Le benzaldéhyde ? Le mot est inconnu de la majorité de ceux qui n'ont pas fait d'études de chimie ou de science, mais nous avons déjà tous mangé des aliments qui le contenaient, ou utilisé des ingrédients culinaires qui lui devaient leur goût, ou plus exactement leur odeur.
Pour certains d'entre nous, le benzaldéhyde est clairement identifié à l'odeur d'amande, et il est vrai que les amandes doivent une bonne partie de leur odeur à ce composés. Pour d'autres, c'est l'odeur de colle blanche, parce que certains fabricants de colle ont mis du benzaldéhyde dans leurs produit, afin de leur donner une odeur agréable. Pour d'autres, encore, c'est l'odeur des cerises. Il est vrai, également, que le benzaldéhyde est dans les cerises, ainsi d'ailleurs que dans le kirsch fantaisie.
En réalité, ce composé est présent dans un très grand nombre d'odeurs différentes, notamment pour des végétaux. Parfois, il est une note d'une odeur plus complexe, et parfois il est principal, comme pour l'amande ou la cerise. Mais, pour autant, l'odeur d'amande ne se réduit pas à celle du benzaldéhyde, pas plus que celle de cerise. Le benzaldéhyde a une odeur propre, particulière, réductible à aucune autre.
Est-ce un composé 'chimique' ? Le benzaldéhyde est un composé, ce qui signifie que du benzaldéhyde pur est un liquide incolore fait de molécules toutes identiques. Et, comme toutes les molécules, les molécules de benzaldéhyde sont faites d'atomes : en l'occurrence, des atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène. Dans les amandes ou dans les cerises, les molécules de benzaldéhyde ont été synthétisées par l'amandier ou par le cerisier, de sorte que ces molécules-là ne sont pas chimiques, mais naturelles. En revanche, quand un chimiste prend des atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène pour fabriquer (comme on fait avec des cubes) des molécules de benzaldéhyde, alors ces molécules-là sont justement nommées chimiques. Pour autant, ces molécules de benzaldéhyde chimiques sont absolument identiques aux molécules de benzaldéhyde naturelles. Absolument indiscernables du point de vue de l'odeur, du point de vue de la santé, du point de vue de la toxicité…
Une dose plus petite qu'une goutte
Toxicité : une question qui revient souvent. Le benzaldéhyde est-il sain ? Certainement pas, car aucun composé n'est parfaitement sain, même quand il est naturel. Pour examiner la question de la toxicité - ou de l'absence de toxicité- la dose est essentielle, mais j'espère qu'il est rassurant de savoir qu'aux doses où le benzaldéhyde est présent, même quand l'odeur est puissante, la toxicité est minime… si l'on ne s'expose pas trop. Oui, il y a la dangerosité, d'une part, et l'exposition, d'autre part. Une question qui n'admet pas de réponse simple, car il faut examiner non seulement la dose en une prise, mais la durée de la prise, l'exposition totale, la fréquence de prise… Par exemple, si l'on mange une noix muscade (râpée) entière en une prise, il y a des risques que l'on meure, mais ce risque de mort rapide disparaît - comme nous le savons tous - si l'on étale la prise sur des années.
Pour y revenir, les doses de benzaldéhyde suffisantes pour donner une odeur raisonnable ne posent pas de problème… contrairement aux doses qui correspondraient aux huiles essentielles. Je donne un ordre de grandeur : quand un aromaticien crée un arôme pour un yaourt, par exemple, il est fréquent que les doses de composés odorants se comptent en partie par milliard : par exemple, un millième de milligramme par kilogramme. C'est bien plus petit qu'une goutte… C'est la raison pour laquelle je ne préconise pas que le monde culinaire utilise directement des huiles essentielles : des dilutions sont nécessaires, et comme tous les composés purs des aliments ont une toxicité, c'est une prudence culinaire que de n'utiliser qu'une dilution… bien faite.
Huiles essentielles : attention aux vertus du naturel
Un point pour finir : il vaut mieux ne pas trop croire aux vertus du naturel quand on utilise des composés odorants ou des huiles essentielles. Par exemple, les extraits de lavande contiennent des composés qui ont une action de phytohormone, et l'on a observé que les petits garçons qui prenaient des bains où leur mère avait mis de tels extraits avaient les seins qui poussaient. Les huiles essentielles de basilic ou d'estragon, d'autre part, ont une grave toxicité, associée à de la carcinogénicité (favorise l'apparition de cancers) et de la tératogénicité (les enfants nés de mères qui auraient consommé ces produits seraient malformés). Bref, de même que l'on ne court pas avec un couteau la pointe en l'air, il vaut mieux bien savoir ce que l'on fait quand on utilise des composés odorants purs, comme on en trouve dans les huiles essentielles.
En revanche, on peut cuisiner avec des dilutions si elles ont été bien faites, par quelqu'un qui sait les dangers et comment les éviter. Cela est un métier, et un métier utile à mes amis cuisiniers.
Publié par Hervé THIS