L'Hôtellerie
Restauration : Quel est l'élément clé pour l'évaluation d'un café-tabac ?
Christophe Martin : L'élément clé aujourd'hui, c'est
l'EBE. Plus que les commissions des différents monopoles - tabac, jeux - et les
chiffres d'affaires. C'est l'EBE que le banquier de l'acheteur étudie pour
décider s'il accorde ou non le crédit nécessaire à son acquisition, et que nous-mêmes
analysons objectivement afin d'obtenir l'image la plus réaliste possible de la
rentabilité de l'affaire. C'est à l'EBE retraité que nous appliquons un
coefficient pour déterminer une valeur que nous estimons être la bonne en fonction
des caractéristiques physiques et environnementales de l'affaire.
Quelle est votre méthode pour retraiter l'EBE et parvenir au chiffre qui
sera votre référence ?
Notre volonté est de trouver le chiffre qui reflète le plus justement
possible la rentabilité de l'affaire dans son fonctionnement normal. On part du
résultat d'exploitation sur 12 mois, puis on ajoute les charges considérées
comme inhabituelles et qui ne devraient pas se retrouver avec un successeur,
par exemple, des frais exceptionnels sur l'entretien des locaux ou de matériel,
- en somme des frais généraux anormalement élevés. Si l'affaire est exploitée
en couple, le conjoint étant obligatoirement salarié ou conjoint collaborateur
cotisant, on ajoute le salaire du conjoint ou la rémunération des dirigeants
dans le cas d'une SNC, mais pas les charges sociales afférentes ou le RSI qui
seront à payer de toute manière.
Quel coefficient appliquez-vous à l'EBE retraité ainsi trouvé ?
En moyenne, pour un café-tabac, on applique un coefficient entre 3 et 4
fois l'EBE. Mais il s'agit d'un coefficient repère variable en fonction des
caractéristiques de l'affaire telles que son emplacement, son environnement, l'état
du matériel et des agencements, le respect des normes d'accessibilité. L'amplitude
horaire est par ailleurs un aspect très important dans l'évaluation d'une
affaire. À établissement équivalent en termes de capacité et d'emplacement, un
commerce ouvrant 7 jours sur 7 de 6 heures à minuit, s évaluera
nécessairement moins cher qu'une affaire avec un EBE plus faible mais avec 2 jours
de fermeture hebdomadaire, 5 semaines de congés par an, et des horaires de
journée*. Les vendeurs ne doivent donc pas se focaliser uniquement sur l'EBE,
mais bien prendre la mesure des conditions d'exploitation et l'état des
installations de leurs affaires générant cet EBE.
Comment déterminez-vous si un acquéreur a le bon profil ?
Pour nous, ce qui importe en premier lieu, c'est qu'il puisse être
financé raisonnablement par les banques. Cela signifie qu'il doit disposer d'un
capital minimum de 35 % du prix total du projet, soit 20 % du prix de
l'affaire, plus les frais d'acquisition. Bien sûr, chaque profil est unique et
nous jugeons chaque situation au cas par cas, comme par exemple le manque d'expérience
professionnelle d'un acquéreur qui nécessitera souvent un apport personnel plus
important. Un point commun ressort néanmoins de notre expérience : un
endettement raisonnable est un élément important pour la réussite du repreneur.
À cet égard, il faut rester vigilant avec les prêts brasseurs ou fournisseurs.
Dans des cas bien précis, ils peuvent permettre d'acquérir l'affaire, mais
constituent une dette qui s'ajoute au prêt bancaire et aux charges d'exploitation.
Il faut, je pense, réserver ces interventions fournisseurs, à des
professionnels aguerris.
* Exemples dans le tableau ci-dessous.
Publié par Tiphaine BEAUSSERON