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Le métier de portier en question

Pour un meilleur contrôle de l'accès

Alors que les incidents autour de la discrimination raciale à l'entrée de certains bars d'ambiance (bam) ou discothèques se multiplient, des professionnels de la nuit tentent de circonscrire le problème en formant leurs portiers. L'approche est nouvelle et elle met en lumière l'importance et la spécificité de ces 'agents d'accueil'. Gros plan sur le principe d'une formation.

m Sylvie Soubes

La 'nuit' doit se prendre en charge. La réflexion n'est pas récente. Mais devant la vague de procès intentés contre les discothécaires pour discrimination au faciès, ceux-ci doivent désormais remettre en cause la manière dont ils accueillent la clientèle et, plus particulièrement, la façon dont ils opèrent les filtrages à l'entrée de leur établissement. Aujourd'hui, un videur ne doit plus être engagé uniquement pour ses muscles ou sa stature imposante. Le terme de videur doit aussi être proscrit du langage. Ce poste, constate Yves Bougeard, responsable de l'Association française des métiers de la nuit, "doit être reconsidéré de manière professionnelle. Il demande des connaissances adaptées aux problèmes de société et à la nuit." Ne peut pas être portier qui veut. "C'est un métier sensible et l'on oublie trop souvent que la responsabilité de la personne qui l'exerce est engagée sur certains points." Il y a trois ans, Yves Bougeard mettait au point des sessions de formations * spécifiques au secteur. Nous avons suivi l'une d'elles, qui a eu lieu récemment à Lille, et à laquelle participaient une dizaine de personnes, des portiers bien sûr (dont une femme), mais aussi un patron de discothèque et un régisseur de soirées.

Notions de droit nécessaires
Plusieurs intervenants, dont les brigades des stupéfiants, vont se succéder durant trois jours. Les deux animateurs principaux sont Didier Dandossi et Jack Crestey. Le premier est un ancien de la police nationale, il a été en charge notamment de la protection rapprochée de personnalités. L'autre vient de quitter l'armée. C'est un spécialiste du combat. Très vite, les questions de la salle se concentrent sur les moyens de refuser quelqu'un. Didier Dandossi est, entre autres, présent pour rappeler et expliquer les notions de droit nécessaires à l'exercice du métier. "Vous ne pouvez pas refuser une personne sur son faciès. Le Code des débits de boissons (intégré aujourd'hui au Code de la santé publique) prévoit certaines dispositions. Si la personne vous paraît manifestement ivre ou énervée, qu'elle représente un risque à ce titre, vous pouvez l'exclure. Mais vous ne pouvez pas la renvoyer pour la couleur de sa peau, par exemple."
Plusieurs portiers opposent aux règles fondamentales la réalité du terrain. "Il y a des groupes à risque", lance l'un d'eux.
"Comment faire quand on refuse un type qui a bu et qui revient ensuite pour se venger avec ses potes ?", réagit un autre.
"Que faire quand ils vont porter plainte le lendemain ? Ils ne sont plus ivres alors et c'est sur nous que ça retombe", ajoute un troisième.
Didier Dandossi évoque alors les 'relations' qu'un patron de discothèque doit entretenir avec le commissariat ou la gendarmerie locale. "Si l'exploitant n'a pas une mauvaise réputation, les choses s'arrangent généralement", estime l'ex-flic. "Au bout de dix ans dans ce métier, on a fatalement des plaintes sur le dos, et en fin de compte, on n'est plus crédible aux yeux des pouvoirs publics. Le pire, c'est que c'est nous qui finissons par être traités de voyous", rétorque encore un participant.
Lorsqu'il y a un 'problème sérieux', Didier Dandossi rappelle que c'est au patron de l'établissement d'aller porter plainte. "Il faut le faire avant le client." La jeune femme revient quant à elle sur les papiers d'identité. "Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un de vous présenter ses papiers d'identité. En revanche, si vous lui demandez son âge, la personne est tenue de vous le prouver...", sourit Didier Dandossi.

Légitimité
L'autre thème récurrent de ces journées porte sur la légitimité du métier. Peu savent, par exemple, qu'en tant qu'agent de sécurité, ils bénéficient d'une convention collective et que la loi de juillet 1983 pose les règles et les devoirs de leur profession.
"Peut-on fouiller quelqu'un ?", demande Moïse. "Non. Vous pouvez en revanche 'palper'. Mais un projet de loi devrait vous retirer prochainement ce droit-là..." Métier sensible en effet sur les épaules duquel la sécurité du public de l'établissement repose et auquel les marges de manœuvre sont extrêmement réduites. "Pour faire ce métier, il ne faut pas se prendre pour un cow-boy, intervient Yves Bougeard. Ça demande de la psychologie et beaucoup de vigilance. Il ne faut pas entrer dans le jeu de la personne qui tente de vous intimider. Il faut savoir aussi se protéger et ne pas déclencher de rixes."
Jack Crestey confirme et surenchérit. "Un agent de sécurité, aujourd'hui, doit être spécialisé. Surveiller un centre commercial ou filtrer une discothèque réclame des réactions et des connaissances différentes."

L'esprit d'équipe
Celui-ci insiste sur le travail d'équipe. "Quand l'affaire atteint une certaine taille, il faudrait un minimum de deux agents d'accueil en permanence." La jeune femme qui participe à la formation avec son 'coéquipier' acquiesce : "Avec certaines personnes, je sais que je vais m'accrocher alors, dans ce cas, c'est lui qui prend le relais et vice-versa." Jack Crestey reprend : "Pour prévenir les bagarres, pour éviter les conflits, il est aussi important qu'il y ait une bonne entente au sein de l'établissement entre les personnes. Il ne doit pas y avoir les barmen d'un côté et le personnel d'accueil de l'autre. Il faut que tout le monde travaille main dans la main, que tout le monde se sente concerné par la bonne marche de l'établissement. Evidemment, cette volonté passe aussi par le patron de la discothèque." Qu'est-ce qu'une arme 'par destination' ? Comment repérer des armes cachées au coup d'œil ? Quels moyens de défense utiliser ? Jack Crestey évoque les techniques les plus simples et les plus efficaces à connaître quand un individu développe un comportement agressif. "Ça fait partie du métier mais ce n'est pas l'essentiel. Votre rôle consiste d'abord à calmer le jeu et à sécuriser."
Un portier n'est définitivement pas un cow-boy. n

* Ces formations entrent dans le cadre de la formation continue et sont prises en charge par le Fafih.


"On ne peut pas refuser quelqu'un pour la couleur de sa peau", a insisté Didier Dandossi en rappelant l'esprit de la législation française.


Connaître certaines techniques de défense est nécessaire, mais un portier doit d'abord savoir "calmer le jeu et sécuriser", souligne Jack Crestey (à gauche sur la photo).


Des portiers, mais aussi des patrons de discothèque, participaient à cette session lilloise dont les travaux se déroulaient au Network Café.


Quand l'établissement atteint une certaine taille, il est important d'avoir au moins deux portiers en permanence. Ceux-ci doivent se compléter et travailler en équipe.

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L'HÔTELLERIE n° 2721 Magazine 7 Juin 2001


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