"Mon père avait repris l'Abbaye Saint-Michel à Tonnerre [Yonne, NDLR] pour en faire un hôtel-restaurant réputé. C'est lui qui m'a montré la voie. À 14 ans, j'entrais chez les frères Godard à Joigny, puis à l'école hôtelière Médéric à Paris, qui m'a placé au Concorde Lafayette en 1977. Un certain Joël Robuchon, meilleur ouvrier de France depuis un an, y dirigeait une brigade de 90 personnes et cherchait un secrétaire de cuisine, poste qui n'existait nulle pas ailleurs ! Dans son bureau, habillé en cuisinier, je gérais tout l'administratif. Un lien indestructible s'est créé. Je découvrais un chef plein d'autorité et de savoir qui avait été le premier à se rendre au Japon, envoyé par Paul Bocuse. Je l'ai suivi au Nikko, seul 2 étoiles Michelin dans un hôtel, où il était directeur de la restauration. Il m'a conseillé de me mettre en cuisine et de faire de la pâtisserie. Quand il a acheté le Jamin en 1981 - trois étoiles en trois ans ! - j'étais formé à tous les postes et le plus ancien de son commando fondateur avec Philippe Groult, puis Éric Bouchenoire et Éric Lecerf."
Un lien jamais rompu
Il passe un an chez les frères Troisgros à Roanne (Loire), puis son père l'appelle à ses côtés en 1984 dans son Relais & Châteaux de Tonnerre où il obtient 2 étoiles Michelin, conservées depuis. Treize ans dans une maison embellie mais vendue à l'heure de la guerre du Golfe : il ne finira pas sa carrière en Bourgogne. Christophe Cussac met le cap sur la Côte d'Azur et, sur le conseil de Claude Lebey, devient chef de La Réserve de Beaulieu de 1997 à 2003.
Cette même année, Joël Robuchon ouvre son premier Atelier à Paris. Un concept novateur, une restauration moins sacralisée, la cuisine comme un théâtre en rouge et noir, la proximité avec le client… "En 2004 il m'a proposé de retrouver cet esprit à l'hôtel Métropole de Monaco entièrement rénové et m'a dit : 'Tu connais bien la région, ce sera ta maison jusqu'à la retraite !' J'ai pris ma décision en 24 heures. Le lien n'avait pas été rompu !"
"Mon petit Christophe !"
Joël Robuchon l'appelle "mon petit Christophe… petit par la taille, grand par le talent". Lui est dans la relation respectueuse entre maître et élève : "Il ouvre des adresses partout dans le monde mais reste un cuisinier pur à la technique impressionnante avec la vision globale du restaurant et de chaque lieu de restauration, comme le bar, plus décontracté, ou le «bar à chocolat» que nous avons créé au Métropole. Il fait simplement ce que les autres ne font pas."
Envoyé spécial permanent de 'Monsieur Robuchon' sur la Côte d'Azur, il n'a jamais rêvé de travailler à Las Vegas, Tokyo, Hong-Kong ou Macao… "D'ailleurs il ne me l'a jamais proposé !" Pas de missions lointaines mais une cuisine droite, sur le détail, dans l'esprit et la méthode de son père spirituel, l'ancrage au Métropole et une longévité forgée dans la confiance font l'histoire de Christophe Cussac dans le vaste monde de Joël Robuchon.
Publié par Jacques GANTIÉ