du 15 novembre 2007 |
L'ÉVÉNEMENT |
RENCONTRE À BERCY
Luc Chatel et André Daguin favorables à des normes hôtelières valorisantes
Le secrétaire d'État chargé de la Consommation et du Tourisme, Luc Chatel, et le président de l'Umih, André Daguin, se sont prêtés pour L'Hôtellerie Restauration à une interview croisée. Parmi les sujets abordés : le rapport Attali, le statut des discothèques ou encore les normes hôtelières.
Propos recueillis par Sylvie Soubes
André Daguin et Luc Chatel se sont rencontrés à Bercy le 6 novembre. |
L'Hôtellerie
Restauration : Que pensez-vous
du rapport d'étape de la commission Attali qui préconise la libre entrée
dans l'hôtellerie, c'est-à-dire la dérégulation du parc hôtelier
en France ?
Luc Chatel
: Ce rapport a été demandé par le Gouvernement qui souhaite faire
sauter les verrous de l'économie française. Si on regarde la France
depuis vingt ans, on constate qu'on a perdu un point de croissance tous les ans.
La Grande-Bretagne, qui avait un niveau de vie très bas, affiche maintenant
un pouvoir d'achat supérieur de 10 % au nôtre. La question est donc :
comment faire sauter les freins ? Dans son dernier livre, Jacques Attali estime
par ailleurs que la France se dirige vers une société de loisirs. Cette
évolution doit être prise en considération.
André
Daguin : L'avenir est aux
sociétés de loisirs et… d'assurance, ai-je lu aussi.
Luc Chatel
: Jacques Attali propose un ensemble de mesures. Il cherche une économie très
porteuse. Dans cet esprit, il a regardé comment se passaient les installations
d'hôtels et préconise de supprimer les CDEC [Commissions départementales
d'équipement commercial, NDLR]. Si vous regardez sur le terrain, vous vous
apercevez que 90 % des dossiers aboutissent. Cette autorisation est surtout une
machine à avancer lentement. Vous savez, le marché a changé. On
va devoir accueillir une clientèle nouvelle, il faut aider les professionnels
existants à moderniser leur offre. Si supprimer les CDEC permet de faire
évoluer le parc, je suis favorable à cette mesure.
André
Daguin : Dans le rapport
du CES [Conseil économique et social, NDLR] portant sur 'La stratégie
pour l'hôtellerie dans l'économie française' que j'ai présenté
l'an dernier, nous insistons sur la nécessaire rénovation de la petite
hôtellerie. Si la motivation est là, il faut mettre en place des aides
adaptées. Je pense qu'il faudrait une étude d'impact globale. Il faut
faciliter le développement tout en mesurant la compétitivité.
Vous venez d'évoquer une société
de loisirs. Or, la France vit de moins en moins la nuit et c'est un pan de l'activité
touristique qui s'éteint avec.
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Luc Chatel
: J'observe que le monde de la
nuit souffre chez nous et qu'il n'est pas assez développé par rapport
aux autres grandes capitales. Est-ce la législation qui freine ? Je m'interroge.
André
Daguin : Pour moi, la législation
est inadaptée. Notamment concernant les horaires. Aujourd'hui, les bars de
nuit et les discothèques sont soumis à un régime dérogatoire
et les autorisations d'ouverture et de fermeture varient d'un département à
l'autre. Nous, nous réclamons un système obligatoire qui imposerait aux
discothèques d'ouvrir jusqu'à 7 h. Tout simplement parce que les clients
bénéficieraient
d'un
moment de décompression au sein même de l'établissement et surtout
pourraient utiliser les transports en commun. Ce principe dérogatoire est aussi
un frein au développement. Quelle banque va prêter à une entreprise
qui n'est pas sûre de pouvoir tenir son chiffre parce qu'elle ne sait pas
si elle pourra exercer dans le bon créneau horaire ? C'est-à-dire entre
2 h et 5 h du matin, qui est la fourchette traditionnellement soumise à autorisation.
Les discothèques doivent obtenir un vrai statut.
Luc Chatel
: J'en ai parlé avec mon équipe et on voit bien que l'absence de statut
est une faiblesse. Je suis prêt à travailler avec vous sur ce dossier.
Quant aux heures d'autorisation, l'idée des pouvoirs publics était de
tenir compte des spécificités. J'entends maintenant certains demander
des heures d'ouverture nationales. Je suis prêt à discuter sur ce dossier.
