Selon le dernier baromètre Bodacc, la France enregistrait 40 627 cessions de fonds de commerce (FDC), dont 12 000 CHR. On est loin des 70 000 cessions de FDC, dont 30 000 CHR, qu'on dénombrait en 2005. Comment expliquez-vous cette chute ?
Effectivement, le marché de la cession de fonds de commerce CHR s'est figé et je ne saurais pas vous expliquer le pourquoi de cette baisse dans de telles proportions. En revanche, quelques éléments pourraient l'expliquer en partie. D'une part, je pense que sous le quinquennat de François Hollande, l'engouement pour l'entrepreneuriat a faibli. Peut-être aussi que la France a bouclé sa période de désindustrialisation. Il n'y a plus de grands plans de licenciement ouvrant la voie à de la reconversion subie qui permettait à des cadres d'investir, pour changer de vie, dans la reprise de restaurants et d'hôtel-bureaux.
Parallèlement, les entreprises étant de plus en plus attentives au bien-être dans l'entreprise, les conditions de travail qui se sont globalement bonifiées ces dix dernières années limitent indirectement le nombre de reconversions choisies. Les cadres hésitent plus qu'avant à investir corps, âmes et finances dans la reprise d'un commerce CHR qui les privera du confort acquis en entreprise. Or, ces reconversions avaient dopé le marché de la cession pendant plusieurs années. Enfin, il demeure que le prix de cession est encore souvent trop élevé.
Pourtant, on remarque que l'EBE et le CA dégagés par l'affaire occupent une place centrale dans la valorisation d'un fonds de commerce et contraignent les vendeurs à fixer un prix de cession en rapport avec la rentabilité mesurée de l'affaire. Comment les prix de cession peuvent-ils donc être trop élevés ?
En effet, une cession ne peut se faire qu'en présence des ratios financiers cohérents, d'où leur importance lors d'une estimation de valeur. Mais, au-delà de la capacité d'autofinancement d'une affaire, il y a le reste à vivre, c'est-à-dire la part de profit réellement disponible pour l'exploitant une fois toutes les charges déduites de l'EBE.
De mon point de vue, les cédants ne sont pas assez conscients de ce facteur, ce qui les conduit à exiger un prix de cession trop élevé. Or, pour moi, l'une des raisons du ralentissement du nombre de cessions est précisément la sous-évaluation du reste à vivre. Je pense que si les acquéreurs sont moins enclins à reprendre un hôtel ou un restaurant, c'est qu'ils estiment qu'ils n'y gagneront pas assez par rapport au risque et à l'énergie exigés par l'exploitation d'un fonds de CHR. Autrement dit, à l'heure actuelle, l'audace entrepreneuriale du repreneur n'est pas assez rémunérée en cours d'exploitation, ce qui, sur le marché des cessions de fonds de commerce, réduit le nombre d'acquéreurs, et indirectement le nombre de transactions.
Voulez-vous dire que l'offre de cession existe mais qu'elle ne séduit pas assez la demande ?
Je veux dire que, hormis Paris qui est un cas à part, l'exploitation d'un commerce de proximité ne séduit plus. La désertification des centres-villes parle d'elle-même. Pourtant, je suis convaincu que le marché pourrait être redynamisé si les intermédiaires spécialisés en cession de fonds de commerce arrivaient à mieux le structurer. Souvenons-nous de l'enquête pas si lointaine [mars 2015] de CHR Expert publiée dans L'Hôtellerie Restauration qui faisait ressortir que 2/3 des dirigeants de CHR envisageaient de céder leur fonds ! Quand on sait que la France compte 200 000 entreprises CHR, les 5 000 mandats de vente enregistrés au sein de notre réseau ne représentent qu'une infime partie des mandats de vente que nous pourrions obtenir - même si tous les CHR ne sont pas à vendre.
Actuellement, nous vendons en moyenne 1 affaire pour 7 mandats pris à Paris, et 1 affaire pour 10 à 12 mandats pris en province. On pourrait faire mieux. Mais, la décroissance du volume de transactions a ralenti l'emprise des agents spécialisés sur ce marché. Or, avec plus d'agences et surtout plus d'effectifs en agences, nous pourrions être plus présents et plus actifs, capter plus de mandats, leur donner plus de visibilité et donc provoquer plus de transactions. On doit prendre ce marché en main en étant plus présents et plus imaginatifs dans les solutions de commercialisation.
À côté de ses 30 agences Entreprise et Commerce, Century 21 est d'abord un réseau d'agences immobilières traditionnelles. Au début de l'été, vous avez communiqué sur le bail Airbnb qui, à Paris, encadre la sous-location de courte courte durée alors que les hôteliers parisiens sont très critiques à l'égard de cette plateforme. Pour quelle raison ?
Loin de nous l'idée de nuire aux hôteliers avec ce bail. Au contraire. Ce bail permet au locataire et à Airbnb de faire légalement ce qui se faisait déjà illégalement et, de ce point de vue, assainit les relations locataire-bailleur. S'il est vrai que des hôteliers souffrent de l'explosion des locations de courte durée Airbnb, je ne crois pas que ce bail qui, encore une fois, ne fait que réguler une situation de fait, aggravera leur situation. Plus généralement, je pense que cette plateforme ne disparaîtra pas. Les hôteliers qui ont mis leur chambre d'hôtel sur Airbnb l'ont bien compris.