Le ryad est aujourd'hui un hébergement à la mode et un business rentable, non réglementé. A Marrakech, ces maisons d'hôte attirent une clientèle aisée, voire haut de gamme pour les plus luxueuses. Elles ont atteint un tel niveau qualitatif qu'elles concurrencent l'hôtellerie classique. zzz99
Le phénomène des maisons d'hôte, par son fulgurant succès, a surpris tout le monde à Marrakech. Aussi bien les professionnels que les autorités et les habitants de la Médina où sont cachés les ryads, ces maisons-jardins au style arabo-mauresque vieilles en moyenne de 150 ans. Il y a seulement 5 ans, "les maisons d'hôte étaient rares. Seuls quelques amoureux de l'architecture marocaine achetaient ces bâtisses traditionnelles, les aménageaient et les entretenaient pour y recevoir des amis. C'est la diffusion de l'émission Capital sur M6 qui a été un déclic", explique Serge Meadow, Français, vice-président de l'Association des maisons d'hôte Marrakech et Sud. Du jour au lendemain, la Cité Rouge a vu des centaines d'étrangers débarquer pour trouver le ryad de leurs rêves. Normal quand on sait que les ryads étaient vendus à l'époque au prix d'un deux-pièces parisien ! La plupart d'entre eux ont acheté des ryads pour en faire des résidences secondaires. D'autres les ont transformés en maison d'hôte. "Les statistiques officielles au Maroc n'existent pas, mais selon les estimations de l'association, Marrakech compte actuellement entre 400 et 500 ryads rénovés. Sur ce total, on dénombre 150 maisons d'hôte, offrant 700 à 800 chambres (hors suites) et employant 600 personnes."
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Recherche de l'authenticité
La situation évolue petit à petit, mais encore aujourd'hui, les ryads sont rarement
propriété des Marocains. Ils appartiennent, à 90 %, à des Européens, avant tout
Français mais aussi Belges, Italiens, Allemands et Anglais. Si une partie est directement
gérée par les propriétaires, en général des hôteliers improvisés, une autre est
confiée à des intermédiaires (samsara) et une troisième est gérée par les agences de
location et de gestion de ryads du type de Marrakech Médina ou Ryads du Maroc. "Dans
l'idéal, le propriétaire est aussi gérant. Il habite le ryad afin d'être à
disposition de ses clients. Etre professionnel de l'hôtellerie ou pas est secondaire. Ce
qui prime, c'est sa personnalité et son sens de l'accueil étant donné que le concept
repose sur l'idée que le propriétaire reçoit, dans son espace privé, des hôtes avec
une participation financière aux frais de la maison. Nous sommes donc loin d'un hôtel.
L'engouement des clients pour notre type d'établissement touristique répond à la
recherche de l'authenticité, de la personnalisation, de la chaleur et de l'accueil",
explique Thérèse Rodriguez, propriétaire de Caïd Rassou, ryad de 4 chambres, ouvert en
septembre 2001 au cur du quartier Bab Aylin, dans la Médina. En revanche, sur le
créneau des ryads de luxe, le professionnalisme est de rigueur. "Depuis 2 ans, le
niveau d'exigence en termes de service a nettement monté. C'est d'ailleurs judicieux
étant donné que nos tarifs varient entre 280 e et 450 e la nuit. Bien plus
qu'une maison d'hôte, notre ryad est obligé de fonctionner de plus en plus comme un
hôtel", avoue Lynn Perez, Française, hôtelière professionnelle, adjointe à
la direction du ryad de 16 chambres, La Villa des Orangers, l'unique Relais &
Châteaux en Afrique du Nord.
Côté services
Autrefois inexistantes, les prestations complémentaires sont très appréciées aujourd'hui des touristes étrangers. La piscine, le transfert à l'aéroport, les animations, l'organisation des sorties, etc. Sans oublier la restauration, encore rare dans les ryads pour deux raisons : les ryads sont trop petits pour disposer d'un restaurant, et puis, la législation est très floue sur cette question. Selon l'Association des maisons d'hôte, le ryad peut théoriquement avoir un restaurant, exclusivement réservé à sa clientèle. |
L'investissement ne cesse de croître
Le succès des ryads s'explique, en bonne partie, par le respect de la dimension
culturelle et architecturale, au niveau des couleurs, des matériaux et des techniques
traditionnelles de construction. Compte tenu de l'investissement, tant au niveau de
l'achat, des travaux que de la décoration, la maison d'hôte participe incontestablement
au développement d'un tourisme culturel élitiste et qualitatif. "L'investissement
moyen dans les maisons d'hôte ne cesse de croître au rythme régulier des hausses du
prix des ryads. A la vente, si les grands ryads sont rares, ceux de taille plus modeste se
trouvent encore, avec des prix qui varient entre 45 000 et 75 000 e. Cela en
sachant qu'il faut très souvent être préparé pour un véritable parcours du combattant
pour l'acquisition de ce bien immobilier et ensuite compter le double du prix de la
transaction pour la restauration", indique le vice-président de l'association
qui regroupe une cinquantaine de ryads sur Marrakech. Les difficultés sont notamment
liées à des histoires familiales de partage, qui obligent les nouveaux propriétaires à
réunir 4 ou 5 maisons pour en faire un ryad. Pour Lionel Astred, Français, propriétaire
du Riad Abbassia, situé dans la Médina, le montage juridique de la procédure de
l'acquisition a ainsi duré un an et demi. "La procédure coûte cher. Elle est
pénible puisque les structures juridiques adéquates sont inexistantes au Maroc. Pour
obtenir les titres fonciers de mon ryad, j'ai été obligé de chercher, au Maroc et en
France, par le biais de mes relations et mes avocats, tous les héritiers de la maison
afin de rassembler l'ensemble des documents et signer l'acte de vente",
témoigne-t-il. En revanche, en ce qui concerne le montage financier, l'expérience montre
que les banques françaises et marocaines se montrent relativement favorables à accorder
des prêts pour ce type d'investissement. De plus, pour favoriser les investissements dans
le tourisme, l'Etat marocain fait bénéficier aux propriétaires de l'exonération
d'impôt à hauteur de 100 % les 5 premières années et à hauteur de 50 % au-delà.
