C'est l'histoire d'un pari... pas encore gagné entre un jeune homme en voie de réinsertion et le restaurant McDo dans le XIVe arrondissement. L'enjeu : un emploi pour le premier et un nouvel équipier pour le second.
Lydie Anastassion
Pour le moment, Jérôme trouve grâce à ce premier emploi un second appui pour
redémarrer.
Son bonnet beige vissé sur
sa tête, noyé dans son manteau noir, des clés en sautoir, Jérôme Bonnici (20 ans) se
concentre, attablé au premier étage du restaurant McDonald's de Paris Alésia. Il veut
répondre précisément aux questions. Il commence, hésite, se reprend et se lâche enfin
: "Si les gens t'aident, il faut assurer. Le plus important, ici, c'est de montrer
sa motivation." Engagé il y a 2 mois comme équipier dans ce restaurant, dans le
cadre d'un nouveau contrat-jeunes, Jérôme a un parcours atypique. En rupture familiale,
originaire des Yvelines, il a été pris en charge par le Centre d'hébergement et de
réinsertion sociale Le Lieux-Dits (Paris XIe) qui lui procure une chambre d'hôtel et
l'encadre. Un premier pas vers la réinsertion, complété par son nouvel emploi chez
McDo.
"Depuis que Jérôme travaille, il a une montre, un agenda où il inscrit ses
horaires de travail. Il renoue avec la notion de temps", explique Isabelle
Morellet, conseillère d'insertion au Lieu-Dit. Elle poursuit : "On profite de la
dynamique du travail pour travailler de nouveaux repères." Ce CDI de 20 heures
hebdomadaires est le tout premier travail de Jérôme, plus habitué aux stages. Tout
s'est déroulé par hasard. En face du McDo, Pascal tient le kiosque à journaux. Et quand
il n'y est pas, il anime l'atelier photo du Lieu-Dit. Un jour, comme ça, il a demandé au
franchisé, Philippe Tillaye, s'il n'embaucherait pas un jeune en difficulté. Le patron a
dit oui et tout a démarré.
"C'est vrai, au début nous avons eu des réticences à cause d'échecs
antérieurs. Nous savions aussi que cette nouvelle recrue ne serait pas productive à 100
%", commente Henri Saillard, le superviseur du restaurant Alésia et de celui des
Gobelins qui appartient au même franchisé. Nettoyage de la salle (lobby), préparation
des frites, des boissons et des desserts, Jérôme découvre peu à peu tous les postes.
Equilibre
Mais pour l'instant, il n'est pas polyvalent. Par exemple, il ne s'occupe pas de la caisse
et ne passe pas de façon autonome d'un poste à l'autre en heure creuse. C'est pourquoi,
il ne travaille qu'en période de pointe, au moment des repas. "Jérôme ne
maîtrise pas encore la totalité de son poste. Il fait son nombre d'heures et travaille
en coupure pour éviter les temps où l'activité redescend. Et quand il y a vraiment
beaucoup de monde, il est en salle pour le nettoyage. Dans ce sens, il s'agit d'une
gestion un peu particulière", poursuit le superviseur, conscient du fragile
équilibre du dispositif.
"L'entreprise n'apporte qu'une partie de cette étape de socialisation. Et elle ne
peut pas envisager seule ce type de démarche", ajoute Henri Saillard. La ligne
de crête est fluctuante pour Jérôme qui grâce à sa bonne volonté, est bien intégré
au sein de l'équipe très diverse, mais qui, de temps en temps, renoue avec les
problèmes de ponctualité.
Comme pour tous les jeunes, les premiers salaires ont été la source de satisfaction.
Vêtements, musique et babioles, le jeune homme découvre un semblant d'autonomie
financière. Et si pour certains, l'enseigne est synonyme 'd'esclavage' comme certains le
lui ont fait remarquer, pour lui, elle signifie la reconquête de l'estime de lui-même. n zzz18p zzz22t
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L'Hôtellerie Restauration n° 2807 Magazine 6 Février 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE