L'Hôtellerie Restauration : Pourquoi le pacte Dutreil est-il intéressant pour l'hôtelier qui souhaite transmettre à ses enfants de son vivant des titres ou une entreprise individuelle ?
Marie-Pierre Weiss et Frédéric Hennes : Parce que ce dispositif fiscal permet de diminuer significativement le coût de la donation. L'assiette des droits est réduite d'un abattement de 75 %, en plus de l'abattement en ligne directe de 100 000 € par parent et par enfant. De plus, le donateur peut bénéficier d'une réduction du montant des droits de 50 %, à condition que la donation soit réalisée en pleine propriété avant les 70 ans du donateur. Ces donations sont éligibles au dispositif de paiement différé et fractionné des droits, permettant de retarder de cinq ans le paiement des droits et de fractionner ensuite les échéances sur dix ans à un taux de crédit intéressant (1,9 % ou 0,6 %).
Enfin, ce dispositif est simple à mettre en oeuvre, car le pacte se matérialise par un acte sous seing privé enregistré aux impôts. Quant à la donation, elle peut également être réalisée simplement dès lors qu'elle porte sur des actions, sans nécessairement avoir recours à un notaire, étant précisé qu'il est recommandé de se faire accompagner par un conseil fiscal qui sécurisera les termes et conditions de la donation.
Le pacte Dutreil présente aussi des avantages non fiscaux car il garantit une stabilité de l'actionnariat et de la direction de l'entreprise durant la durée des engagements de conservation.
Quelles sont les conditions pour en bénéficier ?
Les conditions sont multiples. Le pacte ne peut porter que sur une entreprise individuelle ou une société* exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les entreprises hôtelières et de restauration peuvent donc en bénéficier.
Sauf exceptions, le pacte Dutreil suppose la signature d'un engagement collectif où les signataires s'engagent à conserver les titres de la société pendant deux ans minimum. L'engagement doit porter sur au moins 20 % du capital si la société est cotée, ou 34 % si elle ne l'est pas. La rédaction de l'engagement doit être particulièrement soignée afin d'optimiser ses effets.
À l'issue du délai de deux ans, au cours duquel la donation aura été réalisée, les donataires s'engagent à conserver les titres transmis pour quatre ans (obligation individuelle).
Enfin, l'un des signataires de l'engagement ou l'un des donataires doit exercer une fonction de direction au sein de la société pendant la durée de l'engagement collectif et pendant les trois années suivantes.
Cette donation doit-elle nécessairement se faire en pleine propriété ?
Pas nécessairement, mais la donation de la nue-propriété présente de nombreux intérêts. Elle permet de réaliser une transmission en douceur car le donateur peut continuer d'exercer une fonction de direction dans la société et conserve son droit à dividendes. De plus, elle permet une économie fiscale car la valeur de la nue-propriété est déterminée selon le barème de l'article 669 du CGI, en fonction de l'âge du donateur. Cet avantage se cumule avec l'abattement en ligne directe et l'abattement de 75 %. Au décès de l'usufruitier, la pleine propriété est reconstituée au niveau du nu-propriétaire en franchise d'impôt. Deux inconvénients sont à soulever. La réduction de droits de 50 % n'est pas applicable à une donation démembrée et les statuts de la société devront limiter le droit de vote de l'usufruitier aux seules décisions relatives à l'affectation des résultats. Cela étant, il existe des moyens de sécuriser le contrôle du donateur usufruitier et d'adapter le mode de gouvernance selon les objectifs et contraintes applicables dans chaque situation.
Les avantages du pacte Dutreil s'appliquent-t-ils aussi en cas de succession ?
Oui. L'engagement collectif peut être conclu dans les six mois du décès par un ou des héritiers avec d'autres associés. Mais il existe un intérêt réel à anticiper de son vivant afin de planifier au mieux la transmission du capital et la direction de la société. Cela permet aussi de maîtriser le coût fiscal en amont en choisissant le meilleur moment fiscal, au regard par exemple du barème de l'usufruit de l'article 669 du CGI ou de l'obligation de rappel fiscal des donations antérieures de moins de quinze ans. Aussi, rappelons que seule la transmission entre vifs permet de bénéficier de la réduction de droits de 50 %, ce qui est un avantage incontestable. En conclusion, anticiper c'est économiser !
Publié par Propos recueillis par Tiphaine Beausseron