L'Hôtellerie Restauration : De quoi est actuellement constitué votre portefeuille de mandants de ventes de fonds CHR ?
Stéphane Lemonnier : Nous avons actuellement 280 mandats en stock dont une grosse majorité de bars-tabac et de restaurants ouvriers, traditionnels et rapides.
Combien de temps en moyenne les affaires restent-elles en vente en agence ?
Alors que le délai moyen de cession était de six ou sept mois avant la crise de 2008, aujourd'hui, il faut compter huit à douze mois pour espérer vendre son fonds de commerce au prix du marché.
Les vendeurs anticipent-ils ce délai lorsqu'ils vous confient la vente d'un fonds ?
Non, en général ils n'anticipent pas assez la mise en vente de leur fonds. Il en résulte qu'au moment où ils nous le confient, celui-ci ne remplit pas les conditions optimales pour être cédé rapidement au prix du marché.
Qu'entendez-vous par anticiper pour mieux vendre?
Cela signifie que le restaurateur, le propriétaire de bar-tabac comme l'hôtelier doivent s'efforcer d'investir constamment pour maintenir des locaux et des équipements de niveau convenable et faire les travaux de mise aux normes lorsque cela est possible ou, au moins, faire les démarches nécessaires pour obtenir une dérogation. Il faut également que les bilans montrent une certaine profitabilité. De trop nombreux cédants pensent qu'un bilan en déclin suffit sous prétexte qu'ils peuvent alors arguer d'un potentiel de développement. Or, bien vendre exige plus qu'une simple exploitation au jour le jour. Cela nécessite de préparer son fonds au moins deux ans avant de le mettre sur le marché.
Mais toutes les raisons qui motivent la cession d'un fonds ne permettent pas toujours une telle anticipation. Dans quel cas, précisément, pensez-vous que les vendeurs ont une carte à jouer ?
Quand ce sont des raisons de santé, une séparation ou un regroupement familial qui motivent la cession, le commerçant subit un événement qu'il n'avait pas prévu et maîtrise moins le facteur temps du processus de cession. Mais, lorsque la cession est motivée par un départ à la retraite ou la volonté de se développer et faire une plus-value, cet effort d'investissement régulier est à la fois possible et primordial.
Autrement dit, les acheteurs ne s'intéressent plus qu'aux affaires en bon état financier et matériel ?
Effectivement, les acheteurs sont devenus très exigeants. Ils recherchent en priorité des fonds aux normes, avec un bon emplacement, qui soit rénové et profitable et dont le mode d'exploitation soit en corrélation avec le produit ou permette un bon équilibre famille-travail. J'y vois plusieurs raisons. D'une part, le contexte économique ne favorise pas la prise de risque, donc un fonds en bon état les rassure. D'autre part, les banques prêtent à condition qu'elles soient assurées que le fonds peut être exploité à profit. En outre, pour notre part, dans la mesure où nous suivons nos clients jusqu'à l'obtention de leur crédit, nous ne pouvons pas nous permettre d'accepter de soutenir des dossiers dont nous savons d'avance, au vu de l'état du fonds - équipement en fin de vie, locaux non rénovés, absence d'effort de mise aux normes... -, qu'ils ne trouveront pas acheteur ou les crédits nécessaires. Cela nous amène aujourd'hui à refuser de prendre en mandat un produit sur trois en moyenne.
Mais peu de fonds répondent à toutes ces qualités à la fois...
Exact, ce qui explique en partie que les prix du marché stagnent ou baissent et qu'il y a de belles affaires à des prix intéressants.
Quelles sont les affaires qui séduisent le plus ?
Dans notre secteur géographique, ce sont les bars-tabac, les restaurants traditionnels, brasseries ou établissements de vente à emporter situés en centre-ville qui bénéficient d'une clientèle variée - bureaux, touristes et locaux - ou dans des zones à forte fréquentation routière ou touristique, restaurant ouvrier du midi, par exemple. Le fait qu'un fonds soit exploité sous franchise avec un concept à la mode - comme Sushishop, Stratto, Au Bureau etc. - est un plus très apprécié des acheteurs et des banques.
Quelles sont celles qui séduisent le moins ?
Les bars purs, à moins d'être dotés d'un bon concept. Les bars de village sont également en perdition et ne se vendent plus, même en droit au bail. En général ils ferment et sont transformés en logement.
Quelles sont, selon vous, les points forts et faibles de la région ?
Orléans est une ville assez riche, bénéficiant d'un pouvoir d'achat assez élevé. La Sologne et les châteaux de la Loire amènent un afflux touristique sûr et varié, et la région mène une politique économique et touristique dynamique. Le point faible serait, peut-être, que l'attractivité des enseignes de restauration entraîne une reprise limitée des établissements de restauration traditionnelle et semi-gastronomique.
Publié par Propos recueillis par Tiphaine Beausseron
mardi 1 octobre 2013