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Pour attirer de nouveaux clients et fidéliser les anciens, la chaîne 2 étoiles du groupe Accor parie sur la restauration. De nouveaux concepts de restaurants, ciblés en fonction du potentiel de chaque établissement, voient le jour. Les franchisés commencent eux aussi à procéder aux premiers tests de ces nouvelles formules. A croire que la restauration d'hôtel n'est plus un mal nécessaire ! Explications détaillées d'une 'recette' originale.
m Propos recueillis par Claire Cosson
"Les prototypes de Sud & Compagnie ouvriront à la fin de l'année à
Marseille et dans la région parisienne (Seine-Saint-Denis)"
Un virage à 180 degrés ! En installant des Courtepaille, des Estaminet, des Maître Kanter ou bien encore des Table et autre Café au cur de ses unités, la chaîne aux deux petites fleurs rouges a véritablement changé son fusil d'épaule et tiré un trait sur sa politique de standardisation du produit restauration, entamée à ses débuts en 1974. Fini en effet l'idée de manger toujours la même chose d'un bout à l'autre de la France. Le client va désormais avoir la possibilité de choisir son hôtel selon son restaurant. Une nouvelle stratégie dont Christophe Delmoy, directeur de la restauration du pôle économique Accor, expose clairement les tenants et aboutissants. D'autant plus aisément qu'il fut parmi les premiers directeurs d'hôtel Ibis à rompre avec la monotonie de la restauration hôtelière classique. A la tête du Ibis La Défense de 1994 à 1998, il fut le premier à développer, avec son équipe et quelques collaborateurs Accor, un concept baptisé L'Estaminet.
L'Hôtellerie :
Pourquoi avoir choisi de proposer une restauration variée dans les hôtels Ibis
?
Christophe Delmoy :
Notre démarche part d'un constat simple et logique à la fois. En matière de
prestation hôtelière, nos clients recherchent la fiabilité et la sécurité. Grâce à
un produit 'chambre' clairement défini, la rénovation de notre parc, la mise en place de
la certification Iso 9002 et l'engagement '15 minutes satisfait', Ibis répond à
l'ensemble de ces premiers besoins.
En termes de restauration, les consommateurs souhaitent en revanche davantage de
diversité. Ils veulent effectivement être étonnés, dépaysés, et surtout prendre du
plaisir en déjeunant ou en dînant dans nos établissements. Dans ce contexte, nous
développons depuis bientôt 2 ans et demi plusieurs concepts de restauration à
l'intérieur des hôtels afin de donner la possibilité à notre clientèle de manger
différemment (tant au niveau de la décoration que dans l'assiette) où qu'elle se
trouve.
Aujourd'hui d'ailleurs, une centaine d'hôtels Ibis a d'ores et déjà intégrée une
nouvelle formule de restauration en France et une cinquantaine à l'étranger. Nous avons,
bien entendu, débuté ce déploiement dans nos filiales pour commencer, investissant
entre 15 et 20 millions de francs par an à cette fin. En ce qui concerne nos franchisés,
les premiers tests ont commencé, notamment à Reims avec un Courtepaille, à Epinal avec
un Estaminet Café, et des restaurants La Table à Montreuil (93) ainsi qu'à Perpignan.
L'Hôtellerie :
Quels sont concrètement les concepts de restauration que vous déclinez au sein
de vos unités ?
Christophe Delmoy :
Pour commencer, l'ensemble de nos hôtels offre aujourd'hui un service En-cas 24
h/24, 7 j/7. Cette prestation, normée et obligatoire, comprend un choix de tartines
chaudes au prix de 32 francs l'unité (jambon/
champignons, légumes, 3 fromages et volaille), une sélection de gourmandises (gâteau au
chocolat, tarte aux figues et tarte aux pêches) et un menu (une tartine, une gourmandise
et une boisson pour 59 francs). Parallèlement à cette offre de base, nous proposons
différentes gammes de restaurants adaptées au potentiel des établissements concernés.
A commencer par la formule Café, dont le ticket moyen se situe entre 85 et 90 francs.
Ouvert uniquement le soir, le Café Ibis s'adresse avant tout à la clientèle hébergée.
Il s'articule autour d'un comptoir traditionnel et d'une ardoise. La carte y est
déstructurée et courte à la fois, avec 15 lignes de produits du type Tarte fine aux
lardons, oignons et maroilles, Blanquette de veau avec riz basmati ou bien encore Pâtes
du moment et un plat du jour.
Les Café Ibis peuvent avoir des enseignes diverses en fonction des pays et des
localités. C'est ainsi qu'en France, vous pouvez trouver des Café Estaminet, des Café
Sud ou bien encore des Café 6 jours. En Allemagne, place aux Café Winstube et Café
Bierstube. Quant à la Grande-Bretagne, nous y déclinons des Café Docks, Café Dupond...
L'Hôtellerie :
Parmi vos nouvelles gammes de produits, développez-vous des restaurants à
proprement parler ?
Christophe Delmoy :
Parmi les nouvelles formules de restauration déployées par Ibis, il existe
effectivement des restaurants au sens propre du terme, ouverts midi et soir, offrant un
service à table. Ces derniers visent à la fois la clientèle hébergée et externe. Avec
un ticket moyen aux environs de 100 francs et des cartes comprenant 30 lignes de produits,
ces lieux de restauration permettent à chacun de déguster des plats régionaux et autres
salades bar dans des ambiances tout à fait différentes.
La Table, par exemple, est un concept plutôt contemporain et jeune (couleurs vives,
mobilier en teck) basé sur la fraîcheur des produits ainsi qu'un Salades bar. Autre
enseigne déclinée dans les restaurants de nos hôtels, L'Estaminet qui se veut, lui,
plus 'bistrot' à la française avec ses nappes à carreaux, son andouillette-frites et
les vins à la réglette. Mais, nous allons encore plus loin dans notre démarche de
diversification, puisque nous signons également des accords de franchise avec d'autres
restaurateurs tels Courtepaille ou Maître Kanter (Taverne et Comptoir).
Estaminet Restaurant, Courtepaille, La Table..., Ibis joue la diversité des
goûts et des couleurs côté restauration.
Chez Courtepaille, les clients se voient offrir une salade verte.
L'Hôtellerie :
Quels sont les critères qui vous permettent d'installer un Estaminet, une Table
dans un hôtel et un Courtepaille, ou bien encore un Café dans un autre ?
Christophe Delmoy :
Il est évident que la demande en restauration varie de manière sensible selon nos
établissements. D'ailleurs, nous avons demandé au Gira de réaliser une étude
approfondie concernant le potentiel de chacun de nos sites en la matière. A partir de ces
résultats, nous avons bâti notre stratégie de développement. Les hôtels n'ayant pas
de potentiel de marché extérieur à midi comme en soirée (inférieur à 50 couverts par
jour) se dotent d'une formule Café. A l'heure actuelle, ils sont au nombre de 12 en
France.
Par contre, ceux dont les besoins en restauration se sont avérés plus importants (plus
de 60 couverts par jour) vont proposer des concepts différents en fonction du type de
leur clientèle, de la demande et de la concurrence locale. A titre d'exemple, nous avons
sur schéma développé à Strasbourg deux établissements proposant des Table, deux
autres disposant du concept Estaminet Restaurant, deux ayant signé avec Courtepaille, et
enfin, une unité disposant d'un Comptoir de Maître Kanter.
A ce jour, la chaîne dispose au total de 63 restaurants La Table, 40 Café, 12 Estaminet
Restaurant, 3 Taverne de Maître Kanter et 10 Courtepaille intégrés dans les hôtels.
L'Hôtellerie :
La diversité au menu d'Ibis pourrait-elle être un moyen de mieux rentabiliser
la restauration au sein de vos hôtels ?
Christophe Delmoy :
Avec quelque 5,1 millions de couverts et 8,5 millions de petits-déjeuners servis
en 2000, la restauration pèse dans nos résultats, représentant près de 35 % du chiffre
d'affaires global de la chaîne. Quant à notre taux de captage, il s'élève, lui, à 40
%. Des performances intéressantes que nous pouvons, bien sûr, encore améliorer. Je
crois effectivement que la restauration d'hôtel ne doit plus être considérée comme un
mal nécessaire ! Au contraire. Elle peut tout à fait s'avérer rentable. A condition
cependant de savoir ce que l'on y met. Autrement dit, proposer des produits ciblés et
parfaitement normés.
Avec nos nouvelles gammes de restaurants, nous nous inscrivons parfaitement dans cette
logique et nous sommes donc tout à fait en droit de voir nos résultats progresser. Nous
estimons d'ailleurs que, lorsque nous mettons en place une solution restauration, nous
avons un retour de 20 % sur investissement. Grâce notamment à une amélioration de nos
marges (mise en place de fiches techniques, achats centralisés, ratios et matières
premières maîtrisés) et à une hausse de l'activité.
Prenons l'exemple de l'Ibis de Roubaix. Fermé il y a plus de trois ans, le restaurant a
récemment rouvert ses portes sous l'enseigne Café. Aujourd'hui, il réalise en moyenne
45 couverts par jour et a vu son taux d'occupation grimper de 7 points. Suivant les cas,
l'implantation d'un Courtepaille dans un Ibis permet également de doubler, voire de
tripler, le nombre de couverts dans les hôtels concernés. En fait, nous fidélisons
notre clientèle hébergée et séduisons de surcroît les clients extérieurs.
