C’est en 1898 que le Groupe Baverez écrit son tout premier chapitre. Constant Baverez, fils d’un hôtelier bisontin, acquiert avec des associés un immeuble parisien, face au musée du Louvre : deux ans plus tard, Le Regina ouvre ses portes pour l’Exposition universelle. En 1904, Isabelle II d’Espagne meurt : l’hôtelier rachète son palais de Castille près de l’Étoile, le rase et fait bâtir l’Hôtel Majestic, qui sera vendu en 1936. Les Baverez en conservent les dépendances, ce qui leur permettra d’ouvrir le Majestic Hôtel-Spa en 1960. En 1926, l’hôtel Raphael rejoint le groupe, devenant le pied-à-terre de stars hollywoodiennes comme Walt Disney, Burt Lancaster ou Steve McQueen. Françoise Baverez, qui succède à son père Paul, dirige le groupe familial durant cinquante-quatre ans, avant de transmettre, en 2010, les rênes à sa fille unique, Véronique Beauvais-Crefcœur.
“Notre chance et notre malheur, c’est qu’on est petits et familiaux”
Les trois hôtels 5 étoiles traversent les époques et les épreuves – “Deux guerres mondiales, les attentats, le Covid”, résume l’arrière-petite-fille du fondateur –, et résistent. “Notre chance et notre malheur, c’est qu’on est petits et familiaux. On a en face de nous des mastodontes aux capitaux étrangers. Les rénovations constituent pour nous un défi, car on n’a pas un énorme groupe derrière nous… Mais en même temps, quand je dis que je fais partie de la quatrième génération, certains clients, comme les Chinois, me regardent comme le dernier des Mohicans. Il y a des marchés pour lesquels ça joue beaucoup. Ce statut de petit groupe nous permet aussi d’être plus adaptable, de respecter l’esprit familial et notre ADN, plus parisien que français”, constate l’hôtelière.
Un patrimoine qui évolue avec son temps
Au fil du temps, les trois établissements ont su “conserver leur patrimoine, tout en étant tournés vers l’avenir”. Un positionnement qui a d’ailleurs valu à Véronique Beauvais-Crefcœur de recevoir, le 5 mars dernier, au Palais du Luxembourg, la palme d’or de l’hôtellerie de patrimoine et le diplôme de mérite et de prestige national de la part du Comité de France. “Le Raphael est un vrai petit musée. Dans nos hôtels, tout le mobilier d’époque a été conservé, décapé et cérusé, pour être plus dans l’air du temps. Des kitchenettes ont été intégrées dans les chambres du Majestic, pour des séjours longue durée”, tandis que le restaurant Chez Suzy, ouvert fin 2024 au sein du Regina, s’adapte aux évolutions de la clientèle. “Avec la livraison, on s’aperçoit que les gens ne reçoivent plus chez eux. Chez Suzy, vous appelez dix jours avant. On vous prépare votre madeleine de Proust pour huit personnes minimum, en recevant comme à la maison, avec de grosses cocottes sur la table”, précise-t-elle.
Un métier de passion
Quinze ans après avoir repris le flambeau familial, Véronique Beauvais-Crefcœur se félicite de ce choix : “Dans l’hôtellerie, je peux faire de la finance et du droit social, mais aussi de la décoration, des business plans, de la communication… On rencontre plein de gens qui viennent de partout. Quand je vois des personnes qui travaillent dans des bureaux et qui fréquentent tous les jours les mêmes collègues, je me dis : quelle chance j’ai !”

Publié par Violaine BRISSART