Sur la carte des grandes tables de la Côte d'Azur, L'Oasis de Stéphane, Antoine et François Raimbault, qui fête ses soixante ans en 2014, est une référence. Dans les années 1960, il est alors le fief de Louis Outhier, comme le Moulin de Mougins est celui de Roger Vergé. Le décor du restaurant est une signature unique et singulière avec patio, jardin et jeux d'eau… Une oasis ! La cuisine triplement étoilée par le Michelin dès 1970 est aussi créative, voyageuse. C'est cette maison à la forte identité que Stéphane Raimbault découvre en 1982. "J'avais 24 ans et j'étais 'sur le marché' après avoir obtenu 2 étoiles chez Gérard Pangaud à Boulogne-Billancourt. Louis Outhier cherchait un chef pour l'hôtel Plaza d'Osaka où il avait succédé à Paul Bocuse comme consultant. Je n'ai pas hésité." Le test se déroule à L'Oasis : jambonnettes de volaille aux écrevisses servies à Louis Outhier et son épouse, puis un menu dégustation soumis au jugement de son chef, Jean-Marie Meulien. Bon pour le Japon ! Stéphane Raimbault y reste neuf ans, confortant son propre style et défendant l'institution, même lorsqu'elle est prise dans les turbulences jusqu'à devoir fermer en 1988. "J'étais devenu consultant d'un restaurant qui n'existait plus !"
L'Oasis renaît, non sans mal, sous mandat japonais avec Louis Outhier devenu conseiller de sa propre maison et Stéphane Raimbault, de retour d'Osaka, appelé aux commandes fin 1990 "Lorsque j'ai ouvert en juin 1991, en pleine guerre du Golfe, la crise était violente et personne ne croyait en nous." Mais Stéphane Raimbault, qui a carte blanche des propriétaires japonais, récupère 2 étoiles dès 1992. Sept ans plus tard, il rachète l'affaire. La décennie 1999-2009 incarne une gastronomie toujours conquérante dans un contexte général qui n'a pas encore basculé.
L'Étage : la bonne idée bistrot
"Jusqu'à fin 2008, tout allait bien, mais en janvier 2009 nous avons enregistré une baisse de 25 % du chiffre d'affaires, dit Stéphane Raimbault. J'ai alors décidé d'ouvrir un bistrot au sein de l'établissement. Je ne le regrette pas : L'Étage représente aujourd'hui 20 % du chiffre." L'Oasis, propriété de l'un des derniers étoilés indépendants, s'adapte sans dévier de sa ligne. "La maison en a vu d'autres et même si la crise dure, dans un contexte plus sévère que celui des années 1990, notre gastronomie est un atout et un rempart, assure le chef. On vient chez nous pour une qualité de cuisine, une âme, une atmosphère et le sens du détail : des conseils de Pascal Paulze, chef-sommelier, au voiturier ou à la boutique-pâtisserie. Le nombre de clients est sans doute en recul mais les comportements ont peu changé et le prix moyen du couvert [200 € le soir, 100 € à midi et 50 € au bistrot, NDLR] reste stable. Il y a toujours des amateurs pour le menu prestige à 240 €. La Côte d'Azur est une valeur sûre dans le monde - selon les saisons, 70 % de notre clientèle est étrangère - et notre réputation est intacte. Mais il faut plus que jamais être dans sa maison et imaginer des solutions nouvelles."
Un menu-carte à 59 € (au déjeuner) permet ainsi de découvrir cette grande table et, pour le 60e anniversaire, un menu spécial (76 €) est proposé une grande partie de l'année. C'est cela, L'Oasis : longue route et réponses d'une PME dont la masse salariale représente près de 50 % du chiffre d'affaires. "Pour la première fois depuis que j'ai acheté le restaurant, nous avons été déficitaires en 2013, de 2,7 %, reconnaît Stéphane Raimbault. Mes inquiétudes sont celles de bien des professionnels, mais je suis optimiste : notre trésorerie est saine et notre gestion raisonnable." Les clés de la sagesse pour passer les caps difficiles.
Publié par Jacques GANTIÉ