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Ancien chef de La Tourniole à Rennes, Loïc Pasco se lance dans un pari gonflé. Il a vendu son établissement et exerce désormais sa profession chez les clients en investissant leur cuisine. Une première en Bretagne.
m Olivier Marie
Samedi matin, marché des Lices à Rennes. Loïc Pasco, cuisinier de profession, fait son marché, contrairement à ses confrères croisés entre les étals, en compagnie de ses clients. Ce sont en effet ces derniers qui choisissent et achètent, sur ses conseils, les produits pour le repas du soir. Car le dîner n'aura pas lieu au restaurant, mais bel et bien dans le salon d'un particulier, et le chef uvrera à côté, dans la cuisine. Au marché, Loïc Pasco est donc accompagné de Magguy Battini, notaire, et de sa fille Anne-Laure. Loïc Pasco vient de leur soumettre ses idées pour la soirée où Magguy accueille chez elle une dizaine de convives. "En entrée, je verrais bien un Tartare de Saint-Jacques au gingembre et à la noisette, suivi d'un Dos de cabillaud breton rôti au four avec, pour finir, un Crumble aux pommes accompagné d'une réduction de cassis", annonce Loïc. Magguy acquiesce, préférant un repas poisson. Au fil du marché, le chef explique à la cliente ses choix en matière de fournisseurs, délivre quelques secrets de cuisine à Anne-Laure, notamment pour le crumble... Le tout se fait dans la bonne humeur. Magguy Battini connaît bien Loïc Pasco : "J'étais une fidèle de La Tourniole, son ancien restaurant. J'apprécie la fraîcheur et la créativité de sa cuisine. Alors, lorsque j'ai vu qu'il se proposait de venir cuisiner chez les gens, j'en ai informé mes amis et voilà." Ce soir, Loïc Pasco arrivera chez Magguy vers 18 heures pour préparer le dîner. Les invités arrivent à 21 heures. Le chef connaît déjà la cuisine de sa cliente qu'il a visitée hier "afin d'étudier la configuration des lieux, de savoir ce que je dois amener, etc.".
"10 ans dans un restaurant
suffisent..."
Exit donc La Tourniole, joli petit restaurant gastronomique de Rennes où Loïc Pasco a
uvré durant 10 ans. Voici désormais le concept intitulé 'Un chef dans la ville',
à savoir la cuisine à domicile. Lorsqu'il décide de céder son affaire en juin 2000, le
jeune chef surprend son monde. La Tourniole marchait bien et l'ancien président du Club
des restaurateurs du bassin rennais était promis à un bel avenir. Mais comme il le
souligne lui-même, "j'avais envie de voir autre chose. Une décennie dans un
restaurant, ça suffit, mais c'est vrai que beaucoup n'ont pas compris, d'autres ont
regretté". Pourtant Loïc ne cherche pas une autre affaire à l'époque. Cette
idée de cuisine à domicile trotte dans sa tête et celle de sa femme Carole depuis
quelque temps. "J'étais en âge de me lancer dans cette expérience, je me
sentais assez mûr pour le faire. Je voulais en fait vivre un peu différemment."
L'idée s'affine au fil des contacts, et notamment lors d'une rencontre avec Laurent Veyet
de la société parisienne Chef Service. Les Pasco commencent à s'équiper en
informatique, créent un site Internet www.unchefdanslaville.fr réalisent une plaquette
publicitaire tirée à 4 500 exemplaires... Avant de quitter La Tourniole, le chef et son
épouse avaient eu l'idée de réaliser un mailing de tous les clients. Une base de
données capitale pour le démarrage de leur nouvelle aventure. Quelque 400 courriers sont
donc envoyés aux habitués de La Tourniole.
L'idée est en fait simplissime mais terriblement originale et attirante. Une fois le
client d'accord sur le principe, Loïc Pasco vient visiter la cuisine et se propose, le
soir du repas, de l'investir totalement. "J'arrive avec mes instruments de cuisine
classiques et je peux également amener avec moi une plaque à induction, une petite
salamandre, une machine à café expresso, un petit four..." Loïc Pasco propose
en fait diverses prestations, à la carte. Le chef peut assurer les courses, la cuisine,
le service et le rangement, ou simplement la cuisine. Il en va de même pour le menu.
"Le client peut soit choisir les plats que je propose, soit décider d'un menu
personnalisé. Dans ce dernier cas, nous en parlons ensemble. A chaque fois, en fonction
de la prestation demandée, les tarifs évoluent. Nous fonctionnons sur devis",
et en moyenne, pour une dizaine de convives, le coût s'établit autour de 250 F par
personne pour une prestation globale. Sur leur site Internet, Loïc et Carole présentent
leur carte, variant selon les saisons. On trouve par exemple un Crémeux de champignons de
nos forêts et huîtres creuses de Bretagne pochées, Croquant de sarrasin, des Queues de
langoustines en pâtes à philo, chutney de mangues, un Filet de bar poêlé, jus de poule
à la cardamome, des Filets de rougets grondins, jus aux agrumes, pistil de safran... Au
total, une vingtaine de recettes.
Un échange avec le client
Ce concept, même s'il en est à ses débuts, semble intéresser les gastronomes, "notamment
ceux qui sont friands de petites astuces. Les gens aiment bien venir me voir travailler
dans leur cuisine avant le repas. Nous échangeons beaucoup, ils épient, glanent quelques
techniques. Cela ne me gêne pas, au contraire, j'adore parler de mon métier".
Cette idée de cuisine à domicile attire également les couples avec leurs enfants qui ne
peuvent se rendre au restaurant à leur guise... Aujourd'hui, la clientèle de Loïc et
Carole Pasco est essentiellement particulière (beaucoup d'anciens clients de La
Tourniole). "Mais nous proposons également des prestations aux entreprises",
particulièrement celles qui disposent de salons équipés en cuisine. Car le chef tient
bien évidemment à se distinguer des traiteurs. "Je veux être le cuisinier des
gens. Je ne fais rien par avance." Loïc ne cuisine d'ailleurs que pour un nombre
limité de personnes, de 2 à 20 maximum. Pour les particuliers, cela va donc du repas
entre amis à celui d'anniversaire, en passant par le repas en tête-à-tête.
Aujourd'hui, le cahier de commandes de Loïc et Carole Pasco se remplit petit à petit.
"Je ne sais pas encore si je vais gagner ce pari. Mais en tout cas, je concrétise
un rêve." Et à l'image de son vécu à La Tourniole, le chef sait déjà qu'il
ne passera pas sa vie à cuisiner chez les autres. Un jour viendra où "je
reprendrai un établissement". Fort d'une nouvelle expérience enrichissante. n zzz18p zzz22l
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L'Hôtellerie n° 2738 Magazine 4 Octobre 2001