Avec les Grandes Brasseries Parisiennes et les Chez Clément, les Frères Blanc surfent entre tradition et modernité. Une recette qui marche. En 2001, le groupe a servi 3 305 231 couverts et a réalisé un chiffre d'affaires de 118 675 916 euros.
Lydie Anastassion - photos Ch. Ducasse
Le message d'attente vocal du standard téléphonique du groupe de Pierre et Jacques Blanc pose d'emblée les choses : "Les Frères Blanc restaurateurs à Paris...", enregistré sur un titre d'Alain Souchon en fond musical. A priori, rien d'extraordinaire, sauf que cela reflète l'esprit de la maison : le balancier tradition-modernité. Au Pied de Cochon, Le Procope, L'Arbuci, Le Petit Zinc, La Fermette Marbeuf, L'Alsace, La Lorraine, Charlot, Le Grand Café, La Taverne, Chez Jenny, 11 Grandes Brasseries Parisiennes à partir desquelles ils ont constitué à la fin des années 80 leur holding PJB Holding. Installée sur le boulevard des Capucines, la société comprend, outre les départements 'classiques' de la comptabilité et du personnel, une agence de publicité et de relations publiques intégrée, un département hygiène et qualité, et une centrale de référencement.
La modernité au service de la tradition
Les Frères Blanc sont à l'image de leurs brasseries. Prenons Le Procope. En rachetant le
plus vieux café de Paris (fondé en 1686 par Procipio), ils positionnent leur groupe dans
une histoire franco-parisienne. A l'intérieur de l'établissement de la rue de l'Ancienne
Comédie, des objets, des tableaux, une mise en scène du Paris de Diderot, d'Alembert et
de Voltaire, dont 'le bureau' est installé au second niveau. Le tout mû par une
machinerie du XXIe siècle. L'an dernier, le restaurant a fermé durant 1 mois pour être
entièrement rénové. En salle, la climatisation a été entièrement refaite, ainsi que
la sonorisation et l'éclairage. En cuisine, les postes ont été restructurés, les
plaques à snacker dernière génération installées, ainsi que des nouveaux fours. Le
tout pour 1,06 Me (7 MF). Chez les Frères Blanc, on veut le meilleur outil et l'on
investit le prix qu'il faut pour l'avoir.
24 heures sur 24
"Nous avons trois établissements ouverts jour et nuit. Une caractéristique que
l'on retrouve très peu en Europe et dans le monde", explique Pierre Blanc. Pour
tenir ce challenge, il y a en amont la connaissance des fournisseurs. Clément, le père,
était grossiste en viande. Pour se diversifier, il a l'idée, à l'entre-deux-guerres, de
racheter le Pied de Cochon juste en face des Halles de Paris. Mais quand celles-ci
déménagent pour Rungis, il faut se réorganiser. "Les fournisseurs sont nos
partenaires. Et nous devons les considérer comme tels si nous voulons être en mesure de
satisfaire nos clients 24 heures sur 24", poursuit Pierre Blanc. De même que les
bancs réfrigérés d'écailler - les premiers en France - ont permis de contourner
l'activité saisonnière des fournisseurs de fruits de mer et de propulser l'huître,
produit le plus vendu des brasseries. Aujourd'hui, c'est Caroline, la fille de Pierre, qui
est chargée des achats.
Le concept Chez Clément est né en 1993.
Créer une marque
Les restaurants des Blanc ont été les premiers à être équipés d'un système
informatique de caisse, car "le client a toujours peur d'être en retard",
précise Pierre Blanc. Au début des années 90 commence l'explosion des marques. Les
Blanc créent Chez Clément, un concept de restauration "comme chez soi"
doté d'une pointe de modernité : le morcellement de l'espace en plusieurs décors
(bibliothèque, salons...). "Avec cette seconde branche d'activité, nous avons
défini un rapport qualité/prix clairement identifiable pour les clients et positionné
haut de gamme", explique encore Pierre Blanc. A la rentrée 2002, la 12e unité
Chez Clément devrait être inaugurée dans les Hauts-de-Seine, au rond-point du Petit
Clamart. A l'origine parisienne, l'enseigne a enjambé le périphérique ouest pour
s'implanter à Boulogne et Bougival. La création d'un bâtiment solo, bien qu'envisagée,
ne sera pas forcément menée à son terme. "Un restaurant Chez Clément doit
être adapté à son quartier, et doit surtout fonctionner aussi bien le soir que le midi
avec un ticket moyen par tête de 30 e. Or, les bâtiments solos sont situés en
périphérie, près de centres commerciaux fermés le soir", poursuit Pierre
Blanc.
Exporter les brasseries
Quand ils investissent, les Frères Blanc veulent un emplacement et une grande capacité.
"Aucun de nos Clément ne fait moins de 3 Me de chiffre d'affaires",
justifie Pierre Blanc qui préfère taire le coût du ticket d'entrée d'un restaurant,
précisant néanmoins qu'il se situe "dans la tranche haute". Il continue
: "Dans la restauration de loisirs, les clients demandent de plus en plus de
mètres carrés. Or, dans Paris, il n'y a plus beaucoup de grandes surfaces bien situées."
Du coup, le groupe s'est tourné vers l'exportation. L'an dernier, un restaurant Au Pied
de Cochon a ouvert ses portes à Mexico, à l'Hôtel Intercontinental qui a reçu
l'exploitation de la licence de marque. Comme son modèle parisien, le nouvel
établissement est ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il affiche 800 couverts
quotidiens. "C'est une marque multipliable qui permet aux grands hôtels de
transformer leurs coffee shops en grandes brasseries avec une touche française. Tous les
palaces n'ont pas besoin d'avoir un restaurant gastronomique. Mais ils ont en revanche
besoin d'un lieu avec une identité et un savoir-faire", commente Pierre Blanc
qui avoue avoir à un moment regardé du côté des Etats-Unis, avant les attentats du 11
septembre...
Pour une troisième branche d'activité, Pierre Blanc pencherait plutôt pour une enseigne
à reprendre. Mais il préfère rester discret : "Nous n'avons pas très envie de
monter une enseigne de A à Z. Nous n'excluons pas une diversification assez éloignée de
la restauration traditionnelle. Cela dépendra de ce que l'on trouvera sur le marché. La
restauration rapide, par exemple, n'est pas nécessairement de la restauration bas de
gamme. On peut très bien relooker une chaîne." Et si l'entrée en Bourse du
groupe Blanc n'est pas envisagée pour l'instant, elle n'est pas exclue. "Il faut
se préparer à y aller si on en a besoin d'une façon ou d'une autre."
La spécificité de chaque brasserie leur confère une certaine autonomie, contrebalancée
par une implantation centralisée sur Paris. Chacune a sa carte et des produits qui lui
sont propres, soumis néanmoins à une centrale de référencement. "Le charme de
nos affaires, c'est la différence. Dans chacune, le directeur est source de propositions",
explique encore le chef d'entreprise. Les systèmes de rémunération ne sont pas calqués
les uns sur les autres. En salle, les serveurs sont rémunérés au pourcentage. "Ce
sont mes vendeurs ; ils mettent en avant nos plats leaders."
"Nous n'excluons pas une diversification assez éloignée de la restauration
traditionnelle"
Promotion interne
Le groupe emploie 1 600 personnes. Et c'est au niveau de l'organisation, de la formation
et de la promotion du personnel que les économies d'échelle jouent à plein. Le groupe
offre des facilités pour la gestion du personnel. "On peut satisfaire un salarié
qui veut se rapprocher de son domicile en le changeant d'établissement. L'attrait de la
chaîne existe et fonctionne. Chez nous, nous sommes guidés par l'esprit de famille",
poursuit Pierre Blanc. Tous les ans, le challenge Clément Blanc, mis en place avec l'Ifa
d'Osny (Val-d'Oise) et la chambre de commerce et d'industrie Val-d'Oise-Yvelines,
constitue une étape importante pour les jeunes en dernière année d'apprentissage dans
l'un des restaurants du groupe. A cette occasion, 10 binômes cuisiniers-serveurs en
apprentissage mettent en avant leur savoir-faire acquis à l'école et dans les
établissements du groupe Blanc. Pierre et Jacques Blanc ont créé leur propre école de
formation. Ils permettent ainsi à des jeunes sans qualification de bénéficier d'une
formation débouchant sur un emploi. Et, "parce qu'ils ont le souci de
l'évolution des gens qui leur sont proches", la formation professionnelle
concerne tous les niveaux de la hiérarchie. Une fois par an, les directeurs bénéficient
d'une dizaine de jours de formation externe au management. 80 % des collaborateurs des
Frères Blanc ont monté progressivement tous les échelons de la hiérarchie. n zzz18p
Les bancs d'écaillers constituent un élément majeur pour les Grandes
Brasseries.
En chiffres |
Les Grandes Brasseries Parisiennes CA 2001 77 170 583 e Nombre de couverts servis 1 788 476 Ticket moyen 43,14 e Chez Clément Répartition des effectifs du groupe Chiffres d'affaires du groupe |
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L'Hôtellerie n° 2759 Magazine 7 Mars 2002 Copyright ©