L'Hôtellerie Restauration : Vous avez annoncé l'ouverture de votre système de distribution aux indépendants. Ne risquez-vous pas de faire de l'ombre aux franchisés, eux même indépendants et partenaires privilégiés du groupe ?
Sébastien Bazin : Les franchisés sont des partenaires privilégiés. Ils vont pouvoir bénéficier d'avantages grâce à cette nouvelle place de marché avec notamment un accès aux services numériques de Fastbooking, une plateforme de réservation AccorHotels.com encore plus puissante puisque le devrait doubler à terme et donc générer encore plus d'opportunités de réaliser des ventes sur internet. L'hôtellerie indépendante bénéficiera quant à elle de l'intégralité des canaux de distribution en ligne du groupe, qui représente 35 % du total des réservations. Nous avons rencontrés le conseil d'administration de l'Association des franchisés d'Accor pour leur présenter les grandes lignes de notre projet. Tant que l'annonce n'était pas publique, nous ne pouvions pas donner plus de détails. Nous allons maintenant pouvoir échanger librement avec eux.
Recruter des hôteliers indépendants, n'est-ce pas une façon de concurrencer les grands groupes hôteliers qui cherchent à les attirer sous différents labels ?
Nous avons été précurseurs en lançant, dès 2010, MGallery, qui rassemble une collection de boutique-hôtels indépendants sous une même marque. Les labels sont des initiatives marketing. Nous parlons d'un projet de nature totalement différente : au sein de la plateforme, les boutique-hôtels ne seront pas les seuls sélectionnés. Nous recruterons sur tous les segments, du budget au luxe.
Avez-vous l'intention de demander aux hôtels d'avoir une relation exclusive envers Accor ?
AccorHotels propose aux hôteliers indépendants un canal de distribution alternatif. Ils seront libres d'appartenir à d'autres réseaux s'ils le souhaitent. Notre approche se veut transparente et dans le respect des contraintes de chacun. AccorHotels devient un hôtelier au service des hôteliers. Le but n'est pas de créer une nouvelle OTA. Booking et Expedia mettent au service d'un certain nombre de clients toutes les chaînes et tous les hôtels qui ont de la disponibilité. À partir de juillet, aux côtés des hôtels sous enseignes du groupe, notre place de marché proposera une offre élargie d'hôtels sélectionnés à partir de critères précis. L'hyperchoix a ses limites : notre parti pris est celui de la sélection, de l'exigence et de la qualité.
Avez-vous l'impression d'être le dauphin de Paul Dubrule, qui avait voulu rassembler indépendants et chaînes ?
Paul Dubrule connaît bien notre stratégie. Toutefois, ce projet est différent, car même si nous allons à la rencontre de l'hôtellerie indépendante, nous le faisons sur la base de critères sélectifs. Nous n'avons pas vocation à faire rentrer dans ce portail toute l'hôtellerie indépendante. À nous de gérer au mieux cette sélection.
Vous avez annoncé un changement dans l'organigramme et dans m'organisation France du groupe Accor, pouvez-vous en dire un peu plus ?
L'annonce sera faite dans le courant du mois de juillet.
Cependant, vous envoyez Christophe Alaux aux États-Unis. Est-ce pour faire du développement, racheter un groupe, lancer quelques marques ?
Nous avons demandé à Christophe Alaux de prendre la responsabilité des États-Unis et de l'Amérique centrale. Les États-Unis représentent le premier marché mondial et le premier marché émetteur pour nous. Or, nous n'y sommes pas assez présents. Il ira donc comme représentant et ambassadeur de notre groupe. Il aura pour mission d'établir un diagnostic et de nous présenter une stratégie pour accroître notre visibilité et notre présence sur ce marché. Cela pourra prendre différentes formes : sponsoring digital, installation de représentants commerciaux, développement d'une marque, mais pas forcément le rachat d'une marque ou d'un groupe. Le marché américain étant entre les mains de cinq grands groupes, une acquisition n'est pas forcément la solution. AccorHotels a pour vocation d'être leader avant tout dans les pays ou les marchés où nous sommes déjà implantés.
Les hôteliers sont très remontés contre Airbnb. Or, vous avez à plusieurs reprises pris la défense de ce site en expliquant que son offre n'entrait pas en concurrence avec l'hôtellerie. N'avez-vous pas peur de fâcher les indépendants au moment où vous tentez de les séduire ?
Je pense que l'offre d'Airbnb est différente et additionnelle. Nous avons, en tant qu'hôtelier, autre chose à apporter, tant au niveau de l'accueil que de la relation client. Airbnb est un modèle qui représente un développement remarquable. C'est une offre locale et différenciante. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que nous pourrions envisager un jour des passerelles avec ce site. Néanmoins, comme l'Umih, je suis attentif à ce que les règles soient respectées par tous.
Depuis votre arrivée vous enchaînez les projets. Qu'est-ce qui vous a apporté la plus grande satisfaction jusqu'à présent ?
Je suis admiratif de voir à quelle vitesse le groupe se transforme. Il possède une vraie force interne. Aujourd'hui, mon discours est celui de la cohérence. Si vous voulez que les gens vous suivent et soient portés par le projet, il faut une même rigueur, un même discours et une même transparence, que ce soit avec les collaborateurs, les clients, les investisseurs et les franchisés. C'est pour cette raison que ça marche, et j'en suis fier.
Publié par Catherine AVIGNON