Malgré un afflux important de clientèle en été, des professionnels installés en bord de mer choisissent de jouer d'abord la carte locale et de miser sur les habitués.
Lydie Anastassion
Les terrasses pleines de monde, les files d'attente devant les restaurants, les serveurs qui ne savent plus où donner de la tête et... les tarifs qui font des bonds : la traditionnelle carte postale de l'été a encore de beaux jours devant elle. Cette année, environ 53 % des Français sont partis en vacances, majoritairement à 2 ou en famille (1). Et près de 74 % d'entre eux sont restés en France. Direction la mer où ils ont fait un seul séjour d'une durée moyenne de 18 jours, dans la famille ou chez des amis et sans avoir effectué de réservation préalable. Pour les professionnels, une question se pose : comment gérer cette clientèle saisonnière et volatile sans pénaliser la clientèle locale, source de revenus sur le long terme ?
n Si la mer reste la destination
privilégiée des Français, elle perd néanmoins 5 points sur le baromètre des
préférences au profit des grandes villes (+ 8 %) et de la campagne (+ 2 %). La montagne
enregistre un recul de 5 %.
n En
provenance de la région parisienne majoritairement, les partants ont entre 15 et 49 ans,
exercent des professions libérales et intermédiaires, ou sont retraités et inactifs.
n
L'hébergement à l'hôtel enregistre une progression significative, constituant la
solution choisie pour 13 % des personnes interrogées (9 % en 2001). Si la famille et les
amis reste le mode d'hébergement privilégié, il n'est plus utilisé que par 30 % des
vacanciers contre 35 % l'an dernier.
Constat numéro 1 : Le vacancier consacre peu de
temps à ses repas, du moins au déjeuner. Il mange en 1 heure et surtout à n'importe
quel moment de la journée. Pour lui, il faut une offre large, diversifiée et concentrée
à un endroit de façon à ce qu'il puisse se diriger rapidement vers l'établissement de
son choix.
A l'entrée du Vieux Nice, le cours Saleya donne un éclairage intéressant. Vers midi,
tandis que maraîchers et fleuristes plient bagage, les touristes se lancent dans une
autre course, passant d'un restaurant à un autre, comparant cartes et prix. L'offre est
large : des pizzerias, un restaurant La Criée, des établissements plus traditionnels de
fruits de mer, un restaurant de sushis, un autre de pâtes et un McDonald's. A ce
condensé de plusieurs types de restauration s'ajoute un food court à ciel ouvert auquel
de nombreux clients sont habitués.
Le vacancier mange en 1 heure et surtout à n'importe quel moment de la journée.
Il faut une offre large, diversifiée et concentrée à un endroit de façon à ce qu'il
puisse se diriger rapidement vers l'établissement de son choix.
Constat numéro 2 : Le client de l'été regarde à la dépense, ou du moins, fait des choix budgétaires tant au niveau de la restauration que de l'hébergement. Témoin, la quasi-disparition de la pension complète. Le terme même fait sourire. "Sur un séjour de 2 ou 3 jours, le client peut dîner le premier soir, et ensuite, on ne le revoit plus du tout", explique Thierry Dupré. Quant à la demi-pension, elle concerne des courts séjours de 4 jours environ. Car s'ils sont en vacances, juillettistes et aoûtiens ne renoncent pas pour autant à leurs habitudes de consommation, les poussant parfois à l'extrême, exigeant choix, rapidité, et horaires extensibles ou hors des habituelles coupures.
Ne pas miser tout sur la RTT |
Selon l'enquête BVA, les bénéficiaires de la RTT sont plus nombreux à
effectuer des courts séjours (15 % contre 13 % l'an dernier), des séjours dits standard
de 8 à 15 jours (32 % contre 27 %), ainsi que des séjours moyens de 16 à 21 jours (18 %
contre 15 %). D'une manière générale, 62 % d'entre eux optent pour un hébergement commercial (+ 6 points) et réservent plus leurs prestations que le reste de la population. Cependant, toujours d'après l'étude, 52 % des personnes interrogées ne bénéficient pas encore de cette nouvelle organisation du travail, et donc, ne partiraient pas au cours de l'année davantage en vacances que les années précédentes, que ce soit pour des courts séjours (3 nuits au moins) ou pour des séjours de 4 nuits ou plus. |
D'où, constat numéro 3 : Le repli de la clientèle locale. Lassés de cet afflux de monde, les clients habituels préfèrent rester chez eux. Quant à ceux qui sortent, ils sont souvent déçus de la prestation.
© Lydie Anastassion - L'Hôtellerie
Jean-Louis Favier, patron de la Maison de l'Océan, à Brest.
w A Brest (Finistère), Jean-Louis Favier, patron de la Maison de l'Océan, a choisi de ne rien changer durant les grandes vacances. "La saison d'été dure 5 à 6 semaines, ce qui nous laisse plus de 11 mois à négocier. C'est pourquoi je ne fais pas une fixation sur la saison", explique-t-il. Son souci : que les habitués ne se sentent pas mis de côté quand les touristes débarquent. Pour ne pas faire du volume pour du volume, il a abandonné les moules-frites, laissant à d'autres professionnels installés sur le port le soin de proposer ce plat. "En juillet, la clientèle d'affaires représente au moins 50 % de notre chiffre d'affaires. Nous ferions une grosse erreur en oubliant cette donnée", poursuit le patron. En été, sa carte 100 % fruits de mer ne subit aucune modification : pas de formules rapides en plus, même durant les manifestations sportives. "Nous essayons de protéger notre clientèle par un système de réservations et en maintenant la prestation en leur accordant toujours autant de temps." Du coup, les touristes 'haut de gamme' apprécient et reviennent aussi durant leur séjour.
Le client de l'été regarde à la dépense, ou du moins, fait des choix budgétaires
tant au niveau de la restauration que de l'hébergement. Témoin, la quasi-disparition de
la pension complète.
w A Saint-Valéry-sur-Somme, Thierry Dupré,
hôtelier-restaurateur, constate de son côté : "C'est un drame, les clients
ne prennent plus le temps de manger. Il m'arrive de leur demander s'ils ont un
rendez-vous, alors qu'ils sont en vacances. Parfois, ils sacrifient le dessert et le café
car ils jugent que cela va les retarder."
Et s'il maintient un éventail de menus allant de 14 à 36 e, pour ne pas pénaliser les
petits budgets, il n'a toujours pas mis de formules salades à sa carte. "Le soir,
les gens aimeraient manger dès 18 heures, alors que d'autres arrivent vers 22 heures.
C'est impossible à concilier au niveau de l'organisation du travail. Je respecte mon
personnel en lui demandant de travailler sur un créneau raisonnable. Si je change tout,
je risque de perdre et mes salariés et mes clients", ajoute Thierry Dupré. Ce
n'est pas avec des clients comme cette famille, avec 2 enfants, venue passer quelques
jours et qui n'a jamais pris un seul petit-déjeuner à l'hôtel, qu'on peut assurer un
chiffre d'affaires.
Sa saison à lui commence en février et s'achève en novembre. Située sur un axe de
transit entre le nord et le sud de l'Europe, Saint-Valéry-sur-Somme est une ville-étape.
"Mes chiffres les plus bas, je les réalise en juillet et en août. Le reste du
temps, je travaille avec des Anglais, des Belges, car il y a toujours une nation en
vacances. Eux viennent et apprécient notre cuisine, notre rythme ."
Pour répondre à cette demande conjuguée de rapidité et de faible ticket moyen, des
professionnels ont opté pour la diversification saisonnière et 'délocalisée'. A Dieppe
(Seine-Maritime), Danila Alexandre, qui tient un restaurant de cuisine turque en ville,
l'Ankara, a ouvert, sur le quai Henri IV, lieu de promenade, un espace de restauration
rapide, l'Orient Express : pizzas, kébabs à l'assiette et sandwiches à emporter. Une
bonne façon de jouer sur la clientèle de passage sans sacrifier l'image de l'autre
restaurant. Sur le reste du quai, l'offre va du bol de moules accompagnées de frites et
déclinées à toutes les sauces au menu gastronomique. Une palette de choix qui permet de
mixer des clients aux attentes différentes. Ce type de diversification, lorsqu'il est
possible, est sans doute un bon début de réponse au problème. n zzz22v
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(1) Sondage BVA/Direction du tourisme.
L'évolution du poste 'vacances'
Plus spécifiquement pour les postes vacances, la progression est la suivante : | |||
---|---|---|---|
Dépenses envisagées en 2002/2001 |
Plus important |
Moins important |
Egal |
Pour les vacances d'été 2002 (4 nuits ou plus) | 29 / 30 | 15 / 11 | 54 / 59 |
Les courts séjours (1 à 3 nuits) au cours de l'année | 20 / 25 | 18 / 17 | 54 / 58 |
Les vacances d'hiver 2002/2003 (plus de 3 nuits) | 16 / 17 | 20 / 25 | 47 / 58 |
Sondage BVA/Direction du tourisme réalisé au cours des week-ends du 24 au 25 mai et du 31 mai au 1er juin 2002 auprès d'un échantillon de 2 000 hommes et femmes âgés de 15 ans et plus. |
Intentions de vacancesPas de risque pour l'hôtelier-restaurateur de ressentir les éventuels effets
d'un ralentissement de l'activité de haute saison qui semble se profiler. "Toujours
aussi nombreux à partir en vacances en été, il n'en demeure pas moins vrai cette année
que les Français sont moins volontaires qu'en 2001. Ainsi, on enregistre une baisse de 7
points d'intentions positives de départ (53 % contre 60 %), ce qui entraîne
mécaniquement une hausse d'intentions négatives de 6 points", commente
l'enquête, qualifiant ces écarts de "hautement significatifs". |
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L'Hôtellerie n° 2785 Magazine 5 Septembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE