- 8 heures : Arrivé du Vietnam à 14 ans, Hieu To se rêvait d'abord steward pour une grande compagnie aérienne. Les voyages, l'évasion, la rencontre avec d'autres cultures le fascinent particulièrement. Mais à l'aube de sa majorité, le jeune homme échoue aux tests d'entrée. Le voilà alors parti pour un long parcours dans l'hôtellerie-restauration. Titulaire d'un BEP à 21 ans, il décroche un BTH à 24 ans à l'école hôtelière de Paris. L'année suivante, il est embauché par celui qui fut son unique employeur : l'hôtel 5 étoiles Raphael (83 chambres), niché au coeur du XVIe arrondissement de la capitale.
- 8 h 15 : Responsable de l'ensemble du pôle restauration de l'hôtel - le restaurant, le bar, le room-service, la terrasse d'été et les banquets-salons, - Hieu To n'a pas le temps de souffler. Ce rythme lui convient bien, même si l'homme, père depuis quelques mois, commence à repenser ses priorités. "Je me dis parfois qu'il faudrait mettre le pied sur le frein, mais je suis tellement passionné par mon métier que c'est indéniablement plus facile à dire qu'à faire !" Affable et foncièrement altruiste, Hieu To sait prendre le temps pour les relations humaines. Ainsi, chaque matin, il ne manque jamais de saluer l'ensemble de ses collègues, s'assure que rien ne les traquasse. Il consulte ses e-mails et répond rapidement aux premières urgences.
- 9 h 45 : L'heure du comité de direction. Quotidienne, cette réunion permet de réunir les chefs de service (restauration, réception, conciergerie, service commercial et technique, direction de l'établissement). Objectif : faire le point sur les activités de l'hôtel de J - 1 à J + 7. Aujourd'hui, tous détaillent es préparatifs en vue de l'arrivée d'une délégation officielle chinoise. "Il faut régler l'aspect sécuritaire, mais aussi l'accueil et la logistique interne", explique Hieu To.
- 10 h 30 : Le room-service le briefe sur les arrivées du jour. "Un client vient fêter son dixième anniversaire de mariage. Nous allons lui organiser un accueil spécifique avec roses, champagne et petits gâteaux", se réjouit le directeur de la restauration, qui, pour quelques instants, a les yeux illuminés de bonheur. "Faire plaisir aux autres me rend heureux", dit-il humblement.
- 10 h 40 : Hieu To a rendez-vous avec l'un de ses fournisseurs. Après un point sur leur collaboration passée, tous deux étudient la ligne d'une nouvelle bouteille d'eau. "La version luxe pourrait m'intéresser pour le room-service." Homme de terrain et de relations publiques, il a à coeur d'entretenir l'image et la bonne réputation de l'établissement.
- 11 heures : À l'approche du déjeuner, Hieu To fait un tour en cuisine. Il veut connaître le plat du jour, concocté pour les clients du bar et du room-service. Au menu, Saint-Pierre glacé aux petits légumes avec une fine purée de patates douces. La composition du plat est discutée. Celle du coût de revient encore plus. Chargé de développer la rentabilité des points de vente restauration, Hieu To contrôle en effet le budget de fonctionnement, gère les achats et participe à la création de la carte, en collaboration avec le chef de cuisine et le directeur de l'hôtel.
- 11 h 30 : Hieu To retourne à son bureau pour gérer les taches administratives. Chargé de superviser l'ensemble du personnel travaillant dans ses services (45 agents), il gère les plannings de travail, les congés et participe au recrutement. "Le management, que je conçois comme participatif, n'est pas évident tous les jours, concède-t-il. Les jeunes me semblent moins motivés qu'auparavant, et certains sont clairement rebutés à l'idée de devoir faire des compromis vis-à-vis de leur vie privée. Mais notre secteur d'activité est par essence différent de la plupart des autres ! Si travailler quand les autres s'amusent vous embête, mieux vaut passer votre chemin. Mais je persiste à dire que les conditions de travail dans l'hôtellerie sont nettement moins dures qu'avant, et que les opportunités d'embauche méritent bien quelques concessions."
- 11 h 45 : Outre la gestion des ressources humaines, Hieu To scrute très régulièrement le chiffre d'affaires du mois. S'il ne souhaite pas communiquer sur les résultats du Raphael, il concède néanmoins à indiquer que "la restauration de l'hôtel représente 30 % du chiffre d'affaires".
- 12 h 40 : Durant l'heure du service, Hieu To essaie d'être au maximum présent sur les différents points de vente. Tel un chef d'orchestre, il dirige ses équipes d'un oeil attentif. Naviguant entre la salle du restaurant, le bar et les cuisines, il s'assure que tout se passe au mieux. Il prend aussi quelques instants pour discuter avec des clients de longue date ou de nouveaux habitués. "Tisser des liens est capital, c'est d'ailleurs l'esprit de cet hôtel qui se veut à taille humaine."
- 15 h 15 : Après avoir déjeuné sur le pouce, il enchaîne avec des entretiens de recrutement et fait un point avec la directrice des ressources humaines. Président du Club des directeurs de la restauration et d'exploitation de France, il a une vision très précise des qualités indispensables du métier : "Si l'on ne devait choisir qu'une seule vertu pour travailler en restauration, je dirai qu'il faut être passionné par le service, sans tomber dans la servitude."
- 18 heures : La fin de journée n'est plus très loin. Hieu To transmet les dernières consignes aux équipes du soir. En quittant le Raphael, il ne rentre pas chez lui pour autant, mais assiste généralement à des événements professionnels. "C'est important d'aller à l'inauguration d'un nouvel hôtel ou d'une nouvelle cuvée de champagne. C'est en effet là que l'on rencontre nos pairs. Une belle occasion d'échanger sur nos pratiques et de se nourrir de nos expériences respectives." S'il ne sait pas de quoi sera fait demain, Hieu To a une devise qu'il a faite sienne : "Le Raphael existait avant moi, il existe avec moi, il existera après moi."
Publié par Texte et vidéo : Mylène Sacksick