Morgan Humbert fait figure de pionnier. Dès 2017, le dirigeant du Lion d’or, un hôtel de 42 chambres situé à Maen Roch (Ille-et-Vilaine), a installé sur son parking une borne de recharge électrique de 22 kW en courant alternatif. “J’ai investi 6 000 € et j’ai eu le droit à 40 % d’aides de la part de l’État, grâce au programme Advenir”, explique l’hôtelier, qui, pendant trois ans, ne compte que deux recharges par mois en moyenne. “En 2017, les voitures électriques étaient encore très marginales et les aides à l’achat quasi inexistantes”, rappelle-t-il.
Mais la situation évolue rapidement. Les flottes d’entreprises s’électrifient, les particuliers s’équipent, et la législation se durcit. Voyant le marché décoller, l’hôtelier décide d’aller plus loin. Il installe deux nouvelles bornes sur le parking de son second établissement, l’Ibis de Fougères (56 chambres) : une borne de 22 kW en courant alternatif et une borne rapide de 50 kW en courant continu, capable de recharger une Tesla en 4 h 30, contre 8 à 10 heures pour une borne de 22 kW. Un investissement considérable de 32 000 €, financé à 50 % grâce aux aides publiques, qui porte ses fruits : la borne rapide accueille désormais jusqu’à 20 véhicules électriques par jour.
Obligation légale et demande croissante
La démarche de Morgan Humbert n’est pas un cas isolé : les chaînes comme Logis Hôtels, Louvre Hotels ou Best Western multiplient aussi les installations de bornes de recharge, portées par un cadre législatif renforcé. Depuis la loi d’orientation des mobilités (dite LOM) de 2019, les parkings des bâtiments neufs ou rénovés doivent prévoir des pré-équipements pour les bornes électriques, tandis que les hôtels existants, en tant qu’établissements recevant du public (ERP), doivent se conformer à des règles spécifiques si leurs parkings dépassent un certain nombre de places. Selon le décret n° 2016-968, modifié par des textes ultérieurs, les parkings de plus de 20 places doivent être équipés d’au moins une borne de recharge accessible au public.
La demande client est, elle aussi, en hausse : près d’un véhicule neuf sur quatre est aujourd’hui électrique ou hybride rechargeable (source : Avere-France, janvier 2024), et selon une étude Booking.com, 43 % des voyageurs se disent plus enclins à réserver un hôtel équipé. “Une borne de recharge, c’est entre 150 et 200 € de chiffre d’affaires. Je ne gagne pas d’argent avec mes bornes, mais pour moi, c’est un service complémentaire essentiel, au même titre que le wifi”, souligne Morgan Humbert, qui n’a pas vu, non plus, sa fréquentation augmenter depuis leur installation.
Solutions clés en main et stratégie propriétaire
Face à cette évolution rapide, des acteurs spécialisés émergent pour accompagner les hôteliers, comme Qovoltis, fondée en 2019, qui propose une solution clé en main sans investissement initial de l’hôtelier. L’entreprise installe des bornes indépendantes du compteur de l’hôtel, gère les transactions et permet à l’hôtelier de toucher 5 % du chiffre d’affaires généré. “Nous conseillons des bornes de 22 kW, permettant une recharge complète en 6 à 8 heures, ce qui correspond au temps de stationnement des clients la nuit et évite d’attirer des visiteurs de passage”, explique Ehsan Emami. Qovoltis a déjà un partenariat avec une centaine d’hôteliers. Les installations sont simples pour les parkings extérieurs, mais plus complexes pour les parkings intérieurs, le délai principal étant l’arrivée du réseau électrique, nécessitant environ six mois avant la mise en service des bornes.
Morgan Humbert a choisi de rester propriétaire de ses bornes de recharge, directement raccordées au réseau électrique de ses hôtels, ce qui lui permet de percevoir l’ensemble des transactions, mais par contre, l’entretien et les réparations sont à sa charge.
Cet investissement devient un atout concurrentiel, non pas pour dégager des marges, mais pour répondre à une demande croissante des clients, avec des conducteurs préparant leurs trajets en fonction des points de recharge disponibles. Dans un contexte où l’expérience client est cruciale, la borne de recharge devient donc un équipement aussi essentiel que le Wi-Fi.
Publié par Pour Aletheia Press, Lolita Péron
Il y a 2 jours