Reprendre un fonds de commerce en redressement judiciaire

Vous pensez faire une affaire en reprenant un fonds en faillite à un prix imbattable. Gare aux illusions.

Publié le 03 novembre 2015 à 12:37

En cas de redressement judiciaire, l'entreprise poursuit son activité et les salariés sont toujours en poste. Néanmoins, l'entreprise va mal. Elle est endettée et n'arrive pas à payer ses créanciers (Urssaf, fournisseurs, banques, bailleur...). C'est la raison pour laquelle un administrateur judiciaire a été nommé. Son rôle : établir un remboursement échelonné des créanciers. Malgré cela, la cession du fonds est possible dans le cadre d'un plan de cession. L'interlocuteur du repreneur ou de son conseil est alors l'administrateur judiciaire. Celui-ci le renseigne sur l'entreprise et il fixe une date limite (jour et heure) pour déposer une offre. "Faire une offre dans ce contexte, c'est l'occasion de reprendre un fonds dont la valeur subit une décote de 20 à 30 %. Mais il faut disposer des capitaux nécessaires car le repreneur devra supporter beaucoup de dépenses les premiers mois. Nous ne proposons ce genre d'affaires qu'à nos clients qui sont déjà chefs d'entreprise et dont nous savons qu'ils ont les moyens financiers de la reprise", précise Ali Talla, spécialiste de la reprise d'entreprises en difficulté chez Century 21 Horeca Paris.

Vigilance et trésorerie

En effet, en tant qu'acquéreur, vous reprendrez le fonds de commerce, mais aussi parfois certains salariés, et les contrats attachés au contenu du fonds (contrats avec les fournisseurs, bail commercial...). Dès lors, la rédaction de votre offre et sa présentation ont une importance cruciale, tout autant qu'une analyse du fonds de commerce dans sa dimension juridique. "L'étude du bail commercial et ses conditions d'exécution, de même que l'existence de biens grevés de privilèges - comme une machine financée par la banque garantie par un nantissement - sont des points essentiels à clarifier en amont", assure Céline Chevillon, avocate associée du cabinet Varoclier et co-auteur de Accompagner le chef d'entreprise en difficulté (éditions Lexis Nexis, collection Affaires Finances). "Nous savons mesurer la portée de certains éléments juridiques de nature à engager le repreneur au-delà de ce qu'il imagine au premier abord, nous le conseillons dans l'étendue de son offre qui devra notamment répondre aux trois critères légaux, à savoir : le maintien de tout ou partie des activités de l'entreprise, celui de tout ou partie des emplois, et l'apurement du passif", renchérit François Meurin, avocat associé au sein du cabinet Touraut à Meaux. S'agissant du personnel, le cessionnaire doit préciser dans son offre les salariés qu'il envisage de rependre et les postes concernés. Le jugement du tribunal reprendra les dispositions de l'offre retenue et l'administrateur judiciaire licenciera les salariés non repris. "L'offre devra justifier la sélection des postes conservés, la rendre cohérente dans le prévisionnel et démontrer en quoi cela assurera la pérennité de l'activité. Dans les faits, le tribunal a tendance à privilégier les offres assurant le maintien de quelques emplois, comparé à un prix plus élevé sans reprise de poste", poursuit François Meurin.

Transparence

Sauf cas exceptionnel, vous ne serez sûrement pas le seul à présenter une offre. L'administrateur va retenir uniquement celles qui ont été remises dans le délai imparti. Il les transmet au greffe du tribunal, où elles deviennent publiques, et il rédige son rapport qu'il présentera au tribunal. Quinze jours minimum doivent séparer l'expiration du délai de remise des offres et l'audience du tribunal. Pendant ce délai, les repreneurs peuvent comparer leurs offres respectives, et donc améliorer la leur (sous condition de la remettre au plus tard deux jours ouvrés avant l'audience). "Cette transparence est un véritable atout pour le repreneur qui pourra ainsi ajuster sa stratégie de reprise", explique Céline Chevillon.

Attention ! Votre offre vous engage à reprendre l'activité en l'état dans les conditions que vous présentez. Impossible de soumettre la reprise à une condition d'obtention du crédit, ni de négocier après coup le prix à la baisse. Vous devez être en possession le jour de l'audience d'un chèque de banque ou d'une garantie bancaire de la totalité de prix.

Solennité

Chacun des candidats à la reprise présentera son projet lors d'une audience privée présidée par le juge et réservée aux personnes convoquées parmi lesquelles se trouvent le procureur de la République, l'administrateur judiciaire, le dirigeant défaillant, le représentant des salariés et le mandataire judiciaire qui représente les intérêts des créanciers, tous vêtus de la robe noire propre aux professions judiciaires. Face à tant de solennité, un repreneur non averti peut facilement se sentir mal à l'aise pour argumenter sa proposition. L'assistance d'un conseil peut être appréciée. Le tribunal se déterminera en fonction du prix proposé, de la solvabilité du candidat, de la qualité du projet d'entreprise, et de l'aspect social (postes salariés maintenus). C'est par un jugement d'homologation qu'il autorisera la cession au repreneur sélectionné. L'acte de cession qui met fin à cette procédure particulière de cession est rédigé par le conseil de l'acheteur quelques mois plus tard. Mais l'entrée en jouissance se fait à la date du jugement.




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Publié par Tiphaine BEAUSSERON



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