Et il ne regrette pas cette expérience, même s'il avoue qu'au début du reportage, les caméras qui le suivaient en permanence l'ont un peu perturbé. "Mais vous les oubliez vite, dit-il. J'ai vécu des moments extraordinaires", même s'il y a eu quelques moments de tension. "J'ai eu parfois du mal à supporter les ordres que l'on me donnait. D'habitude, c'est moi qui donne les ordres, mais les personnes que j'avais en face de moi ne savaient pas qu'ils avaient affaire à leur patron." Il lui a fallu s'adapter à des travaux aux conditions pas toujours faciles. "Ce n'est pas très agréable de passer une nuit blanche ou de faire les lits toute la journée, courbé en deux", se remémore-t-il. Mais à chaque fois, l'expérience a été salutaire. "Toutes les personnes que j'ai rencontrées ont été pour moi une source formidable d'inspiration, confie Alain Brière. Elles m'ont apporté un regard pointu sur leurs conditions de travail."
"Faire 40 lits à 40 cm du sol"
Auprès de Yacine, le réceptionniste de nuit, le 'patron incognito' s'est "rendu compte des problèmes de sécurité auxquels il était confronté, de sa faculté à gérer des situations délicates en pleine nuit." Ainsi, lorsqu'il effectue avec Yacine une ronde à minuit dans le parking non éclairé, le p.-d.g. de Balladins s'est aperçu "que n'importe qui pouvait entrer dans le parking parce qu'on ne voyait rien et que la porte du garage ne fermait pas".
Avec Peggy, 39 ans, femme de chambre dans cet hôtel depuis vingt ans, Alain Brière prend conscience de "la difficulté de son métier. Mais nettoyer une salle de bains plié en quatre ou faire 40 lits tous les jours, à 40 cm du sol, c'est à coup sûr facteur de risques importants sur la santé de l'employé. Et tout ça alors que l'on peut maintenant disposer de literies beaucoup plus confortables".
Des formations proposées à tous les collaborateurs
De retour à son poste, Alain Brière organise un debrief avec ses proches collaborateurs, se nourrissant de toutes ces expériences vécues. "J'ai été choqué par certaines pratiques, mais je ne mets personne en cause car certains gestes que j'ai vu proviennent surtout d'un effet de routine ou de dysfonctionnements quand on est soumis à la pression", explique-t-il. Sa première décision a donc été d'augmenter le budget alloué à la formation et de proposer des sessions à tous les collaborateurs. "Cela nous permettra d'améliorer sensiblement les procédures dans les hôtels", souligne-t-il.
Mais s'il note ces dysfonctionnements, Alain Brière en assume pleinement la responsabilité. Pas question de faire porter le chapeau à qui que ce soit. "Ici, le patron et le responsable, c'est moi. Il nous faut revenir à des choses simples et basiques. Mettons-nous à la place du collaborateur ou du client avant de prendre une décision." Mais Alain Brière sait aussi que ses moyens sont limités, car il doit rendre des comptes. "La moitié de mes hôtels sont des franchisés. Autant je peux intervenir dans mes filiales, autant je ne suis pas chez moi chez les franchisés." Toutefois, le p.-d.g. de Balladins ne regrette pas l'expérience : "Je pense qu'elle va contribuer à améliorer le quotidien de mes salariés." Et si les conditions de travail sont meilleures, les clients seront contents, ce qui aura une incidence sur le remplissage des hôtels, et donc devrait satisfaire tous les propriétaires.
Pour Alain Brière, chaque patron devrait faire la même expérience "afin de ne pas perdre le fil avec la réalité et de rester toujours proche du terrain".
Publié par Catherine AVIGNON