Montons quelque chose rapidement.
La loi antitabac entre en vigueur
pour les CHR le 1er janvier prochain. Les professionnels réclament
un 'trimestre d'adaptation'. Trois mois durant lesquels il n'y aura pas, par exemple,
de fermetures administratives liées au bruit et nourries par le fait que les
fumeurs vont devoir fumer dehors… Cette période d'aménagement est-elle
envisageable ?
Luc Chatel
: Cette loi est nécessaire. Je suis issu d'un département rural et je
comprends parfaitement l'inquiétude
des
professionnels. En même temps, je suis frappé par l'opinion du grand
public qui est aujourd'hui totalement favorable à cette mesure. Je pense
qu'il peut y avoir une nouvelle clientèle, il s'agit ici d'une évolution.
Quant à laisser un laps de temps de trois mois à la profession pour
la mise en oeuvre de la loi, vous m'accorderez qu'elle a déjà bénéficié
d'un délai supplémentaire de onze mois. Un moratoire ne fait reculer que
pour mieux sauter.
André Daguin
: Le problème n'est d'ailleurs pas lié à la clientèle. L'arrêt
de la Cour de cassation, à l'origine, concerne la santé des salariés.
Simplement, il ne va pas falloir qu'un gars se fasse sanctionner parce qu'il applique
la loi. Nous serons dans le viseur, dans une logique de tir. Il ne faut pas qu'il
y ait de situation inextricable. Pour moi, ce type d'autorisation autoritaire a
des effets pervers. Néanmoins, on fera tout pour faire appliquer la loi.
Monsieur le Ministre, lors d'une
récente interview dans nos colonnes, vous évoquiez le dossier des nouvelles
normes hôtelières. Peut-on réellement admettre, à terme,
un cadre européen tout en conservant les spécificités qui font le
charme de l'hôtellerie indépendante ? Le 'bon sens' sera-t-il au rendez-vous
?
Luc Chatel
: J'ai voulu reprendre le
plus rapidement possible ce dossier qui est très important pour l'hôtellerie.
Nous avions un système d'entrée aux critères objectifs dépassés,
trop anciens. Le marché du tourisme s'est développé depuis la mise
en place des normes, avec une concurrence et des services qui ne sont plus les mêmes.
Les critères d'appréciation ont changé. Les normes actuelles ne sont
pas valorisantes. J'ai créé 6 groupes de travail qui reflètent l'ensemble
des problèmes : comment intégrer la qualité de services, le développement
durable, l'accessibilité, etc. Il s'est passé dix ans avant que la loi
handicap ne puisse être mis en oeuvre. Elle a un impact certain. J'étais
à La Turballe il y a quelques temps, et j'ai rencontré un hôtelier
qui a choisi de conquérir ce marché. Les personnes handicapées représentent
un tiers de sa clientèle et il est satisfait de son choix. Par rapport aux
pays nordiques, on n'est pas bien placé. On devrait aussi développer le
tourisme des seniors. Ces groupes de travail doivent remettre leur copie pour le
15 décembre. Tout devrait être réglé début 2008. J'aimerais
aussi étendre le dispositif à d'autres types d'hébergement.
André
Daguin : Il fallait commencer
par le plus gros, c'est-à-dire par les hôtels. Je voudrais dire que
les textes doivent laisser une marge de manoeuvre aux professionnels. Quand on sait
que seulement 10 % des malvoyants lisent le braille, on comprend que certaines choses
ne doivent pas être imposées mais suggérées à bon escient.
Pour terminer, j'aimerais vous demander,
Monsieur le Ministre, comment vous percevez ce monde de l'hôtellerie, de la
restauration, du café, de la nuit, qui, comme le rappelle le président
Daguin, a créé 20 000 emplois l'an dernier.
Luc Chatel
: C'est un milieu d'entrepreneurs.
Et ce sont des exemples qu'on cherche à multiplier en France car ce sont
des hommes et des femmes qui aiment leur métier et le défendent. Je le
répète, ce sont des entrepreneurs avant tout. Avec tout ce que cela apporte
de croissance. Ce sont en majorité des petites entreprises familiales, de proximité,
non délocalisables, avec un potentiel de croissance et d'emplois inégalable.
zzz74v
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L'Hôtellerie Restauration n° 3055 Hebdo 15 novembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE