On ne trouve pas seulement les grillons, vers et autres sauterelles dans les champs. Les espèces d'insectes comestibles (entre 1 900 et 2 500 selon les sources) atterrissent aussi dans les assiettes d'environ deux milliards de personnes à travers le monde. Dans les années à venir, cette pratique devrait continuer à gagner des adeptes. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ne s'est-elle pas prononcée en faveur du développement de l'élevage d'insectes à grande échelle, afin de nourrir les neuf milliards de personnes que comptera notre planète en 2030 ?
Ces petites bêtes affichent en effet de nombreux atouts : riches en protéines et en micronutriments (cuivre, fer, magnésium, manganèse, sélénium, zinc et phosphore), elles se reproduisent vite et auraient un impact environnemental moindre que le bétail. Le goût, quant à lui, séduit certains professionnels, à l'instar de David Faure, chef de L'Aphrodite à Nice : "Avec les grillons, on est sur des notes de maïs et pop-corn. Les vers de farine sous forme déshydratée ont des notes de cacahuètes et d'arachide et, une fois grillés, de crevettes grillées", détaille-t-il. Ce dernier, qui se revendique comme le "premier étoilé Michelin en France à avoir osé" proposer un menu entièrement consacré aux insectes, n'est pas le seul Européen à s'intéresser de près à l'entomophagie. Restaurateurs, producteurs, industriels et chercheurs du Vieux Continent ont ainsi commencé à se pencher sur la question.
Des risques à ne pas négliger
Face à ces possibles évolutions de la consommation, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a réalisé un état des lieux des connaissances scientifiques sur les risques liés à l'entomophagie. "Les risques potentiels que l'on a pu identifier sont principalement ceux liés à des substances chimiques - venin, pesticides ou polluants organiques présents dans l'environnement ou l'alimentation des insectes -, à des agents physiques - c'est-à-dire les parties dures de l'insecte comme le dard, le rostre.... -, ou encore à des dangers d'ordre biologique, tels que les parasites, virus ou bactéries, précise Stéphane Larreché, adjoint au chef de l'unité d'évaluation des risques dans les aliments à l'Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses). Il est fortement déconseillé de consommer des insectes crus ou de les récupérer dans la nature. Seul un élevage a les moyens de maîtriser ces dangers et risques sanitaires". Cédric Auriol, fondateur de Micronutris (pionnier français dans la production de larves de tenebrion meunier et de grillons domestiques), confirme : "Les risques microbiologiques, chimiques et physiques existent et sont parfaitement connus et maîtrisés chez Micronutris. Au niveau de l'élevage, nous respectons la biologie des insectes, contrôlons leur alimentation, et l'hygiène est stricte afin d'obtenir des insectes sains. Au niveau de l'abattage et de la transformation, nous suivons l'HACCP et sommes engagés dans une démarche ISO 22 000."
Autre danger existant : les risques allergènes. "Les insectes sont porteurs de protéines allergènes identiques à celles que l'on retrouve chez les acariens, les crustacés ou les mollusques. Selon une première estimation, 100 000 personnes pourraient être concernées par ces réactions et/ou allergies croisées en France. Il est indispensable d'informer les consommateurs sur ces risques", note Stéphane Larreché.
Une consommation prudente
La prudence est donc de mise, comme le rappelle le site du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt : "L'innocuité n'a encore été pleinement démontrée pour aucune espèce d'insectes et il convient donc d'accorder une certaine vigilance aux offres de produits apparaissant notamment sur internet." Cédric Auriol incite aux mêmes précautions, recommandant aux consommateurs de vérifier la provenance des insectes qu'ils achètent. "Les standards de qualité ne sont pas les même en Europe et en Asie. La traçabilité des insectes est un outil clé pour garantir la sécurité sanitaire. Les insectes, c'est comme les champignons : ils ne sont pas tous comestibles. Même s'ils sont issus d'une espèce comestible, ils doivent être élevés et transformés pour l'alimentation humaine par des professionnels", insiste-t-il.
Au-delà de ces dangers potentiels, l'avis de l'Anses recommande d'établir des listes des différentes espèces pouvant être consommées au niveau communautaire et de définir un encadrement spécifique des conditions d'élevage et de production, permettant de garantir la maîtrise des risques sanitaires. Il pointe également les limites des connaissances et de la réglementation en matière de consommation d'insectes. D'ici peu, le flou juridique qui règne sur l'entomophagie sera néanmoins dissipé : le règlement européen est en cours de révision, et la nouvelle mouture devrait paraître à l'horizon 2016.
Publié par Violaine BRISSART
