Succès et difficultés Surprendre, étonner, se singulariser, le concept est dans l'air du temps. Choisie par le propriétaire, la municipalité d'Hagetmau, pour gérer le nouveau 3 étoiles des Lacs d'Halco, dessiné par Eric Raffy, la famille Demen, père, mère et fille, a souhaité offrir ce qu'il y a de mieux.
Brigitte Ducasse
Un nouveau départ en famille : entre son épouse Annie aux fourneaux et sa fille
Laure, responsable de l'hébergement, Jacques est le plus heureux des hommes pour diriger
cet établissement destiné à être racheté à la municipalité d'Hagetmau.
Le lieu est bucolique et propice aux activités de
loisirs. Entre bois et étangs, minigolf et centre équestre, l'Hôtel-Restaurant Lacs
d'Halco dresse sa silhouette de verre et de bois en bordure d'un plan d'eau serti d'une
forêt de pins. On vient ici non pas par hasard, mais en connaisseur depuis que la famille
Demen, père, mère et fille, pilote ce beau paquebot qui a remplacé un hôtel tombé en
décrépitude.
35 ans auparavant, un industriel d'Hagetmau s'est pris de passion pour le site au point
d'acquérir le terrain marécageux en lisière de la ville et de l'aménager. Des lacs
sont creusés, des aménagements de loisirs animent le lieu et un hôtel-restaurant voit
le jour. Le succès est au rendez-vous jusque dans les années 90. Ensuite c'est la
bérézina. Par manque d'entretien, l'établissement se dégrade. Il sera mis en vente en
1992. Faute d'acquéreur, la municipalité d'Hagetmau décide en 1995 d'acheter le
domaine, de remettre en valeur le site et son hôtel. La clientèle est toute trouvée. La
commune a créé quelques années auparavant la Cité Verte, un complexe multisport sur 30
hectares à vocation internationale ; il est destiné en particulier aux athlètes de haut
niveau. Un hébergement de qualité fait défaut. Un appel d'offres est lancé pour
trouver un gestionnaire. La famille Demen possède le profil idéal : le père, président
des Logis de France des Landes, est issu d'une longue lignée d'aubergistes, son épouse
Annie s'est taillé une jolie réputation aux fourneaux et leur fille unique, Laure,
diplômée de l'école de Lausanne, a démarré une belle carrière.
De Cagnotte à Hagetmau
Depuis trois générations, la famille Demen officiait à
Cagnotte, un petit village à une dizaine de kilomètres de Dax. Dans les années 80,
Jacques et son épouse Annie ont propulsé l'auberge-boulangerie familiale sur orbite ;
rénovée, repositionnée, le succès est au rendez-vous. "Lorsque ma mère lui a
passé le flambeau, Annie a voulu faire une autre cuisine. Sans tourner le dos aux
traditions, elle a exploré d'autres voies. Et c'est d'ailleurs pour lui fournir les plus
beaux produits de la mer que je suis devenu mareyeur", explique Jacques Demen.
Rebaptisé Le Fournil, le restaurant est rapidement distingué par les guides
gastronomiques. L'avenir semble tracé...
"Le projet des Lacs d'Halco est arrivé au bon moment. A Cagnotte, nous nous
sentions à l'étroit, nous avions besoin de nous développer ; or se lancer dans de gros
investissements ne valait pas le coup. Et puis un autre paramètre a pesé dans la
balance, reconnaît Jacques Demen. Ma fille Laure, qui était directrice de
l'hébergement à l'hôtel Costes à Paris, était décidée à nous suivre." Pas
d'hésitation donc...
Un investissement de 2,28 Me (15 MF)
Retenus après appel d'offres, les Demen ont pu s'impliquer
totalement dans le projet. Logique. Le contrat signé avec la municipalité est un contrat
de location-vente sur 20 ans, l'établissement pouvant être racheté au bout de la 6e
année à sa valeur vénale (investissement et amortissement déduits). L'essentiel de
l'investissement, 2,28 Me (15 MF), est pris en charge par la mairie (avec l'aide de
subventions européennes). La famille Demen apporte également sa contribution à hauteur
de 304 898 e, soit 2 MF (prise en charge d'une partie des cuisines et du mobilier). Le
loyer annuel est fixé à 68 602 e (450 000 F) pour la première année. Il grimpera
graduellement jusqu'à atteindre les 129 581 e (850 000 F) la sixième année.
Autre option retenue, celle d'élargir la cible de clientèle, sportifs d'accord, mais
aussi touristes, le lieu s'y prêtant à merveille, mais surtout séduire la clientèle
d'affaires qui, seule, devrait représenter 50 % du chiffre d'affaires. Jacques Demen
argumente : "Dans le seul secteur d'Hagetmau, il y a près de 3 500 entreprises
qui ne disposaient pas à proximité d'établissements haut de gamme et d'une certaine
capacité pour recevoir leurs clients. En outre, Dax ou Pau sont à moins de 50 km,
Mont-de-Marsan à 28 km. Nous avions donc une carte à jouer."
D'où l'idée de proposer des forfaits alliant activités sportives et de loisirs, visites
culturelles ou gourmandes (proximité du vignoble d'Armagnac...). Des accords sont passés
avec des tour-opérateurs tels Visit France ou Baking, un TO belge spécialisé dans les
circuits en vélo. Mais la carte maîtresse est sans contexte la table. Annie Demen
revisite à l'instinct les produits du terroir, aime les alliances surprenantes, viandes
et poissons, compose une Gourmandise de foie gras aux deux pommes à se damner, utilise
avec justesse les épices. Des stages chez Alain Dutournier ou Didier Oudil l'ont
révélée à elle-même. Sans honte, elle confesse : "Une passion dévorante pour
la cuisine", une cuisine qu'elle définit comme "sensuelle".
Sans publicité, le succès ne s'est pas fait attendre. Avec des prix justes : le midi,
formule à 13,72 e, soit 90 F (plat-dessert et verre de vin compris) ou le menu du jour à
19,82 e (130 F) ; offre complétée par des formules de menus-carte à 22,87 e (150 F),
25,92 e (170 F) et 33,54 e (220 F), et une carte des vins de 20 pages ! La clientèle en
redemande. Mais ici, le maître-mot n'est pas la quantité, mais la qualité. Et on s'y
attache à tous les niveaux. n
(Photos : B. Ducasse) zzz36v zzz22v zzz18p
Hôtel-Restaurant Lacs d'Halco
Route de Cazalis - 40700 Hagetmau
Tél. : 05 58 79 30 79
Signé Eric Raffy, l'hôtel tout de verre, de bois et d'aluminium se mire dans les
eaux calmes des Lacs d'Halco. But avoué par l'architecte : "Vendre un sentiment,
proposer un scénario de vie", autant qu'un hébergement.
L'architecture |
| Abordée comme s'il s'agissait de leur propre affaire, la conception de l'établissement de 24 chambres a évolué. Pour Jacques Demen, c'était évident. "Réhabiliter l'ancien établissement et limiter sa vocation à la seule clientèle sportive de la Cité Verte aurait été une erreur." Quitte à reconstruire, autant frapper les esprits en optant pour une identité forte dans la mouvance actuelle. Le Bordelais Eric Raffy possède de belles références à l'étranger, en France - il a signé avec Philippe Villeroux l'établissement de Michel Bras à Laguiole - et dans la région avec, notamment, la rénovation de la Maison de François Mauriac à Malagar. L'architecture contemporaine qu'il a signée ici étonne dans ce cadre champêtre. Le seuil franchi, la magie opère. Bois, verre, pierre, cuir, voilages aériens, rien d'inutile, rien de froid non plus. Depuis le restaurant posé sur l'étang ou les chambres largement ouvertes sur l'extérieur, le regard plonge dans un miroir animé par le jeu des canards et des oiseaux migrateurs et se noie dans une forêt de grands pins. |
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L'Hôtellerie n° 2755 Magazine 7 Février 2002 Copyright ©
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