- 7 heures : Nous sommes là sur le point culminant du terroir de Beaulieu-sur-Layon, dans le château Pierre-Bise construit au XVIe siècle dans le Maine-et-Loire. Claude Papin dispose d'un magnifique patrimoine de vignes sur les appellations les plus prestigieuses de la région angevine. Il n'a pas son pareil pour vinifier de grands anjous, aussi bien blancs que rouges, des savennières, des coteaux du layon ou encore des quarts-de-chaume. Claude Papin propose ainsi des vins de grande personnalité. Chaque jour, au petit matin, le vigneron s'en va au coeur de ses vignes, pour les ébourgeonner. Il aère la souche, prépare la taille de la vigne et vérifie la qualité des raisins de l'année.
- 8 h 30 : Il est encore tôt et pourtant quelques clients se pressent déjà pour se faire conseiller de nouveaux crus. Il faut dire qu'il y a ici pas mal de choix. Le vignoble de M. Papin est réparti sur 55 hectares, dont 40 de chenin. Après les salutations, le vigneron emmène donc ses clients dans les vignes. "Ici, l'enherbement naturel est la technique de travail des sols, s'enorgueillit-il. Notre domaine poursuit trois objectifs : la finesse (qui passe par une bonne maturité phénolique), la pureté et l'harmonie (pour chaque cuvée, atteindre l'optimum de l'expression de tous les territoires d'un même paysage, donc unité climatique).On ne peut plus avoir de vins de caractère sans puissances. Au fil de la conversation, le vigneron se transforme en commerçant. Il explique habilement la notion de terroir à ses hôtes, 'pour une approche des paysages à travers le vin, pour mieux comprendre les méandres de sa minéralité'". Il détaille aussi le mode de vinification de ses cuvées. Il se mue également en géologue, intervenant souvent pour préciser chaque différence de sol et son influence sur le vin.
- 10 h 45 : Retour en solo dans les vignes pour le palissage. Claude pose des rameaux entre une double rangée de fils, afin que la vigne reste bien droite. Les allers-retours entre le château et les vignes sont quotidiens. L'exploitation familiale a nécessité l'embauche de sept personnes à temps plein. À eux tous, ils parcourent ainsi près de 2000 km à pied chaque année.
- 13 h 05 : L'heure du repas est souvent l'occasion de discussion pour initiés. On compte à Pierre-Bise pas moins de sept terroirs différents, où poussent des végétations diverses, donnant autant de variété à son cépage. "Dans un monde où le commerce vinicole mondial se tourne vers les vins de cépage, il faut se démarquer en produisant des vins de terroir, explique-t-il, les coteaux du Layon vont devenir très appréciés pour le raffinement de leurs typicités. Nous bénéficions d'un microclimat exceptionnel."
- 15 h 10 : Pour gérer correctement son entreprise, un bon vigneron doit aussi être un bon gestionnaire. Patiemment, il passe ainsi en revue chacune de ses factures, envoie le relevé de ses stocks à l'administration. Une fois par mois, il effectue également ses déclarations de récolte, d'intention d'arrachage ou encore de plantation. "Tout est ultra-réglementé ". Les contraintes environnementales et de qualité rendent par ailleurs le métier de plus en plus technique et scientifique.
- 17 heures : Une fois le soleil baissé, le contrôle des cuves occupera Claude une bonne partie de l'après-midi. Rigoureux, il vérifie systématiquement qu'il n'y a pas eu d'arrêt dans la fermentation, que les tonneaux sont bien pleins, qu'il n'y a pas eu de contact des cuves avec l'air. Ce temps de travail en cave à contrôler les flux est primordial. Il en profite d'ailleurs pour s'assurer que le goût du vin correspond bien au stade d'élevage en cours.
- 18 h 15 : Culture de la vigne, récolte du raisin, fabrication du vin, conditionnement et vente… Le métier de vigneron est incontestablement très varié. "Mais la variété des tâches s'exerce davantage sur l'année tout entière que sur une journée de travail." En effet, cette profession varie considérablement au fil du cycle des saisons. Fin septembre/mi-novembre, c'est la période cruciale des vendanges. "C'est là un travail collectif et de grande précision. Chaque soir après la cueillette, on goûte pour tenter de déterminer la date des vendanges. Pour cela, on observe la perception des arômes, l'épaisseur de la peau, la qualité des pépins. Cela nous donne la date de cueillette optimale pour faire un vin de terroir". Mi-novembre à fin janvier, c'est l'époque de la taille des vignes. "Au froid et dans le silence, on oeuvre tous ensemble. C'est un peu un travail monacal de construire la souche pour essayer de la refaçonner chaque année." Puis, en février-mars-avril, le vigneron revêt sa casquette de commercial. "Je prends mon bâton de pèlerin et je sillonne les quatre coins de la France pour vendre mes vins aux clients que j'ai dans mon fichier. Le soir, j'organise parfois des dégustations de groupes. C'est un vrai bonheur de retrouver tous les villages que j'ai appris à connaître au fil des ans." Courant mai et jusque dans l'été, Claude recommence l'ébourgeonnage, le palissage, l'éclaircissage… et ainsi de suite.
- 19 heures : Si le vigneron est d'abord un paysan et un vinificateur, il se fait enfin négociant. Pour cela, il doit connaître les goûts des clients, les méthodes de publicité et les réseaux de distribution. "J'organise aussi des dégustations dans des établissements hôteliers. L'hôtellerie-restauration est la vitrine culturelle de notre profession. Chaque année, je vends entre 5 % et 10 % de mes vins à des restaurateurs et de petits cavistes." Parfois enfin, il part loin, très loin pour faire connaître ses vins et sa région qui lui tient à coeur. Belgique, Italie, Londres, Hong Kong… Une fois tous les trimestres, le voilà prêt à animer des conférences à l'autre bout de la planète. "C'est très enrichissant de découvrir d'autres cultures, d'autres métiers." Une belle manière aussi de se renouveler sans cesse, dans un secteur d'activités qui avance très vite.
Publié par Mylène SACKSICK