Jean-Pierre Laurens a quitté Paris voici 7 ans pour transformer sa maison de campagne, nichée au cur des coteaux de l'Agenais, en hôtel-restaurant. Sans formation hôtelière, il a fallu qu'il trace son chemin. Résultat, un établissement singulier à son image.
Brigitte Ducasse
A l'abri des regards, la piscine située en contrebas du château est noyée dans
la verdure.
Une étroite route serpente
sur les hauteurs d'Agen, traverse de minuscules hameaux avant d'atteindre Brimont -
quelques âmes à peine - et le Château de Lassalle. Une allée ombragée de chênes
centenaires conduit au château. L'établissement, au cur d'un parc de 8 hectares,
se dévoile une fois franchi un porche percé dans un ancien corps de ferme tout en
longueur. Sur la gauche, l'ancienne salle de garde prolongée par une véranda
contemporaine abrite le restaurant, la cave à vins, à cigares, et une salle de réunion.
Dans la cour carrée plantée de palmiers et d'oliviers, le pigeonnier est précédé par
une délicieuse tonnelle formée par un saule pleureur. Juste une table pour un
tête-à-tête. Au fond, le château en U abrite l'accueil avec son comptoir art déco.
Sur 2 étages se déploie l'essentiel des chambres baptisées chacune du nom d'un membre
de la famille.
En arrivant, les gens sont étonnés. Car ce château du XIe et XVIIIe siècles ressemble
à une gentilhommière taillée pour une famille nombreuse. Le propriétaire, Jean-Pierre
Laurens, s'amuse du quiproquo. Ce Gascon pur-sang semble sorti d'un livre de cape et
d'épée. Courage et passion pour sa région animent ce mousquetaire au sang chaud, fier
de sa maison. Car ici, l'accueil est familial - on est reçu comme le serait un invité
dans sa propre maison -, mais également professionnel. 7 personnes y travaillent en CDI
et 14 autres en haute saison.
Point de carte des vins ici : Jean-Pierre ne propose que des vins qu'il boit.
De bouche à oreille
Le Château de Lassalle, 17 chambres en 3 étoiles affichées (pour l'administration), La
Cour Carrée, un restaurant d'une quarantaine de couverts, des salles de séminaire
pouvant accueillir jusqu'à 130 personnes, est à bien des égards hors norme. Exemple :
le mobilier, les tableaux anciens ou contemporains, les objets de tous styles, peuvent
être achetés par le client ! Chineurs dans l'âme, les propriétaires ont accumulé tant
de trésors qu'ils peuvent remplacer chaque objet séance tenante. Autre sujet
d'étonnement, sur la carte du restaurant figure la proposition suivante : "Pourquoi
ne pas aller chez des amis avec lesquels nous partageons les mêmes valeurs..."
Une invitation désintéressée puisqu'élaborée sans partenariat d'aucune sorte avec ces
confrères triés sur le volet. "Lors de son séjour, le client doit pouvoir
découvrir une autre gastronomie. Autant conseiller des tables où je sais qu'il passera
une bonne soirée." La stratégie est efficace. "Les gens apprécient
puisqu'ils reviennent et même nous recommandent. Nous vivons principalement du bouche à
oreille." L'hôtel réalise un taux d'occupation de 52 % pour des prix situés
entre 109 et 191 e la chambre. Hors norme encore, la décoration des chambres. Toutes
vastes et pleines de charme avec des parquets XVIIIe siècle, elles marient les couleurs
et les matières avec bonheur. On pourrait encore citer "le bar de courtoisie"
dans le grand salon. Le client se sert lui-même et note sur un petit carnet ce qu'il
consomme. Les resquilleurs sont rarissimes et ce système permet de faire l'économie d'un
barman à demeure.
"J'assurais à Paris la direction générale d'un grande société de
communication. A la suite d'une fusion, j'ai quitté le groupe." Repli donc sur
le château acquis en 1992, où tous les week-ends il venait se ressourcer.
Lumineuse, colorée, chaque chambre possède sa personnalité.
Réaménagement
Durant 18 mois, il travaille d'arrache-pied : plantations d'arbres et de fleurs, création
d'un jardin potager de 1 000 m2, curage de la mare aux canards, aménagement des chambres,
du restaurant. Rideaux, dessus-de-lit, peinture des murs... Ainsi, le coût des travaux et
de l'aménagement atteint les 1,22 Me.
Sans aides bancaires, les 5 premières années sont difficiles. Pas un jour de repos et
des économies de bouts de chandelles. Mais il tient bon, encouragé dès le début par de
bonnes critiques de guides touristiques et gastronomiques.
Côté fourneaux, une équipe jeune et dynamique avec Laurent Thomas, le chef, 26 ans, et
son second, Vincent Barbier, 20 ans, propose une offre appétissante, si bien que les
clients privilégient la carte plutôt que les menus - menu du jour sur ardoise à 36 e
avec, au choix, 2 entrées, 2 plats ou 2 desserts. L'intégration dans le milieu
professionnel et la reconnaissance des pairs ne se sont pas faites sans mal. Mais le
jugement a été révisé. Jean-Pierre Laurens a été élu en avril 2001 vice-président
section hôtel de la Fédération hôtelière du Lot-et-Garonne. Après 7 années de
fonctionnement, la pression se desserre. Désormais, une banque le soutient ; l'ouverture
au printemps 2001 de 6 nouvelles chambres permet de dégager un différentiel de chiffre
d'affaires autorisant d'entrevoir une fermeture 2 mois du 15 janvier au 15 mars. "Enfin
presque !, précise Jean-Pierre, car on ne refusera jamais un important séminaire,
sans eux nous ne survivrions pas." Séminaires, baptêmes mariages, communions...
génèrent 533 572 e (avec le restaurant), soit 42 % du chiffre d'affaires de
l'établissement.
Si, au quotidien, les sacrifices restent permanents, la satisfaction d'avoir réussi à
imposer un établissement excentré, où l'on ne s'arrête jamais par hasard, compense les
sacrifices. n
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Château de Lassalle
Brimont
47310 Moirax/Laplume
Tél. : 05 53 95 10 58
Fax : 05 53 95 13 01
Web : www.chez.com/lassalle
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L'Hôtellerie n° 2789 Magazine 3 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE