Sur le micromarché que constitue celui de la main-d'uvre saisonnière, les problèmes de recrutement sont encore plus aigus. Car la saison n'attend pas. D'où la nécessité de mettre en place de véritables politiques de ressources humaines.
Lydie Anastassion
© O.T. Megève
Pendant
longtemps, une image a collé à la peau des saisonniers de la restauration et de
l'hôtellerie : des salariés qui travaillaient 6 à 7 mois dans l'année, très dur, et
qui, le reste du temps, partaient loin se reposer. "Un choix de vie",
pensait-on souvent. En face, les patrons d'entreprise saisonnière disposaient ainsi d'une
manne de main-d'uvre qualifiée, fidèle au rendez-vous de la saison, et qui ne
rechignait pas au travail. Surtout que les conditions n'étaient finalement pas très
éloignées de celles dans lesquelles travaillaient les non-saisonniers.
Mais la situation sur le marché du travail dans le secteur de la restauration et de
l'hôtellerie a changé. Les patrons ont du mal à trouver du personnel. Et si ceux qui
travaillent toute l'année peuvent se permettre de passer des offres d'emploi mentionnant "embauche
selon convenance", il n'en va pas de même pour les exploitants saisonniers. Pour
eux, pas de délai. Il faut être prêt pour l'ouverture de la saison, et surtout ne pas
laisser filer le personnel avant la fin des contrats. Ou alors c'est du chiffre réalisé
en moins comme cela s'est passé durant l'été dans certaines stations de bords de mer
où des terrasses n'étaient pas ouvertes faute de personnel pour servir les clients...
qui sont allés plus loin.
La situation avant la formation
A l'approche de l'ouverture des saisons, les ANPE sont submergées d'offres d'emploi
qu'elles ne peuvent satisfaire faute de candidats. Et faute de temps, certains
établissements embauchent à la dernière minute. Ce qui pourrait apparaître comme un
simple retard cache en réalité un problème plus profond. Une réelle inexistence de
politique de ressources humaines : logement, transport, formation et salaire. "Il
est faux de penser que seule la formation peut améliorer la situation des saisonniers. Il
faut en premier lieu s'intéresser aux problèmes de situation. La formation ne peut pas
tout résoudre", explique Frédérique Vicq, directrice qualité au Fafih. Sans
statut à l'intersaison, les salariés ont d'ailleurs du mal à prétendre à une
formation. Selon elle, les employeurs locaux ont intérêt à travailler collectivement
sur la ressource 'saisonniers'. "Leurs solutions sont des solutions collectives
qu'ils ne peuvent ni penser ni mettre en place au niveau individuel", poursuit
elle, avant d'émettre une réserve : "Mais si les patrons arrivent à travailler
ensemble au niveau de la promotion de leur maison ou même au niveau de l'harmonisation
des tarifs, ils sont encore réticents à mettre en commun la gestion des ressources
humaines."
Conscient de cette lacune, une dizaine de patrons du Morbihan l'a bien compris. Ils se
sont constitués en association il y a 4-5 ans. Et formés au management via l'Afpa
(financement DDT). "Nous avons mis en place des grilles de salaires, précisé nos
besoins de main-d'uvre grâce à des CV d'entreprise", explique
Jean-François Sérazin, président de l'Umih 56 et patron de l'hôtel-restaurant La
Sirène sur l'île d'Houat. Grâce à une charte Morbihan-Savoie (1), ils assurent à
leurs salariés saisonniers qui le veulent bien une place chez un confrère savoyard,
logé, nourri, blanchi et payé selon la grille établie et envoyée aux 'collègues
savoyards'. De façon à éviter les mauvaises surprises d'un côté comme de l'autre. Car
les Savoyards sont demandeurs de salariés 'recommandés'. Le ciment de tout cela ? "La
volonté humaine, le bénévolat", martèle Jean-François Sérazin.
Cette initiative, qui concernait à son commencement une cinquantaine d'employés, a
permis cette année d'en faire partir environ 200. "Il ne s'agit que de personnel
qualifié", précise Véronique Le Nabour de la mission locale du pays d'Auray,
partenaire de la charte hôtellerie-restauration Morbihan-Savoie. "C'est assez
difficile de contrôler, sur la totalité du nombre que nous envoyons en Savoie, qui
revient travailler dans Morbihan. Il existe une petite évaporation due au fait que, si
les choses se sont bien passées durant la saison, employeurs et employés prennent
contact directement", explique Jean-François Sérazin qui regrette que les
Savoyards, occupés en station durant l'été, ne viennent pas travailler dans le
Morbihan. Son souhait : former un groupement d'employeurs de façon à pouvoir embaucher
les saisonniers en CDI. Pour la formation, le patron de La Sirène, qui emploie 5
saisonniers logés, a quelques idées. Des formations complémentaires pourraient être
mises en place d'octobre à novembre. Par exemple, pour qu'un commis de cuisine se forme
à la pâtisserie ou un serveur à l'anglais. n
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(1) La charte hôtellerie-restauration Morbihan-Savoie a été élaborée en janvier 2000 par les professionnels de ces deux départements en partenariat avec les conseils généraux du Morbihan et de la Savoie, des CCI des DDTEFP, des ANPE et des Missions locales du Morbihan et de la Savoie.
A l'approche de l'ouverture des saisons, les ANPE sont submergées d'offres
d'emploi qu'elles ne peuvent satisfaire faute de candidats.
Qui sont les saisonniers ? |
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Les professionnels w Ont un métier spécifique au secteur d'activité w Très qualifiés w Très expérimentés w Mobiles Leur problème : le logement, le transport. m Les locaux m Les temporaires Typologie réalisée par Michel Boissonnat, responsable du service Etudes et Documentation du Fafih. |
Charte restauration-hôtellerie Morbihan-Savoie |
Pour le recrutement : "Il
donne lieu à un dépôt d'offres d'emploi auprès des Agences locales pour l'Emploi et
Missions locales du ressort de l'activité professionnelle et à accompagnement
individualisé dans l'emploi identifié pour la saison complémentaire. Les entreprises et
les organisations professionnelles se doivent de procéder à l'information de leur
personnel à cet effet, afin d'anticiper l'enchaînement d'une saison complémentaire dans
un établissement partenaire." Pour la rémunération : "Les offres d'emploi précisent le salaire brut minimum par référence au poste et à l'horaire défini dans la convention collective." Pour la formation et la reconnaissance des compétences : "Les candidats à l'emploi dans le cadre du jumelage bénéficient d'une formation, si nécessaire, dans le cadre de l'accès à l'emploi (financement SAE) ou dans le cadre de la formation continue (financement Fafih : Cif CDD, conseil régional, Etat-FNE). Ils bénéficient, s'ils le souhaitent, d'une reconnaissance des compétences par unité modulaire, certificat de compétences professionnelles ou titres reconnus par la profession (recape)." Les engagements des employeurs : "La profession s'engage à assurer la mise en relation du salarié d'entreprise à entreprise et de faire bénéficier aux salariés des conditions d'accueil et d'emploi convenables. Les syndicats professionnels jouent le rôle de 'facilitateur' et d'intermédiaire auprès des entreprises et du service public de l'emploi. Ils élaboreront des fiches de poste détaillées et des fiches de présentation des prestations de l'établissement demandeur." |
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L'Hôtellerie n° 2759 Magazine 7 Mars 2002 Copyright ©