Des avantages fiscaux
Quant aux
rénovations, elles sont onéreuses pour des raisons d'obligation du respect de
l'architecture et de l'importance des travaux. Mais là aussi, les propriétaires peuvent
espérer récupérer la TVA (10 %) sur l'ensemble des travaux. A titre d'exemple, faisant
appel à des artisans locaux, La Villa des Orangers a investi 450 e/m2, tout compris, pour
la restauration de ses chambres dont la surface est de 20 à 50 m2. Une raison pour
laquelle un nombre croissant de Marocains préfèrent investir dans la création des
maisons d'hôte plutôt que de vendre leur bien à des étrangers. C'est notamment le cas
du ryad, The Red House, situé en périphérie de la Médina. "Notre famille
habitait une partie de la maison, ce qui nous a permis de la rénover et de la transformer
en ryad pour un investissement relativement faible. Nous devrions réaliser un retour sur
investissements dans un délai d'un an", explique Yasmine Jabri, directrice
générale de The Red House, ouvert en mai dernier, qui dispose de 4 000 m2 et de 8
suites, proposées pour une fourchette de prix allant de 275 e à 600 e. Pour elle, la
demande des clients évolue vers le qualitatif et le confort, s'éloignant, par
conséquent, du labyrinthe de la Médina et de l'étroitesse de ces ruelles mal
entretenues et des problèmes d'assainissement... En bref, la périphérie proche de la
Médina a actuellement la cote. "Une maison d'hôte doit offrir à la fois le luxe
des hôtels, l'intimité et la personnalisation d'un ryad. A cet effet, il faut consentir
des coûts d'exploitation importants : plutôt que d'avoir 16 chambres, nous avons opté
pour 8 grandes suites. Et notre effectif est de 30 personnes", commente Yasmine
Jabri.
Réglementation très attendue |
Le vide juridique concernant le fonctionnement des maisons d'hôte se
traduit sur le terrain par de nombreux abus : personnel local non déclaré, absence
d'assurance, prix exagérés pour les prestations fournies, fraudes fiscales... A la limite de l'informel, le secteur compte aujourd'hui seulement 50 % de maisons d'hôte déclarées. La mise en place d'une réglementation s'avère alors indispensable. Elle est aussi très attendue par le lobby hôtelier qui voit d'un mauvais il cette concurrence et fait pression sur les autorités pour réglementer la classification des ryads. En attendant, une cinquantaine de professionnels, conscients de l'urgence de réglementer l'exercice des activités des ryads, se sont regroupés en Association des maisons d'hôte Marrakech et Sud. Ils viennent de créer une charte de qualité et de services, mettant notamment l'accent sur l'importance du respect de l'environnement culturel de la Médina. |
Retombées financières
Pourtant, rien ne semble effrayer les exploitants des ryads. Ni la lenteur administrative,
ni la lourdeur des investissements, ni les coûts d'exploitation élevés ou encore les
difficultés juridiques... En plein essor, le créneau est prometteur et les retombées
déjà considérables. Les études du ministère du Tourisme stipulent ainsi que le
voyageur qui réside en ryad dépense, en dehors du prix de la chambre, en moyenne et par
jour plus de 100 e. "Le succès actuel des ryads assure la rentabilité du
business. Sans parler des chiffres, je peux vous garantir que c'est nettement plus
rentable que l'hôtellerie française", précise la directrice de La Villa des
Orangers. Dans les petits ryads, le discours est plus modéré, mais ici non plus,
personne ne conteste que le ryad peut assurer un confortable revenu à son propriétaire.
A titre d'exemple : en gestion locative, un ryad rapporte en moyenne 2 000 e/mois. Le
double si le propriétaire s'occupe lui-même de louer son ryad. n
Commercialisation |
Deux ans après leur ouverture, le taux de remplissage des ryads
frôle déjà les 75 % sur l'année. En fin d'année et en haute saison, tout est plein et les prix de location peuvent augmenter de 20 % à 50 % dans certains établissements. Le Web est de rigueur pour tout le monde pour se faire connaître en Europe, mais la plupart des ryads travaillent aussi avec les TO, les agents de voyages et les agences de locations.Il semblerait aussi que parfois les réservations soient traitées à l'étranger où tout est réglé en devises et l'argent serait bloqué en dehors du Maroc. Cette pratique est illégale et devrait disparaître avec la nouvelle législation en cours. |
Marrakech, la nouvelle passion des Français
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L'Hôtellerie Restauration n° 2807 Magazine 6 Février 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE