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Une hôtellerie dépassée explique la performance moyenne du business touristique italien. Un point faible qui devient une formidable opportunité pour les investisseurs. Avec 5 % de part de marché, les chaînes commencent à compter. Mais d'ores et déjà, les marques internationales prennent le pas sur les marques nationales.
m Georges Garcin
De tous
les territoires, l'Italie, de par son histoire, son incomparable densité de richesses
artistiques et culturelles, la convivialité de son peuple et la diversité de ses
paysages, est probablement celui qui dispose du capital touristique le plus élevé.
Mais, dans les faits, la performance réalisée par le Bel Paese dans le plus important
des business du monde n'est pas à la hauteur de ses potentialités, puisqu'il ne se situe
qu'au 4e rang des destinations touristiques avec 37 millions de visiteurs par an, loin
derrière ses principaux concurrents que sont la France (75 millions), les Etats-Unis (53
millions) et l'Espagne (49 millions).
Certes, en termes d'entrées financières, la situation est plus flatteuse dans la mesure
où l'Italie se place derrière les Etats-Unis, sur la même ligne que la France et
l'Espagne (215 milliards de francs). Ce paradoxe s'explique par la nature du tourisme
international qui, en Italie, s'oriente surtout vers les cités d'art plutôt que vers les
plages et les verts pâturages. Un Américain ou un Allemand en quête de
chefs-d'uvre léonardesques et de cuisine méditerranéenne, utilisant sa carte de
crédit d'une manière plus séduisante que la famille hollandaise ou le beatnik
anglais avide de soleil, d'eau salée et de hamburgers.
Une hôtellerie en marge de
l'évolution du marché européen
Comme toujours, lorsque l'on essaie d'analyser une réalité latine, les tenants et les
aboutissants sont innombrables, complexes et incertains. Mais, pour ne retenir que les
moins discutables, on peut, en matière de tourisme, en citer 4 : une géographie
tourmentée, une décentralisation régionale, un pouvoir trop faible pour lancer les
grands chantiers indispensables pour la création des infrastructures modernes, et, au
bout de ce constat, une hôtellerie défaillante.
L'hôtellerie italienne est régie par la loi des grands nombres et des petits moyens.
Grand nombre, si l'on enregistre qu'après les Etats-Unis, c'est en Italie que fleurit le
plus important effectif d'hôtels (33 540), de chambres (950 000) et de lits (1 782 000)
en 1998.
Petits moyens caractérisés par une dimension moyenne lilliputienne de 28 chambres par
établissement, et par un service familial fondé sur le maintien de la tradition et
l'oubli de l'investissement.
Dans un tel contexte, le marché de l'hôtellerie italienne se présente, en Europe, comme
un îlot d'artisanat dans un océan de modernité. Un îlot sur lequel n'a pas encore eu
lieu le débarquement des chaînes qui ont entrepris la conquête de la France et des pays
du Nord. L'espèce était si rare qu'il était jusqu'à présent impossible de lui
attribuer une présence significative. C'est pourquoi l'inventaire qui vient d'être
réalisé par le journal Fuoricasa est un événement dans la mesure où il fait
apparaître, malgré la modestie de son diagnostic, un premier signe d'évolution.
5 % de parts de marché, un objectif
modeste et inespéré
Les 20 chaînes italiennes viennent de franchir le cap des 4 % de l'offre nationale en
chambres. Et leurs prévisions (50 ouvertures et 6 000 nouvelles chambres au cours des
deux prochaines années), permettent de prévoir, pour la fin 2002, un objectif de 5 % qui
paraissait, jusqu'alors, hors de portée.
Ce premier résultat est dû à quelques groupes internationaux qui ont réussi à
franchir les barrages politiques et professionnels, et commencent à accélérer leur
développement. Il y a 10 ans, les 5 premières chaînes nationales avec 150 hôtels et 24
000 chambres, devançaient les 5 premières chaînes internationales réduites à 9
établissements et 1 210 chambres. En 2001, la situation s'est renversée avec 118 hôtels
(18 000 chambres) à enseigne internationale pour 93 nationaux (14 000 chambres).
Ceci n'est qu'un début. Seuls 5 groupes dépassent le seuil des 3 000 chambres. Mais avec
eux sont apparus les systèmes de gestion diversifiés et flexibles qui ont fait leurs
preuves dans le monde entier ; et s'est éveillé l'intérêt des investisseurs
internationaux qui prennent conscience de l'immense potentiel de développement rentable
que va représenter, dans les années européennes, ce marché à haut potentiel, qui n'a
pas encore entamé sa phase ascensionnelle.
Jolly Hotels et les autres
Les 5 premières chaînes nationales ne représentent que 0,3 % des hôtels et 1,5 % des
chambres. Parmi elles, une seule peut prétendre, dans les années à venir, concurrencer
les opérateurs venus d'ailleurs. Jolly Hotels, n° 1 actuel du secteur, qui exploite 39
établissements et près de 6 000 chambres, et développe des activités internationales
qui lui apportent notoriété et know how.
Atahotels qui fut longtemps une société dynamique s'est aujourd'hui stabilisée dans la
gestion de ses 10 grands hôtels (3 063 chambres), et prévoit une timide croissance dans
le secteur des résidences de vacances. Plus ambitieuse apparaît la société toscane
Starhotels avec un réseau d'une vingtaine d'unités qui s'enrichit de 2 acquisitions par
an en moyenne. Les deux autres entreprises de plus de 1 100 chambres sont Framon Hotels,
une société sicilienne spécialisée dans les structures touristiques et Boscolo Hotels,
une société familiale de 9 établissements, qui augmente rapidement son patrimoine. La
faiblesse de la profession nationale est donc évidente, et elle est encore aggravée par
une préférence marquée pour un régime de propriété des structures hôtelières, qui
ne peut que ralentir les programmes d'ouvertures. Jolly Hotels a annoncé le lancement
d'une politique de franchising pour réduire ce handicap. Les autres opérateurs de
minichaînes sont généralement des familles propriétaires des structures immobilières
qui n'envisagent qu'une évolution limitée de leur parc. Le Groupe Turin Hotels
International présente l'originalité de gérer des activités dans le secteur de la
restauration commerciale et du service traiteur.
Le Jolly Marina Hotels à Gènes compte parmi les 39 hôtels du groupe implantés
en Italie.
Les enseignes internationales sont
arrivées
Du côté des groupes internationaux, on trouve une sélection de grandes marques qui
n'ont pas l'habitude de se contenter d'une présence aussi réduite sur un marché aussi
porteur : Starwood, Bass, Accor, Choice Hotels, Forte Le Méridien, Hilton, Marriott et
Sol Melia. Starwood et son enseigne Sheraton avaient acquis une certaine vocation
italienne à travers l'intégration de la chaîne Ciga dont les palaces ont été
repositionnés sous diverses marques du groupe. A l'issue d'une digestion difficile, le
développement sera relancé avec l'ouverture d'un Four Points à Rome.
Plus rapide devrait être la progression de Bass Hotels & Resorts qui pratique en
Italie une politique de diversification avec les enseignes Inter-Continental, Crowne
Plaza, Holiday Inn, Express by Holiday Inn. C'est cette dernière marque qui doit
progresser le plus rapidement avec 5 nouveaux projets en cours.
