En Vendée, le tourisme est roi : première économie locale du deuxième département touristique français. Son atout : une longue bande côtière avec des destination prisées comme les Sables-d'Olonne et Noirmoutier.
En toute logique, cette saisonnalité très marquée joue sur les possibilités de recrutement en hôtellerie comme en restauration. Les employeurs sont unanimes : trouver du personnel est une difficulté cyclique, qui se répète chaque année au début du printemps. Joël Giraudeau, président de l'UMIH 85 constate que "fin mars, les restaurants ont déjà des difficultés pour trouver du personnel en cuisine. Beaucoup d'établissements ouvrent au mois d'avril et, à partir de ce moment là, ça devient compliqué. Un peu plus tard, le recrutement des serveurs bloque aussi."
Difficultés saisonnières pour les non-saisonniers
Sans compter que parmi les établissements ouverts à l'année, même en dehors du secteur côtier, l'été génère souvent des besoins supérieurs en personnel. Aline Rolland, directrice de l'Hôtel Aloé, aux Herbiers, souffre elle aussi de cette situation. "L'été, on double en personnel, grâce à la clientèle du Puy-du-Fou, et on a d'autant plus de mal à recruter des serveurs, des cuisiniers ou des femmes de chambre qu'on se situe dans un endroit moins attractif pour les salariés que la côte."
Quant aux rares établissements dont l'activité est régulière toute l'année, ils souffrent de la concurrence des contrats saisonniers. Christophe Cervera en a fait les frais lors de l'ouverture de son Hôtel Saint-James, à Boufféré, en juin dernier. "On a commencé notre recrutement en février-mars et beaucoup de personnes ont priorisé la saison sur la côte. Elles sont revenues vers nous fin septembre, un peu comme un système de vases communicants. Mais c'est délicat pour nous qui refusons la saisonnalité de choisir de tels candidats : on a besoin de s'inscrire dans le temps avec des collaborateurs qui se stabilisent dans l'entreprise, on ne veut pas proposer des emplois kleenex."
Le dilemme du logement des saisonniers
Comme dans toute région à la saisonnalité marquée, les employeurs sont aussi confrontés à la question du logement des saisonniers. "De plus en plus, cette problématique est prise en compte par les hôteliers et restaurateurs, même si ce n'est pas encore parfait", estime Nathalie Batelli, directrice générale du comité départemental du tourisme (CDT) de Vendée. Bien souvent c'est l'appui des collectivités locales qui permet de trouver des solutions. C'est le cas par exemple à Noirmoutier, où ce problème est encore aggravé par l'insularité. La commune a ouvert dans les locaux d'un ancien internat un centre d'hébergement qui a permis de loger 59 saisonniers pour 2 950 nuitées en 2010.
Mais la Vendée est un département atypique, dont les beaux chiffres cachent des aspects incongrus pour une économie touristique. Sur le plan géographique d'abord, seuls quelques pôles captent l'essentiel du flux touristique : la côte d'abord, mais aussi le Puy-du-Fou et, dans une moindre mesure, le marais poitevin. Partout, c'est le tourisme de plein air qui domine et l'hôtellerie n'est que le 5e mode d'hébergement marchand. L'absence de grande ville plombe également la part du tourisme d'affaires et limite l'implantation des chaînes.
En effet, les 247 hôtels du département sont principalement des établissements familiaux et 70 % d'entre eux comptent moins de 25 chambres. La restauration s'inscrit dans un modèle identique : les 1 317 restaurants que compte le département rassemblent 6 500 salariés. "Sur 1 500 CHR en Vendée, 500 n'ont pas d'employés et reposent exclusivement sur le couple de gérants, résume Joël Giraudeau. Le département compte beaucoup de très petites entreprises, avec un maillage très important du territoire, notamment grâce aux bars, mais seulement 65entreprises ont plus de 10 salariés." Ces caractéristiques ont un impact non seulement sur le nombre de salariés mais également sur leurs opportunités de carrière, plus limitées qu'ailleurs. Cela peut donc freiner l'emploi du personnel le plus qualifié.
La faiblesse du chômage, frein au recrutement ?
À un niveau de qualification moindre, la situation n'est pas beaucoup plus facile. Le département jouit d'une situation enviable sur le plan de l'emploi. Il fait figure de bon élève au sein de la région Pays de la Loire, dont le taux de chômage est pourtant, avec le Limousin, le plus faible de France. Avant la crise, certains secteurs comme le bocage vendéen étaient même en situation de plein emploi, avec un chômage à peine à 3,2 %. Pourtant, cette bonne performance ne fait pas forcément le bonheur des hôteliers ou des restaurateurs qui peinent à trouver du personnel. "Cela devient très difficile de recruter, déplore Aline Roland. Pôle emploi n'a rien à nous fournir et les sociétés d'intérim non plus. Ici, en zone de plein emploi ou presque, les gens ont le choix et préfèrent souvent aller travailler en usine, où les horaires sont plus réguliers. Ou alors ils essayent et arrêtent parce qu'ils trouvent le métier trop dur ; on connaît un gros turnover."
