L'Hôtellerie Restauration dévoile une enquête réalisée par l'Ifop sur le jugement des Français à l'égard des prix proposés dans la restauration. Deux experts, Bernard Boutboul, directeur général de Gira Conseil, et Anne-Claire Paré, fondatrice de l'agence Bento, en commentent les principaux résultats.
Question : d'une manière générale, diriez-vous des prix proposés aux clients dans la restauration, qu'ils sont… ?
Rappel novembre 2007 (%) |
Ensemble novembre 2012 (%) |
Évolution | |
Trop élevés |
61 |
63 |
+ 2 |
Pas assez élevés |
3 |
5 |
+ 2 |
Comme il faut |
36 |
32 |
- 4 |
Total |
100 |
100 |
- |
Novembre 2012 (%) |
Région Parisienne (%) |
Nord-Est (%) |
Nord-Ouest (%) |
Sud-Ouest (%) |
Sud-Est, Méditerranée (%) | |
Trop élevés |
63 |
69 |
63 |
57 |
61 |
63 |
Pas assez élevés |
5 |
6 |
5 |
2 |
3 |
7 |
Comme il faut |
32 |
25 |
32 |
41 |
36 |
30 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Étude réalisée par l'Ifop pour L'Hôtellerie Restauration, du 20 au 23 novembre 2012, sur un échantillon de 601 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans.
Le commentaire des experts :
Bernard Boutboul : Que près de 2 français sur 3 trouvent les restaurants trop chers est logique par rapport à la période actuelle. En effet depuis le début de la crise en 2008, ils se sont serrés la ceinture en dépensant moins, en sortant moins (particulièrement le soir) et en restructurant leur repas (14% des repas pris au restaurant sont désormais composés d'une entrée, d'un plat et d'un dessert). Mais le paradoxe français réside dans le fait qu'ils ne veulent pas faire l'impasse sur la qualité et sur la quantité. Leur perception du rapport qualité /quantité /prix se trouve donc inévitablement moins bonne. Une deuxième raison est que les Français trouvent cher ce qu'ils sont capables de faire chez eux grâce aux plats cuisinés de la grande distribution et à leur micro-onde. Autrement dit, ils attendent autre chose d'un restaurant !
Anne-Claire Paré : Un chiffre peu étonnant : le contexte de crise n'incite pas à la libéralité et ce phénomène touche toutes les catégories de consommation. Ces dernières années ont vu une augmentation des prix faciaux – les tarifs affichés- et une multiplication du discount: offres low cost, soldes, détaxes, bons plans etc… Résultat : la méfiance règne et les prix affichés paraissent toujours trop élevés.
De plus, la restauration souffre de deux maux structurels. D'abord, d'un réel déficit de communication. Combien de restaurateurs parviennent à expliquer quelle est leur spécialité ? Où se trouve leur savoir-faire ? Comment ils sélectionnent leurs ingrédients ? Qui fait quoi en cuisine ? Aujourd'hui les Français sont friands de « culinarité » et notre secteur peine à les satisfaire. Il est pourtant plus facile de payer pour quelque chose qui vous a été expliqué, présenté et valorisé… Ce manque de communication va devenir dramatique avec l'arrivée des nouvelles générations qui n'auront pas eu la même éducation culinaire que les précédentes : mères moins investies en cuisine, fréquentation de la restauration rapide…
La restauration souffre également d'un manque d'adaptabilité. Les modes de vie changent et en alimentaire nous sommes passés à l'ère de la dégustation. Petites portions, consommation déstructurée, liberté de choix sont devenues la norme sans provoquer de changement réel dans les offres de restauration. Pour protéger le sacro-saint repas de 2 plats, on se prive encore trop souvent d'un chiffre d'affaires non négligeable et surtout d'un moyen d'attirer de nouveaux clients, plus enclins à tester quelques prestations miniatures qu'un repas complet…
Question : partir de quel prix considérez-vous qu'un repas est gastronomique (en comprenant les vins) ?
Précision : On entend par repas gastronomique un repas qui 'commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert.'
Ensemble des Français (%) | |
25 € et moins |
8 |
Entre 26 € et 49 € |
24 |
50 € |
17 |
Entre 51 € et 75 € |
16 |
Entre 76 € et 99 € |
7 |
100 € |
8 |
Entre 101 € et 149 € |
2 |
150 € |
3 |
Plus de 150 € |
2 |
Vous ne savez pas |
13 |
Total |
100 |
Moyenne |
63,10 € |
Étude réalisée par l'Ifop pour L'Hôtellerie Restauration, du 14 au 15 novembre 2012, sur un échantillon de 1001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Le commentaire des experts :
Bernard Boutboul : Les Français ont une perception du repas gastronomique moins élevée que la réalité. Il faut tout d'abord noter que les repas à plus de 50 euros en France ne pèsent que 1% des repas pris hors domicile. La barre à plus de 60 euros pour un repas complet est étonnante. Surtout pour un repas aussi structuré que l'on consomme plutôt dans des moments festifs avec du temps passé a table. Une telle structure de repas dans un restaurant traditionnel atteindrait probablement les 63,10 euros du sondage, alors que, dans un restaurant gastronomique, elle atteindrait un montant nettement plus élevé. Alors cette perception moins élevée est-elle un appel du pied que font les Français à la gastronomie pour qu'elle soit plus à leur portée ? En tout cas, lorsqu'on demande aux Français ce qui les ferait rêver, ils placent systématiquement dans les 5 premières places un bon repas dans un restaurant gastronomique ! »
Anne-Claire Paré : La moyenne de 63,10 € est élevée mais raisonnable. Elle montre que pour les Français, la restauration gastronomique reste à portée. Elle représente certes un investissement mais qu'ils peuvent s'offrir. Le luxe reste accessible. Mais aussi que l'attente croît rapidement avec la dépense. Dès que l'on dépasse les 50 euros, on souhaite avoir une expérience aboutie, travaillée et unique. On passe en catégorie gastronomie, avec le niveau de prestation culinaire, la qualité de service et le raffinement du décor et de la table qui vont avec. À méditer donc !
Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine