser ensuite, qu'à la cuisine. Ce n'était pas facile de faire les deux, et si j'ai dû attendre l'âge de 38 ans pour cette étoile, j'ai fait beaucoup de choses avant et je me suis investie ailleurs", dit-elle simplement. Etoilée, Isabelle ne nie pas un évident l'effet Bras' qui a pu révéler des ambitions. C'est en tout cas lui qui leur a annoncé la bonne nouvelle. "Cela nous a surpris même si tous les ans, on espérait bien un petit quelque chose. C'est une superbe reconnaissance. Les 3 étoiles de Michel étaient motivantes bien sûr, car il était auparavant impensable de l'envisager au fond de l'Aubrac."

Des femmes en cuisine
Deuxième Aveyronnaise couronnée par Michelin après Nicole Fagegaltier, elle est toute à son bonheur. Mais celui-ci ne lui fait pas perdre une once de lucidité sur la place des femmes en cuisine. "Je n'ai pas beaucoup travaillé chez les autres, c'est vrai qu'au cours de mes rares passages dans des brigades, j'ai rencontré quelques problèmes de machisme..., mais je préfère en rigoler qu'autre chose. Je crois que notre approche est différente. Une femme travaille souvent à l'instinct, et on ressent dans sa cuisine davantage de sentiments que de mathématique ou de technique." Voilà qui n'empêche pas Isabelle de décrocher 1 étoile dont admet qu'elle "l'angoisse un peu". "Les clients fidèles ont téléphoné pour nous féliciter. Certains ont réservé une chambre en s'inquiétant de savoir s'ils auraient bien une place au restaurant. Cette étoile est aussi à ceux qui nous encouragent et nous suivent depuis plusieurs années. Elle me donne envie de continuer et d'aller un peu plus loin encore." En référence au père aujourd'hui disparu, et qui l'aurait tellement appréciée, Isabelle Muylaert-Auguy admet que c'est sa "plus belle" récompense professionnelle. "Tout le monde a pensé à lui et c'est un joli clin d'œil", s'émeut-elle.
A travers les années et avec le guide Michelin pour fil rouge, la grand-mère, le père, la fille réunis par la même passion. Trois générations à Laguiole et la quatrième en marche. Thomas, le second fils, avoue un intérêt certain pour la pâtisserie. "J'espère qu'il suivra la voie. Depuis quinze ans que nous avons repris l'affaire, nous avons beaucoup investi..." n

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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001