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Si l'absinthe telle que Baudelaire l'a connue reste interdite en France, de nouvelles boissons, inspirées directement de la fée verte, font leur apparition sur le marché.
m Sylvie Soubes
En 1999, Liquoriste de Provence lance Versinthe. Derrière le produit, Marc Villacèque, nologue, ingénieur chimiste et liquoriste, et Pascal Rolland, président de Liquoriste de Provence. Quelque temps auparavant, les deux hommes s'étaient donnés le pari de renouer avec les saveurs de l'absinthe. Un challenge d'autant plus difficile que l'élaboration de cet alcool est interdit en France depuis 1915 ! Marc Villacèque se plonge alors dans les vieux ouvrages à la recherche de recettes d'absinthe. Recettes dont il va s'inspirer, mais dont il ne pourra pas utiliser les ingrédients exacts. "Plus d'un an de travail, d'essais, de mélanges, de dégustations, de corrections et d'ajustages, pour soumettre un résultat aux services de la DGCCRF et de la Santé", auront été nécessaires avant l'arrivée officielle sur le marché de Versinthe.
Législation |
Si l'absinthe est et reste interdite en France depuis 1915, il est en revanche possible depuis peu d'utiliser la plante 'grande absinthe' comme ingrédient dans des alcools, à condition de respecter la législation européenne qui exerce un contrôle très strict et limite les taux de thuyone, fenchone et pino camphone, substances contenues dans l'absinthe pouvant se révéler toxiques à très forte dose. Ces taux sont précisés par décret, paru au Journal officiel du 2 novembre 1988. |
L'alcool à la mode
La formule comprend plus de 20 plantes et renoue, dit-on, réellement avec le
goût de la fée verte. Cet anis aux plantes d'absinthe se déguste comme se dégustait
l'absinthe au début du siècle dernier : après avoir versé 2 cl de la boisson dans un
verre, on place un demi-sucre sur la cuillère 'à trous' préalablement posée sur les
rebords du verre. Versinthe se boit aussi pur en digestif et sert de base de cocktails.
Des recettes sont d'ailleurs proposées sur le site web de la société www.liquoriste-provence.fr
Si les créateurs de Versinthe ne doutaient pas de la qualité de leur produit, ils
étaient loin d'imaginer qu'elle serait à l'origine d'un nouveau phénomène de mode. En
effet, la boisson s'est emparée des grandes capitales, européennes et internationales.
L'absinthe, nouvelle génération, est désormais 'l'alcool à la mode' à Londres comme
à San Francisco. Versinthe a obtenu en septembre 2000 la Double Médaille d'or dans la
catégorie liqueur du The San Francisco World Spiritis Competition. "Une
distinction qui n'est que très rarement attribuée par les juges",
souligne-t-on. En outre, le succès de Versinthe a donné des idées aux autres
liquoristes hexagonaux qui, à leur tour, marchent sur les traces de la fée verte.
En avril dernier, Jean Boyer sort Absinthine. Macération d'absinthes (autorisées),
d'armoises, de genièvre, de gentiane... Une cinquantaine de plantes entre dans son
élaboration. "Absinthine, précise-t-on, n'est ni un pastis, ni une
liqueur, mais une fine absinthe." Toutefois, elle ne comprend "aucune des
substances dangereuses contenues dans les essences d'absinthe, de fenouil et d'hysope que
l'on utilisait à l'époque et qui émaillèrent tristement l'épopée de l'absinthe".
Faite à l'eau-de-vie de vin, "à l'instar des premières absinthes",
Absinthine présente toutefois une amertume volontairement limitée. Toujours en avril, un
autre intervenant du monde des spiritueux, et non des moindres, Cusenier, a mis sur le
marché Oxygénée. Si la société a repris le nom d'une des marques de son patrimoine
datant du début du siècle dernier, Cusenier utilise ici une tout autre technique de
fabrication. Oxygénée est la plus forte en alcool des trois marques citées, avec 55 °
d'alcool contre 50 ° pour Absinthine et 45 ° pour Versinthe. "Aujourd'hui, les
procédés modernes de distillation permettent un contrôle strict du dosage des
différentes molécules essentielles qui entrent dans la composition de la plante
d'absinthe, certaines devenant dangereuses pour la santé en trop grande
concentration." Pas de risque, si pas d'abus bien sûr, avec les nouvelles
générations d'absinthe. Seulement le plaisir d'une boisson au goût spécifique, cousine
éloignée de l'anis. n
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Le service de l'absinthe en 1800 |
Le service de l'absinthe répondait à un rituel précis. Il fallait 'étonner son absinthe' en laissant tomber l'eau goutte-à-goutte sur le sucre posé sur la cuillère en métal. Le sucre fondu, on 'battait l'absinthe' pour que le produit puisse 'louchir', c'est-à-dire se mêler et prendre son aspect opaque. Un savoir-faire qui demandait un long entraînement, dit-on ! La technique est applicable aux absinthes nouvelle génération. |
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L'HôTELLERIE n° 2725 Magazine 5 Juillet 2001