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A l'angle des rues de Rennes et Saint Placide, le Café du Métro s'est refait une jeunesse. A sa tête Christophe Monnaye, 26 ans. Premier de sa promotion à l'école hôtelière, celui-ci a repris l'affaire familiale en 1997. Un challenge dont ses grands-parents sont aujourd'hui très fiers.
m Sylvie Soubes
Marcelle-Julia Legrand est
née en 1921. Ses parents, originaires d'Espalion, venaient juste de racheter le Café du
Métro, un petit bar à l'angle des rues de Rennes et Saint-Placide à Paris. Le premier
commerce de la rue de Renne 'à avoir l'électricité'. Le quartier concentrait alors des
boutiques d'articles religieux. A 16 ans, Marcelle-Julia retrousse ses manches derrière
le bar. "J'aidais un peu à tout. Mon père faisait l'ouverture, ma mère la
fermeture et il y avait un gérant l'après-midi, se souvient-elle. Puis il y a eu
la guerre et la libération de Paris en 44... Le soir du 14 juillet 1945, deux mois
après la reddition définitive des Allemands, Paris descend une nouvelle fois dans la rue
pour chanter et danser. Marcelle-Julia est à la Bastille avec ses amies. Un jeune
garçon, Jean-Baptiste Naudan, serveur depuis peu au Café Rey, l'invite à danser. Coup
de foudre immédiat. Ils se marient cinq mois plus tard et succèdent aux Legrand à la
tête du Café du Métro.
"Le quartier évoluait. Des cabarets avaient ouvert, comme la Rose Rouge ou le
Vieux Colombiers où se produisaient Rosy Varte, les Frères Jacques... Il y avait
désormais une grosse activité le soir. Les gens sortaient beaucoup dans l'après-guerre,
ils avaient envie de s'amuser." Contrairement à l'activité actuelle, le samedi
était la journée la plus calme de la semaine. En 1953, les Naudan rachètent les murs du
chapelier qui jouxte l'établissement et s'agrandissent. Levée de rideau à 5 heures avec
le premier métro. Jean-Baptiste commençait par tirer le vin, nettoyer les bouteilles,
monter et descendre les fûts. "Il n'y avait pas de monte-charge, pas de machine
à glace... C'était un métier beaucoup plus physique que maintenant. Regardez, il
n'y avait pas de fiches de paye quand on a démarré. Il y avait beaucoup moins de
paperasse et moins de tracas administratifs", poursuit Jean-Baptiste. Les
rapports avec le personnel étaient aussi différents. "Un garçon qui partait, il
quittait sa famille... Nous avons eu une bonne qui est restée 25 ans. On était plus
proches du personnel."
Un challenge de taille
Les Naudan ont eu une fille, Colette. Après quelques années à l'Auvergnat de Paris,
celle-ci se marie et succède à ses parents à la tête du Café du Métro. Son fils
aîné, Christophe, fera ses premiers pas dans le bistrot familial. En 1987, Colette tombe
malade et son mari se voit mal tenir l'affaire sans elle. Le Café du Métro passe aux
mains de gérants. Christophe poursuit ses études dans l'Aveyron. BTH/BTS en poche, sorti
premier de sa promotion, le jeune garçon fait ses débuts chez Michel Bras puis remonte
à Paris. Il travaille d'abord aux Grandes Marches à la Bastille puis s'occupe des bars
de l'Opéra. En 1997, ses grands-parents sont sur le point de vendre le Café du Métro
quand il les convainc de lui laisser sa chance. A lui et à sa jeune épouse, Anne. Le
challenge est de taille. Christophe a seulement 22 ans et Anne a pour bagage un Capes
d'histoire-géo.
Ça allait être d'autant plus dur qu'il fallait tout refaire. Christophe en convient. "Le
Café du Métro était un bistrot traditionnel. Si on l'avait conservé tel qu'il était
il y a quatre ans, nous aurions vivoté. On a préféré tout casser."
CA multiplié par 4
Pour refaire l'établissement, Anne et Christophe se sont d'abord inspirés du bistrot tel
qu'il était dans les années 20. Notamment pour la devanture et le bar. La décoration de
la partie restaurant, à la fois cosy et détendue, a été choisie en fonction de la
clientèle, majoritairement féminine. "La rue de Rennes est devenue un quartier
de shopping", souligne Anne. La restauration a également été développée. "Nous
avons installé une vraie cuisine en sous-sol et nous avons modifié l'offre."
Produits frais (menu tout compris à 92 F), le quart Perrier est à 22 F alors qu'on le
trouve facilement à 30 F alentour, grandes salades, plats conviviaux, pâtisseries
maison. "Nous avons aussi réduit les horaires. Nous fermons le soir à 21 heures
et nous ouvrons à 7 h 30." Le Café du Métro fonctionne 7 jours sur 7, mais
s'octroie 3 semaines en août. "Ici, les garçons ont tous deux jours de repos
consécutifs, plus leur soirée. Le fait de fermer en août permet à tout le monde de
partir en vacances en même temps. Ce qui évite certains problèmes." Christophe
et Anne ont également instauré un grand repas avec le personnel en fin d'année. Le
Café du Métro tourne avec une équipe de 12 personnes en moyenne et en cuisine, le chef
est une femme.
En quatre ans, Christophe et son épouse ont multiplié le chiffre d'affaires par 4. Un
succès incontestable pour ce jeune couple qui garde toutefois les pieds sur terre. "Nous
avions une pression énorme au début. Nous étions obligés de réussir. Nous voulions et
voulons toujours d'ailleurs que le client reparte satisfait. Même si l'endroit est
stratégique, la clientèle d'habitués est importante et la concurrence ne manque
pas." Sur 100 clients, Christophe assure en connaître pas loin de 90. Une
réussite qui passe aussi par une gestion moderne. Toutes les marges, par exemple, sont
calculées sur ordinateur. n
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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001