Pour Accor, l'Italie est une vieille connaissance. C'est en 1972 que Jacques Borel
International, alors allié au groupe américain WR Grace et à sa filiale italienne
Barilla, réalisa l'acquisition de la société Gemeaz Cusin, une société opérant dans
le secteur de la restauration collective. Cette entreprise devait être la base de toutes
les initiatives italiennes de Jacques Borel, d'abord (Ticket-Restaurant, Centrale d'Achats
Scapa...), puis d'Accor (hôtellerie). La principale structure hôtelière est aujourd'hui
Sifalberghi, un joint-venture d'Accor et de l'Ifil de la famille Agnelli. A l'exception
des concepts super économiques dont les paramètres sont incompatibles avec les normes du
pays en matière de construction, toutes les enseignes sont représentées. On compte 5
Sofitel, 7 Novotel, 10 Mercure, 6 Ibis. Le programme de développement des 5 prochaines
années prévoit l'ouverture de 30 hôtels et de 4 500 chambres, et l'engagement d'un
investissement de 650 milliards de lires (2,2 MF). Une information qui confirme la
perspective du changement radical de la profession dont nous avons ressenti les premières
manifestations au cours de l'année du jubilé 2000. Contrairement à Accor qui à
l'exception de la chaîne Mercure privilégie la gestion directe, Choice Hotels mène,
depuis 1987, une politique de franchising. Ses affiliés sont au nombre de 22. Mais
ici encore, on annonce une accélération des programmes avec l'objectif de 30 franchisés
à la fin de l'année 2001.
Pour Forte Le Méridien, sorti d'une longue période de négociations pour entrer dans le
groupe japonais Nomura, la situation est stationnaire. Les 4 hôtels de Fluggi, Milan,
Rome, Turin et Le Méridien Forte Village de Sardaigne, représentent une offre de 1 500
chambres, et l'on ne connaît pas encore le contenu de la stratégie italienne de
l'enseigne. Les 3 Hilton sont des poids lourds puisqu'ils représentent plus de 1 200
chambres. Le groupe Ladbroke joue la prudence. Après sa dernière ouverture sur
l'aéroport de Rome-Fiumicino (1999), il en prévoit une prochaine sur celui de
Milan-Malpensa. Même ambiance chez Marriott Ramada qui exploite 4 unités en Italie, et
qui ne doit réaliser qu'une ouverture à Vérone en 2001. Mais la récente acquisition
allemande de Treff Hotels pourrait constituer un point de départ pour un nouveau type
d'expansion toutes catégories. Enfin, les débuts de Sol Melia sont prometteurs. Un
premier hôtel à Rome en 2000. Deux autres en phase d'ouverture à Milan et à Vérone.
Deux nouvelles unités annoncées pour 2003 à Rome et à Olbia. Et de nombreux projets en
cours de négociation.
En Italie, l'enseigne Le Méridien totalise 1 488 chambres.
Chronique d'un scénario annoncé
L'hôtellerie italienne n'a pas perdu les mauvaises habitudes qui portent un lourd
préjudice au tourisme national. Corporatisme, rapport qualité/prix non-compétitif,
gestion artisanale, manque d'information, faiblesse du marketing et de la
commercialisation, communication insuffisante. Et surtout, un individualisme exacerbé qui
s'oppose à l'intérêt croissant des hôteliers européens pour le concept de réseau (31
% des indépendants français, par exemple, envisagent une affiliation).
Cependant, les obstacles qui ont, jusqu'à présent, freiné l'implantation des chaînes
ne sont plus aussi efficaces. Les enseignes internationales commencent à prendre du
poids. Dans un avenir plus ou moins proche, s'annonce un scénario comparable à celui
qu'a connu la grande distribution au cours des années 90. Un scénario dont les stars ont
pour nom Carrefour, Auchan, Metro, Lidl, et qui laisse de moins en moins d'espace aux
distributeurs locaux. Mais l'importance de la marque étant désormais reconnue, une
solution mixte semble se dessiner ; celle d'une collaboration entre chaînes
internationales et sociétés hôtelières italiennes ; les premières assistant les
secondes au niveau des études de faisabilité, et de la réalisation des projets. Et les
secondes assurant l'investissement et prenant en charge la gestion dans le cadre d'un
contrat de master franchise. Le cas le plus intéressant est celui du partenariat entre
Bass Hotels & Resorts et Metha Hotel Group. Une formule qui pourrait se révéler un
catalyseur efficace du changement annoncé, et sauvegarder les intérêts d'une nouvelle
génération d'opérateurs nationaux. n
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Les 20 premières chaînes en Italie en 2000
Groupes | Nbre de chbres |
Nbre d'hôtels |
Nbre d'employés |
TO | CA (en milliards de lires) |
---|---|---|---|---|---|
1. Jolly Hotels | 5 848 | 39 | 2 247 | 68,1 % | 313 |
2. Starwood | 5 268 | 27 | 2 100 | 70,6 % | 730 |
3. Bass Hotels | 4 921 | 35 | 900 | 61 % | 270 |
4. Accor | 4 276 | 28 | 780 | 66 % | 222 |
5. Atahotels | 3 063 | 10 | - | 58 % | 180 |
6. Starhotels | 2 886 | 20 | 736 | 72 % | 197 |
7. Choice Hotels | 1 774 | 22 | - | 62 % | 87 |
8. Forte Le Méridien | 1 488 | - | - | - | - |
9. Framon Hotels | 1 267 | 15 | 500 | 78 % | 60 |
10. Hilton | 1 208 | 3 | - | 70 % | 115 |
Source : Fuoricasa/Trademark Italia |
L'état de santé de l'hôtellerie italienne
Signe des temps qui changent, pour la première fois de son histoire, l'hôtellerie italienne est dotée d'un observatoire. Il est constitué d'un panel de 450 établissements répartis sur 40 villes. Ces 450 hôtels correspondent aux 3 catégories principales : midscale (185), upscale (237) et luxe (28). Les trois informations recueillies, chaque mois auprès de leurs managers, sont le pourcentage d'occupation des chambres, le prix moyen Bed & Breakfast et la tendance du mois en cours. L'interprétation de ces données permet d'une part, d'actualiser le bulletin de santé de la profession, d'autre part de suivre l'évolution des activités du business ou du tourisme, en fonction des résultats enregistrés par les villes concernées. Malgré un historique encore trop limité, l'observatoire Fuoricasa-Trademark Italia, mis en uvre en octobre 2000, représente déjà une référence intéressante pour la stratégie des chaînes nationales et internationales.
Mois | % occupation | Prix moyen B&B (francs) | |||
---|---|---|---|---|---|
moyen |
Luxe | Upscale | Midscale | Moyen | |
Septembre 2000 | 81,9 | 2 300 | 899 | 515 | 1 024 |
Octobre 2000 |
79,6 | 2 170 | 831 | 510 | 939 |
Novembre 2000 |
55,8 | 1 455 | 711 | 458 | 591 |
Décembre 2000 |
63,2 | 1 753 | 762 | 496 | 632 |
Janvier 2001 |
55,8 | 1 700 | 738 | 455 | 601 |
Mars 2001 |
68,5 | 1 850 | 778 | 513 | 651 |
Avril 2001 |
71,1 | 1 935 | 836 | 526 | 684 |
Mai 2001 |
75,8 | 1 907 | 851 | 524 | 691 |
Juin 2001 |
77,4 | 1 904 | 853 | 528 | 691 |
(Source : Fuoricasa-Trademark Italia) |
L'hôtellerie Accor en Italie Sur
le marché italien, Accor développe les marques Sofitel, Novotel, Mercure et Ibis. Les 28
hôtels (4 276 chambres) déjà en activité, sont gérés par 2 sociétés : Sifalberghi,
joint-venture entre Accor et Ifil, et Sagar. Pour l'instant, les normes en vigueur n'ont
pas permis le lancement des concepts économiques Etap Hôtel et Formule 1. © Jean Guichard |
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L'Hôtellerie n° 2738 Magazine 4 Octobre 2001