On le croise parfois en coup de vent sur les chantiers car il les suit tous, et même plusieurs à la fois. Vincent Bastie, l'architecte créateur des boutique-hôtels emblématiques de Paris, se définit d'abord et avant tout comme un architecte, un rôle qu'il revendique par rapport à celui de décorateur. L'aventure commence en 1988 après l'obtention de son diplôme d'architecte obtenu aux Beaux-arts à Paris. Son premier chantier sera la rénovation d'un hôtel, passage Kracher, dans le XVIIIe arrondissement de la capitale, puis il réalise le City Hotel, rue Tholozé, toujours dans le XVIIIe. Bouche à oreille aidant, les chantiers vont très vite se succéder. En vingt-cinq ans, Vincent Bastie aura réalisé sur Paris 35 rénovations pour des hôtels filiales ou franchisés de chaînes hôtelières, et 35 avec des indépendants. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui font exploser le concept de boutique-hôtels : qu'il s'agisse du Petit Moulin, du Five, ou dernièrement du Platine, chacun incarne un style et un concept différent.
Pour chaque chantier, il pousse un peu plus loin l'innovation. Les concepts sont, la plupart du temps, réalisés par l'agence, mais peuvent aussi être partagés avec des designers de renom. Après un premier partenariat mené avec Christian Delacroix, au Petit Moulin, il a poursuivi son dialogue avec Chantal Thomas à l'Hôtel Le Pradey, et sera aux manettes de l'hôtel de Versailles. Sans compter les prochaines ouvertures avec notamment l'hôtel Stella Cadente boulevard Beaumarchais. Aujourd'hui, à 50 ans, ce 'jeune' architecte mène son équipe tambour battant, et ne s'accorde aucun répit. Toujours à la pointe de l'innovation, Vincent Bastie n'en finit pas d'étonner. Rencontre.
L'Hôtellerie Restauration : Quelles sont, d'après vous, les grandes tendances architecturales et décoratives dans l'hôtellerie ?
Vincent Bastie : Les tendances évoluent sans arrêt, mais celle des boutique-hôtels s'est accélérée en quelques années. La chose la plus importante, pour moi, reste de vendre du rêve, aux propriétaires comme aux clients, et peu importe le concept. Il faut redonner aux gens envie de rêver à l'hôtel mais dans un monde qui leur correspond. Prenez le Sublim Hotel : nous avons créé un univers issu du monde virtuel. Nos clients se sont identifiés totalement à l'établissement. Mais nous pouvons aussi travailler sur des concepts différents. Le Burgundy, par exemple, est lui un très bel hôtel mais dans un style plus classique, parfaitement intégré au quartier, et qui correspond à un autre type de clients. Pour moi, la réalisation d'un hôtel ressemble à celle d'un film. Il y a d'abord le concept puis la mise en forme, la réalisation et enfin les finitions. Chaque séquence nécessite des remises en question. Le dénominateur commun à tous ces chantiers, c'est de faire rêver, tout en restant très parisien, puisque nous travaillons essentiellement dans la capitale.
Diriez-vous que vous avez un style ? Comment le définissez-vous ?
Comme je suis architecte avant d'être décorateur, je pense être une sorte de chef d'orchestre : je suis à la fois un administratif - détenteur du savoir concernant toutes les règlementations (sécurité, urbanisme, normes hôtelières, accessibilité), un organisateur - avec le choix des fournisseurs et le suivi du chantier - et, enfin, un décorateur (pour tout ce qui touche à la création et à la mise en oeuvre du concept).
Je ne peux pas me définir dans un seul style car pour moi, la décoration, c'est comme l'alimentation : j'aime tout à condition que cela soit bien fait. En revanche s'il n'existe pas de style Bastie, certains hôtels peuvent exprimer mes choix personnels. Ainsi, le verre est un matériau que j'utilise souvent car il permet d'agrandir des espaces souvent petits sur Paris. Et puis le travail du verre offre des impressions souvent étonnantes comme cette cloison en verre, au Sublim, intégrant entre deux feuilles rigides une feuille de verre brisée. Autre élément auquel je suis sensible : le travail de la lumière, car c'est un élément essentiel du décor. Tout est planifié en agence, ce qui me permet de moduler mes plans.
Quels sont les hôtels qui vous ont le plus marqué ?
Le dernier apparaît toujours comme le plus abouti. Mais certains hôtels représentent des moments plus importants que d'autres. Ainsi, mon chantier le plus difficile a peut-être été l'un de mes tous premiers hôtels , passage Brady, dans le IXe. Il fallait réunir trois immeubles, ce qui n'a pas été simple… Plus tard, il y a eu le Petit Moulin qui symbolise pour moi le concept le plus abouti de boutique-hôtels, malgré ses 18 chambres. C'est aussi l'un des hôtels les plus rentables de Paris. Enfin, parmi ceux qui ont demandé un travail technique important, j'ajouterais l'hôtel des Mathurins, mais aussi le Burgundy, l'un des premiers 5 étoiles de la capitale, particulièrement délicat à réaliser avec, cerise sur le gâteau, sa piscine intérieure.
Publié par Évelyne de Bast