Lors du du Chefs World Summit à Monaco, en novembre dernier, des directeurs de salle ont été invité à débattre sur l'importance du choix des mots dans le service. “À la fois enrichissement de l’expérience client et moyen pour optimiser les ventes, le choix des mots justes a un impact sur la notion de plaisir et de satisfaction du client", explique Isabelle Boutteville, directrice pédagogique de la Relais & Châteaux Academy. Selon elle, l’univers des mots peut se répartir en trois niveaux d’argumentation : le " hors-bouche ", qui regroupe les éléments pratiques (ingrédients clés, recette, cuisson, produits...), la sémantique autour du " en bouche ", qui décrit les perceptions (arômes, saveurs, sens), et les mots liés à l’émotion (ressentis, transmission de la passion, poésie, story-telling du chef...)
Ainsi, Zsolt Rusvai, directeur de salle de Flaveur à Nice (Alpes-Maritimes), a créé un univers bien particulier autour de la cuisine des frères Tourteaux : les mots péjoratifs sont bannis et les répétitions évitées. Par exemple, à la place du beurre, il utilise le mot souplesse tandis que le sucre est remplacé par douceur. De même, Thierry Di Tullio, directeur du restaurant La Vague d’or à Saint-Tropez (Var), aime expliquer aux clients comment le plat a été imaginé par le chef Arnaud Donckele à travers un univers très poétique. “Les plats n’ont de sens que si on y met des mots, tranche-t-il. Il faut savoir expliquer un plat que les gens aiment moins. Par exemple, le lapin, si on ne l’explique pas, personne ne le mange. Les mots permettent de donner au client des éléments pour comprendre et apprécier un plat."
Et puis, il y a aussi le choix du silence, rappelle Patrick Meyer, directeur de salle à La Villa René Lalique, à Wingen-sur-Moder (Bas-Rhin) : " Parfois un sourire peut suffire. La posture, la présence et la gestuelle ont aussi leur importance.”
Former et fédérer son équipe
Or, il n’y a pas d’improvisation possible. Pour créer une expérience client et donc des souvenirs mémorables, il faut se préparer, et cela passe par la formation et celle de son équipe. “C’est un travail quotidien, témoigne Zsolt Rusvai. Chaque jour, il faut apprendre à l’équipe de salle, revoir l’accueil, goûter et expliquer les plats pour pouvoir en parler et faire rêver, leur donner la connaissance pour pouvoir répondre à toutes les questions.”
Christophe Prosper, directeur du restaurant Le Plongeoir à Nice (Alpes-Maritimes), a lui inventé un "langage du bonheur” : “le service est un spectacle. Même si on n’est pas dans la haute gastronomie, les gens ont besoin de bonheur. Cela passe par la gentillesse, un sourire, un regard. Quand on considère le client comme un humain et pas comme un porte-feuille, ça marche !” Pour autant, l'aspect économique n’est pas oublié : “Quand il y a un produit à passer en priorité ou quand le client ne veut pas de dessert, c’est à la salle d’être efficace... Et pour cela, il faut être convaincu par ce que l’on vend.”
Et Thierry Di Tullio de conclure : “Les gens viennent par curiosité pour une cuisine, ils reviennent pour un service.” La salle est donc un élément prépondérant dans l’appréciation de ce qui est fait en cuisine, apporte une notion de plaisir, de satisfaction et donc sert à la fidélisation.
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Publié par Marie TABACCHI