Longtemps dans l'ombre de Marc Veyrat, dont il fut le chef à Veyrier-du-Lac, Emmanuel Renaut vole de ses propres ailes depuis 1996. Trois ans après son installation à Megève, il vient de décrocher sa première étoile.
m Jean-François Mesplède
Drôle d'endroit pour une
rencontre avec la gastronomie : cuisinier débutant, Emmanuel Renaut travaille chez
Fimotel. Un hasard davantage qu'une volonté bien accrochée de découvrir l'univers de
l'hôtellerie. Point de vocation à la base mais un réalisme certain.
Manu le Picard rêvait de faire du trial en compétition, mais savait qu'il aurait
davantage les moyens de vivre de la cuisine que de la moto. L'influence d'un frère
sommelier, et le souvenir indéfectible d'un repas pris par le gamin de 12 ans dans ce
magnifique conservatoire que reste Greuze à Tournus ont joué un rôle décisif à
l'heure du choix. "J'avais trouvé ça fabuleux : le ballet de la salle, les
cloches sur les plats, l'argenterie, les mets dégustés", se souvient-il vingt
ans après !
Va donc pour le métier, avec un apprentissage dans l'Aisne et une trajectoire
s'infléchissant vers Paris, où il découvre enfin les vrais charmes d'un métier devenu
passion. "J'investissais tout mon salaire dans la restauration", dit-il.
Le Crillon avec Fréchon et Camdeborde, Le Lotti... Autant d'expériences 'passionnantes'
avec des gens 'passionnés' avant un départ sur les bords du lac d'Annecy.
Il entre chez Marc Veyrat, y reste trois ans avant un détour à Cordes-sur-Ciel chez
Thuriès. Autre expérience, autre univers et retour à la case départ... ou presque. A
Veyrier-du-Lac, Emmanuel Renaut prend sa part à la conquête d'une troisième étoile qui
tombe du ciel en mars 1995. "C'est une très bonne expérience dans la recherche.
Je disposais de beaucoup de liberté et d'une grande confiance", dit-il. Il part
pourtant pour Londres où une place de chef l'attend au Claridge. Un an outre-Manche, en
pleine effervescence de création. "La ville explosait. Je voulais rester, mais le
Claridge n'avançait pas assez vite pour moi."
La course aux banques
En France, une amie lui parle de Megève. Deux ou trois voyages sont suffisants : Manu et
son épouse Kristine jettent leur dévolu sur une ancienne pizzeria en dépôt de bilan.
La course aux banques débute : pas vraiment facile. La victoire au trophée Taittinger en
Angleterre et la troisième place dans une finale internationale remportée par Philippe
Gauvreau ne semblent pas être des cautions suffisantes. "Je n'avais ni fonds
propres, ni soutien extérieur : aucun mécène pour m'aider. Si tout le monde est capable
de travailler, il est difficile de trouver les aides nécessaires pour s'installer. Je
pense qu'aujourd'hui pour un jeune, c'est plus facile à l'étranger."
Comme sa mère accepte de se porter caution, l'affaire se concrétise pourtant, et le 23
décembre 1997, Flocons de Sel succède au Manoir Saint-François. Deux personnes en
salle, deux en cuisine sans plongeur : les débuts sont difficiles. Pourtant, bonne
réputation aidant dans une région économiquement porteuse, tout se décante assez
rapidement. Trois ans après le premier service, une étoile vient concrétiser le talent
du chef. "Quand j'étais à Veyrier-du-Lac, il y avait moins de monde en cuisine
que chez moi aujourd'hui. A 28 ans, ou je restais 15 ans ou je m'installais. Je m'étais
promis de le faire avant l'âge de 30 ans... Et si je pensais à l'étoile, ce n'était
pas une obsession. On travaille avant tout pour faire plaisir aux clients en misant sur la
régularité et la qualité des produits."
La recette est bonne et a séduit les inspecteurs du Guide Rouge. L'effet 'étoile'
est immédiat. "Elle nous apporte davantage de régularité dans le service du
déjeuner. Ici, nous sommes tributaires du temps : s'il fait beau et que les gens vont en
montagne, ils ne sont pas au restaurant." Ils ne savent pas ce qu'ils perdent ! n
Flocons
de Sel 75, rue Saint-François de Sales 74120 Megève Tél. : 04 50 21 49 99 Fax : 04 50 21 68 22 |
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En chiffres |
Investissements 1,8 MF (fonds et murs) Capacité 40 couverts Nombre de couverts 50 à 60/jour Prix moyen 400 F (vin compris) Prix menus 220 et 370 F Chiffre d'affaires 3,2 MF HT Effectif 11 personnes dont 5 en cuisine |
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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001