L'Hôtellerie :
Votre stratégie de diversification des restaurants va-t-elle encore évoluer
dans les années à venir ?
Christophe Delmoy :
D'ici à 2003, l'ensemble de nos filiales aura adopté une nouvelle formule de
restauration. Reste qu'aux marques actuellement déclinées dans nos établissements, de
nouvelles devraient venir rapidement s'y ajouter. Nous souhaitons en effet proposer
jusqu'à 12 marques différentes dans nos Ibis. Cela signifie que nous allons, d'une part,
développer à l'interne des enseignes nouvelles, et d'autre part, nous cherchons des
partenaires potentiels pouvant nous apporter leur concours dans notre démarche. Il n'est
pas impossible non plus que certains restaurants soient donnés en gérance à des
exploitants extérieurs comme Café Rouge en Angleterre.
Concernant les formules internes, nos équipes sont en train de peaufiner la mise en place
d'un concept baptisé Sud & Compagnie. Deux prototypes verront le jour d'ici à la fin
de l'année à Saint-Denis (93) et Marseille. Avec un décor rappelant les mas
provençaux, ce type de restaurant offrira une cuisine très axée Sud. A l'évidence,
cette gamme de restaurations correspond plutôt bien à la tendance culinaire des 10
prochaines années.
L'Hôtellerie :
La mise en place de restaurants thématiques vous a-t-elle conduit à revoir
votre accueil ?
Christophe Delmoy :
Aujourd'hui, il est clair que nous personnalisons notre accueil en fonction du type
de restaurants décliné dans nos établissements. Nous sommes persuadés que la
différence se fera essentiellement grâce à nos équipes au contact de la clientèle. A
cet effet, nous avons d'ailleurs consacré beaucoup de temps à la formation du personnel.
Nos équipes ont travaillé avec des acteurs de la Ligue d'improvisation dans cet
objectif. n
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La restauration d'Ibis en quelques chiffresw Nombre de couverts servis en France
en 2000 : 5,1 millions |
Hôtels | Formule | Enseigne | Type décor | Horaires | Carte | Coût matières 1res |
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Bar En-cas | En-cas Ibis |
Au bar ou à emporter dans la chambre | 24 h/24 7 j/7 |
4 tartines normées/ 3 desserts/1 menu |
NC ** | |
Petit-déjeuner | Salle petit-déjeuner, café ou autre | De 6 h 30 à 10 heures 7 j/7 * | Normée Ibis | Entre 25 et 27 % | ||
Restauration concepts Accor | Le Café | Thématisé Bistro ancien | Soir seulement 7 j/7 |
15 plats Cuisine type bistro avec 1 plat du jour, 1 plat régional | Entre 30 et 31 % | |
Thématisé contemporain ou personnalisé | Soir seulement 7 j/7 | 15 plats Cuisine internationale avec 1 plat du jour et 1 plat régional | Entre 30 et 31 % | |||
Les restaurants | Contemporain (couleurs chaudes, meubles en teck...) | Midi et soir 7 j/7 | 20 plats, Salades bar, 2 menus, 1 plat du jour et 1 plat régional | Aux environs de 30 % | ||
Thématisé Bistro ancien | Midi et soir 7 j/7 | 30 plats, plat(s) signature, entrées et plats du jour, 1 menu, vin à la réglette | Aux environs de 32 % | |||
Courtepaille (cheminée, toit de chaume, mobilier en chêne...) | Midi et soir (de 11 heures à 23 heures) 7 j/7 | Normée Courtepaille | NC |
ures à 6 h 30 et lève-tard de 10 heures à midi
** NC : non communiqué
Pour améliorer la convivialité de ses restaurants, la chaîne Ibis a choisi d'offrir à ses clients quelques produits d'accueil sympathiques.
Enseigne | Pour commencer | Pour terminer |
---|---|---|
L'Estaminet | Saucisson sec | Spéculos |
Courtepaille | Salade verte | Amande chocolatée |
La Table | Chips à l'ancienne | Daim ou Carré Lenôtre ou Carambar |
Sud & Compagnie | Petit pot de tapenade | NC * |
* NC : non communiqué |
Si les équipes du pôle économique réfléchissent à des solutions restauration pour certains de leurs Etap Hôtel et Formule 1, elles savent en attendant séduire cette manne de clientèle. Dans les restaurants Ibis et Courtepaille, les clients Etap Hôtel et Formule 1 bénéficient en effet d'une offre spéciale composée de trois plats au choix et d'une boisson. Une offre qui reste proportionnelle au prix de la chambre (environ 30 %), puisqu'elle s'établit à 67,50 francs. De quoi faire grimper très vite les taux de captage.
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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001