du 27 septembre 2007 |
GÉRER SON ENTREPRISE |
DE L'OBLIGATION DE SE CONFORMER AU BAIL COMMERCIAL
Mélodie en sous-sol sans happy end
Si vous reprenez un restaurant et que vous poursuivez l'activité du précédent locataire, vérifiez bien que vous l'exploitez conformément au bail, au risque de vous voir 'expulsé' sans indemnité. Illustration à partir d'une affaire où les caves d'un restaurant étaient exploitées en dancing.
Par Tiphaine Beausseron et Marc Gaillard, auteur du Sujet Interactif 'Le bail commercial en CHR' sur lhotellerie.fr
L'histoire
Le propriétaire d'un café-bar-restaurant loue un local
commercial comprenant une salle au rez-de-chaussée, un appartement au 1er
étage, et 3 caves accessibles par le local du rez-de-chaussée. Il
les utilise comme bar sonorisé. S'apercevant de cela, le propriétaire
des murs lui demande d'arrêter complètement l'activité commerciale
au sous-sol et lui donne un mois pour remettre les caves dans leur état antérieur,
supprimer la réception du public et la sonorisation. Le restaurateur refuse.
Le propriétaire décide donc de résilier le bail avant son terme
pour motif grave et légitime. Le restaurateur n'est évidemment pas d'accord
: il veut la poursuite du bail et de son activité dans les mêmes
conditions ou, au moins, une indemnité d'éviction qu'il évalue à
400 000 E.
La difficulté d'interprétation
L'exploitation d'un bar sonorisé dans
les caves des locaux loués est-elle conforme à la destination des
lieux telle que définie dans le contrat de bail ? Le bailleur estime que c'est
contraire au bail, que son locataire a transformé, sans son autorisation, des
caves en bar sonorisé occasionnant des troubles de voisinage, ce qui est constitutif
d'un motif grave et légitime justifiant la résiliation anticipée
du bail sans indemnité d'éviction. Le restaurateur soutient au contraire
que son exploitation est conforme aux termes du bail et avance plusieurs arguments
: d'une part, ces caves étaient exploitées
comme un bar par le précédent locataire des murs ; d'autre
part, ce n'est pas parce que la destination des locaux mentionne le mot 'cave' que
celles-ci devaient obligatoirement rester en l'état, que leur transformation
en bar n'est pas contraire à la clause de destination du bail qui limite l'activité
à 'café-bar-restaurant, que l'activité de bar sonorisé n'est
pas incompatible avec la production de musique,
et enfin, qu'aucune clause du bail n'interdit l'exercice du commerce
dans une partie des locaux, en l'occurrence ici, dans les caves. Les juges donnent
raison au bailleur car ils constatent, au vu de différents rapports d'expertise
et des services de la préfecture de police, que ce sont en fait de véritables
spectacles musicaux qui sont organisés dans les caves, et que cette activité
excède amplement la diffusion de musique à l'occasion de l'exercice
d'une activité de café-bar-restaurant. Ils estiment donc que l'activité
exercée dans les caves n'est pas permise par le bail, à défaut
d'autorisation expresse donnée par le bailleur. Or, comme justement le locataire
n'a ni demandé ni reçu l'autorisation du bailleur, il ne peut pas continuer
à exploiter les caves dans ces conditions. Le bailleur était donc en
droit de lui demander de remettre les caves dans leur état antérieur.
Et puisque le locataire ne l'a pas fait, le bailleur a obtenu que le bail soit résilié
sans avoir à verser à l'exploitant locataire une indemnité d'éviction.
zzz62 zzz61 FC0607
* Cour d'appel de Paris du 25 janvier 2006. 16e chambre. Section A.
L'avis
de l'avocat 5 questions à Marc Gaillard, avocat au barreau de Paris et auteur du sujet interactif 'Le bail commercial en CHR' sur lhotellerie.fr Cet arrêt est-il conforme à la jurisprudence en vigueur
? Quelles leçons doivent en tirer les locataires de fonds
de commerce ? L'un des arguments du locataire était de dire qu'il y
avait une confusion entre la désignation et la destination des locaux. Pouvez-vous
nous expliquer la différence ? Dans cette affaire, l'un des arguments du locataire était
que les caves étaient déjà exploitées comme bar par le
locataire précédent et que donc, le bailleur ne pouvait pas lui reprocher
d'exploiter un bar dans les caves. Cet argument est-il bon ? Pouvez-vous nous rappeler les cas dans lesquels un bailleur
peut mettre fin au bail sans avoir à verser une indemnité d'éviction
? |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3048 Hebdo 27 septembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE