À 29 ans, après sept années passées à Las Vegas, Mathieu
Chartron a retrouvé la Drôme des collines à l'automne dernier. Un grand
chambardement dans une vie professionnelle qu'il a choisie par passion. "J'ai
grandi dans le restaurant [Le Restaurant Chartron à Saint-Donat, NDLR] que mes
parents n'ont cessé de développer depuis plus de trente ans. Dès que cela a été
possible, j'ai rejoint le lycée Lesdiguières, à Grenoble, et obtenu un BEP puis
un bac pro cuisine. J'ai aussi passé en candidat libre un BEP service au lycée
de Tain-l'Hermitage, car j'ai toujours pensé que pour être un bon restaurateur,
il faut savoir ce qu'il se passe des deux côtés."
En parallèle, il goûte aux extras et stages en
entreprise et finit par une saison aux Cornettes, en Haute-Savoie. "Mais sachant
qu'un jour ou l'autre je viendrais travailler avec mes parents, je souhaitais
bouger, découvrir d'autres ambiances." Arrivé à Paris, il intègre la
brigade de Guy Savoy en février
2007. Il débute commis de cuisine aux entrées chaudes et apprécie l'état d'esprit
de l'équipe.
Au bout de dix-huit mois, le voici chef de partie. Et
comme il a des fourmis dans les jambes, Guy Savoy lui propose une place de
second dans le restaurant à son nom au Caesars Palace, à Las Vegas. "J'ai
connu des moments difficiles, parce que mon anglais était insuffisant et puis
nous avons ressenti les effets de la crise avec des services pour dix à trente
clients maximum..." S'il a un temps imaginé tourner la page américaine,
Mathieu Chartron a finalement trouvé son équilibre et rencontré Sheeva, sa compagne. Il a pris aussi du
galon en devenant le chef exécutif du restaurant de Las Vegas, en avril 2011. "J'ai
appris à me maîtriser, à former et à sélectionner aussi les membres de mon
équipe. J'ai beaucoup progressé sur le plan du management."
Partagé entre deux restaurants
Mais la lassitude le gagne et l'envie de travailler
pour lui reprend le dessus. Le jeune cuisinier prépare son retour en France. "La
logique voulait que ce soit en reprenant le restaurant étoilé de mes parents.
Mais en octobre dernier, j'ai appris qu'Umia [le restaurant de Rika et Frédéric Bau à Tain-l'Hermitage, NDLR] était mis à la vente et j'ai
surpris tout le monde en annonçant que j'allais le reprendre. J'ai étudié le
dossier à distance et des amis, deux Français basés aux États-Unis et deux autres
dans la Drôme ont participé au financement. J'ai aussi recruté Sébastien
Bergeroux comme chef exécutif et nous avons ouvert Maison Gambert le 13
février dernier."
Les quelques kilomètres qui séparent le Restaurant
Chartron à Saint-Donat de la Maison Gambert, Mathieu Chartron les connaît
désormais par coeur. "Je commence un service d'un côté et je le finis de l'autre",
explique-t-il. Ce qui n'est rien par rapport aux contraintes. "Entre
les États-Unis et la France, le poids des charges n'a rien à voir. Un ami resté
là-bas paie autant que moi alors qu'il a douze salariés et moi six. Et surtout,
à la fin de l'année, ce qu'il lui reste est plus conséquent..." Il accepte
cependant ce défi avec plaisir et n'a pas le sentiment de régresser lorsqu'il
sert des plats de bistrot. "La cuisine est bonne, un point c'est tout. C'est
simplement le style qui change. Il faut s'adapter à la clientèle. En revanche,
la satisfaction du client doit être la même, qu'il paie 500 $ là-bas ou 26 €
ici. Je fais donc autant d'efforts à Maison Gambert que j'en faisais au Caesars
Palace.
Publié par Jean BERNARD