Le Clift à San Francisco
Une fois encore, l'objectif de Ian Schrager était d'échapper aux conventions établies pour inventer une nouvelle génération d'hôtels, subversive, sensuelle et originale. Avec en plus un sens aigu du magique et de l'étonnant. Pari encore gagné.
Cécile Junod
Photos Nikolas Koenig
Avec le Clift, ouvert en
juillet 2001, Ian Schrager continue à explorer, redéfinir et repousser les limites de ce
que peut être un hôtel. Et s'il avait réécrit le manuel des standards de
l'hôtellerie, le Clift serait inscrit au chapitre intitulé 'Le chaos organisé'
tellement il a été inspiré par une grande liberté de pensée tant dans sa conception
que dans son design. D'une élégance sophistiquée et anticonventionnelle, le Clift
propose une autre définition du luxe. Son indescriptible ambiance dérive d'un audacieux
sens de la diversité qui s'inscrit indéniablement dans l'empreinte du XXIe siècle.
C'est là le résultat de l'étrange talent que possède Ian Schrager à anticiper les
tendances et à les interpréter sans aucune retenue. Pour le Clift, il fait une fois
encore appel à Philippe Starck, le complice inconditionnel de tous ses délires.
Logé dans un bel immeuble classique de style Renaissance italienne, avec façade en
pierres et briques, le Clift avait, au fil des ans, perdu de sa superbe. Le challenge de
Schrager et Starck était donc de lui redonner son essence même et de le faire entrer
dans le XXIe siècle. Maintenant recoloré dans une juste palette de gris et de brun
rouge, et paré d'innovants et fantastiques éléments décoratifs, le bâtiment, tout en
retrouvant une originale splendeur, ne ressemble plus en rien à un hôtel.
Des objets fantastiques en liberté
Extraordinairement beau, le Clift offre à chaque tour et détour d'étranges objets. Ici,
tous les éléments sont détournés de leur vocation première. Aucun ne correspond à ce
qu'il est originellement. Le lobby, dans lequel on accède à travers d'immenses arches,
offre une rafraîchissante et apaisante ambiance grâce à ses murs patinés gris pâle.
Les immenses plafonds et les épiques proportions de la salle représentent un théâtral
et dramatique espace pour exposer une très belle collection d'objets réalisés sur
mesure. Le clou du spectacle, c'est l'énorme fauteuil en bronze, réalisé par Starck, et
capitonné d'une ancienne tapisserie française. Ses dimensions gigantesques font de ce
mobilier un objet fou et complètement décalé. Autres curiosités du lieu, la banque
d'accueil taillée à la main dans une seule pièce de bois évoquant une sculpture
organique et l'immense cheminée de plus de 6 mètres de haut, habillé par une non moins
immense plaque en bronze sculptée par l'artiste français Gérard Garouste. Pas de doute,
Starck privilégie la mise en scène d'objets usuels dont il modifie l'échelle pour nous
les montrer sous un jour imprévu et fonder une sorte de mythologie. Il bouscule nos
perceptions sensorielles habituelles, et nous oblige à une remise en question des idées
préconçues que nous avons du monde qui nous entoure.
Les autres éléments décoratifs du hall ont été choisis parmi des uvres d'art
contemporaines, tel ce bureau de la conciergerie, signé du designer français Jean
Nouvel, cette table en bronze et marbre de Salvador Dali, et ce fantasque tabouret
'Magritta' de Sebastian Matta qui, avec son chapeau melon noir et sa pomme verte, est un
hommage à Magritte.
Justement, avec ses collisions d'influences et ses surprenantes juxtapositions des
opposés, le lobby évoque l'esprit des grands peintres surréalistes comme Dali ou
Magritte.
|
|
Evidence glamour et poétique
Espace légendaire du Clift depuis 1933, la Redwood room, entièrement habillée de
panneaux de bois rouge, a été restaurée dans son jus. Pour garder l'esprit
monochromatique de ce bar, tout en lui donnant un nouveau luxe, plus exotique, plus
sensuel, 18 variétés de cuir, tissu, bois, tapis et bronze ont été exploitées.
Ponctuée ça et là d'éclats vifs violet ou or, cette énorme pièce n'a rien perdu de
son caractère et de sa grandeur originels. Et pour l'ancrer dans le IIIe millénaire,
elle est désormais animée par une série d'écrans plats, dernier cri.
Le légendaire bar Redwood room du Clift a été restauré dans son esprit
originel.
Le restaurant Asia de Cuba a été imaginé dans le même esprit que la Redwood room.
Avec ses tentures en velours brun, ses banquettes en acajou et cuir et ses tables en
miroir éclairant, longues de plus de 10 mètres et disposées en croix, cet espace prend
indéniablement un air glamour et romantique.
Quant aux chambres, elles ne sont que douceur. Issues d'une grande réflexion sur le temps
et l'espace individuel, elles sont généreusement vastes, avec de hauts plafonds et de
larges fenêtres offrant une spectaculaire vue sur la cité. Les teintes déclinées dans
une palette de gris, ivoire et lavande, résultent d'une véritable étude sur le calme et
la sérénité. L'ambiance reposante est accentuée par une lueur rose provenant de la
lumière exceptionnelle de San Francisco filtrée à travers les vitres. Meublées d'un
énorme lit en sycomore, les chambres sont dynamisées par des tables de nuit en plexiglas
orange vif qui renvoient perpétuellement la lueur d'un coucher de soleil. Des miroirs
sol-plafond, habillés de rideaux et placés sur le mur opposé de la fenêtre, reflètent
la ville dans la pièce et créent à l'infini une nouvelle perspective.
|
|
Pour Ian Schrager, le Clift est l'aboutissement de vingt années d'évolution dans sa philosophie en matière d'hôtellerie. En poursuivant son challenge, privilégiant l'émergence d'hôtels contemporains d'une nouvelle génération, et après avoir clairement défini l'humeur et l'esprit de San Francisco, il crée donc le nouveau Clift, un lieu provocant et mémorable. "Je suis très heureux d'ouvrir cet établissement à San Francisco, ville emblématique qui a su prendre le meilleur de ce que le monde peut offrir, tant pour les affaires que l'architecture et la culture, explique-t-il. Et si, d'une façon générale, l'industrie hôtelière a obstinément résisté aux changements et indéniablement stoppé son énergie créative, ma mission est alors d'apporter de l'originalité, de la créativité et un sens ultime de l'humour à mes hôtels." Car il faut bien le reconnaître, au Clift règne une étrange ambiance de bonheur. Bien que tous les éléments décoratifs soient totalement discordants, car d'époques et de styles différents, ils cohabitent heureusement et pacifiquement dans cet univers parallèle qu'est l'univers de Philippe Starck. Une fois de plus, le tandem Schrager-Starck aura démontré que les hôtels peuvent être des espaces émotionnels, harmonieux et magiques. C'est d'ailleurs cet environnement sentimental particulier qui rend leurs réalisations inimitables. n zzz99 zzz22v zzz40r
Bloc-notes
Clift 495 Geary Street San Francisco CA 94102 - Etats-Unis Tél. : 00 1 415 775 4700 Web : www.ianschragerhotels.com |
|
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
Rechercher un article : Cliquez ici
L'Hôtellerie n° 2755 Magazine 7 Février 2002 Copyright ©