Fin 1933, les États-Unis mettaient un terme à la Prohibition. Quatre-vingt ans plus tard, le concept de 'speakeasy' revient en force. Lancés à New York, ces bars secrets ont gagné Paris, Lyon et Marseille. Dès 2011, le Carry Nation ouvrait ses portes dans la cité phocéenne. Impossible pour le passant de deviner que, derrière une vitrine de boutique de souvenirs, se dissimule un bar à cocktails. Les initiés doivent d'abord s'inscrire sur le site internet. On leur communique alors les dates d'ouverture et un code d'accès. Après avoir franchi un placard et un couloir secret, ils peuvent enfin pénétrer dans cet antre de la mixologie.
Le propriétaire n'est autre que Guillaume Ferroni : le barman, régulièrement primé, est aussi un collectionneur passionné par la Prohibition. Bouteilles et documents d'époque, livres de recettes, fauteuils club et musique jazzy propulsent dans les années folles, sous le regard peu bienveillant de Carry Nation (figure emblématique de la Prohibition qui saccageait les bars, une hache à la main, une bible dans l'autre). À la carte : des cocktails historiques (dont les plus anciens remontent au XVIIIe siècle) et des créations maison. On y sert par exemple El Presidente (Bacardi, Noilly prat, grenadine et zeste d'orange) inventé à Cuba - où de riches Américains venaient boire durant la Prohibition -, le fameux Ramos gin fizz (au blanc d'oeuf mousseux), ou encore quelques spiritueux méconnus ou rares, rapportés du bout du monde par Guillaume Ferroni. Quant aux tarifs, "ils restent abordables [12 € en moyenne le cocktail], ce qu'apprécie la clientèle, très mélangée en termes d'âge et relativement féminine".
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Ouvert il y a tout juste deux mois, Il Clandestino suit la même recette. Le néobistrot se cache à l'étage, derrière une fausse bibliothèque. Après avoir montré patte blanche (le code et l'adresse sont confiés lors de la réservation), on découvre une petite salle de 38 places assises. Un vieux piano, un borsalino oublié, des meubles chinés, quelques photos en noir et blanc… Le cadre est posé. La cuisine, elle, est contemporaine et inventive. Signée par le chef autodidacte Jérôme Benoit, elle est préparée uniquement à la plancha ou à induction. La carte minimaliste (trois entrées, trois plats, deux desserts), renouvelée toutes les semaines, figure sur la page Facebook de l'établissement. Les plats y sont mentionnés de manière télégraphique (Encornet/chorizo/blanchette ; Cabillaud/choux pointu/oreille de cochon…). "Nous indiquons uniquement les ingrédients. Nous souhaitons tout expliquer sur place pour garder une part de mystère", souligne Jérôme Benoit.
La sélection de vins, intégralement modifiée chaque mois, fait la part belle aux "coups de coeur, aux petits producteurs, aux vins rigolos, bio ou sans soufre". Avec sa formule à 24 € à midi et son menu à 33 €, l'établissement affiche souvent complet. "Le bouche à oreille est allé extrêmement vite. Des gens réservent même d'Avignon ou d'ailleurs", se réjouit le chef. Le maître des lieux, Patrick Martin, compte bien exploiter le filon. "On risque d'ouvrir plusieurs adresses de ce type, de plus en plus clandestines, de mieux en mieux cachées… Ce sera un vrai chemin de croix pour y accéder !", s'amuse Jérôme Benoit.
Publié par V. B.