Côté salarié, on reconnaît d'ailleurs bien volontiers que trouver du travail ne pose aucun souci, même quand on arrive d'une autre région. David J., responsable de salle au restaurant L'Orchidée, a ainsi eu une démarche de recherche d'emploi à son arrivée, après une vingtaine d'années d'expérience dans des brasseries parisiennes. Le premier organisme contacté, le groupement d'employeurs Reso 85, l'a très rapidement mis en lien avec son futur employeur. Gwenn Davoine, chef de réception à l'Hôtel Saint-James, est venue d'un département voisin pour suivre son compagnon. Elle n'a pas eu non plus de difficultés à trouver un emploi. "Cela fait neuf ans que je travaille dans l'hôtellerie, explique-t-elle, et je n'ai jamais eu de problème pour trouver du travail, dans la mesure où je suis mobile. Là, c'était la première fois que je me fixais un endroit précis, mais j'ai beaucoup d'expérience, ce qui facilite la tâche aussi."
Les contraintes locales de l'emploi ne les rebutent pas non plus. "Il était clair que les opportunités de carrière ici ne seraient pas les mêmes qu'à Paris. On a moins de choix au sein d'un établissement et on peut moins facilement en changer, ou alors cela peut entraîner davantage de transport, sur des distances beaucoup plus longues. Mais c'est un choix de vie", résume David J.
Le premier vivier du recrutement est toutefois constitué des jeunes des 3 lycées hôteliers et des 2 CFA du département, soit environ 500 nouveaux diplômés chaque année. "Ils représentent l'essentiel des 300contrats saisonniers et des 150 à 200CDI proposés par les CHR chaque année", estime de Joël Giraudeau.
Penser l'emploi autrement
Comme partout en France, le secteur évolue. La saison est davantage lissée. Débutée plus tôt dans l'année, à la faveur des premiers week-ends d'avril, elle ne connaît plus de forte pointe en juillet. Les besoins des entreprises s'en trouvent modifiés. D'un côté les tensions en matière de recrutement sont atténuées, notamment pour le pic de l'été. De l'autre de nouvelles difficultés se sont ressentir. En avant-saison, l'activité, concentrée uniquement les week-ends, représente un volume de travail global trop faible pour pousser à l'embauche de salariés. Pour Ludovic Chaignon, du groupement d'employeurs Reso 85, ces évolutions impliquent aussi de nouvelles façons de penser l'emploi. Deux dispositifs sont particulièrement mis en avant par ce groupement pour accompagner les chefs d'entreprise : l'annualisation du temps de travail et le temps partagé. Dans les deux cas, il s'agit de fidéliser le salarié soit en lui offrant un contrat plus stable, plus long (grâce à l'intégration des congés et des temps de formation), soit en répartissant l'emploi du salarié sur plusieurs entreprises.
Puisque l'heure est à la séduction des salariés, il est important aussi de compenser le manque relatif d'opportunités de carrière dans le département en favorisant la création d'entreprise. Les candidats ne sont pas nombreux, alors que les besoins augmentent et que le département est prêt à soutenir les nouveaux projets. Dans cinq ans, un quart des hôteliers vendéens sont susceptibles de partir en retraite. À cela s'ajoute une croissance forte de la population. Selon une récente étude de l'Insee, la Vendée devrait compter 840 000 habitants en 2040, contre un peu plus de 600 000 aujourd'hui, soit une croissance de 38 %. L'installation régulière de nouveaux habitants, de l'ordre de 10 000 chaque année, implique d'ores et déjà une demande accrue en hôtellerie et en restauration. Et une demande également différente, moins saisonnière, plus liée à un tourisme d'affaires, plus haut de gamme aussi.
Monter en gamme
Les établissements les plus récents vont dans ce sens. Un premier 4 étoiles, le Château Boisniard, est apparu dans l'hôtellerie vendéenne ces dernières années, et pourrait être suivi d'un second, le tout récent Château de la Barbinière. En deux étoiles cette fois, l'hôtel Saint-James créé en juin dernier a choisi de s'orienter vers le tourisme d'affaires, avec un niveau de service adapté à cette clientèle exigeante.
En restauration aussi, l'offre évolue. Alors que la Vendée ne comptait aucun établissement étoilé il y a encore quelques années, trois restaurants ont obtenu leur première étoile, et l'un d'entre eux, le Logis de la Chabotterie est espoir pour une deuxième. Si elles s'inscrivent dans la durée, ces nouvelles tendances changeront aussi bien le parc des établissements que l'image du département, le niveau de compétences demandé aux salariés et leurs possibilités d'évolution. Cela ne résoudrait ni les difficultés saisonnières, ni le turnover dont se plaignent les entreprises, mais pourrait atténuer les spécificités de ce drôle de département touristique.
Publié par Élodie BOUSSEAU