"Choisir l'option cuisine malgré leur handicap, c'est culotté. Je suis surpris de leur voir une si grande dextérité", affirme Éric Briffard, qui a mis des lunettes de simulation pour se mettre, à son tour, dans la peau d'un malvoyant. "C'est perturbant, il faut s'adapter à une vision imprécise. On est tellement concentré qu'on force sur sa vue. On cherche le meilleur angle de vision, on ne se tient pas droit, le corps est tendu, courbé sur ce qu'on fait. On voit des ombres et des masses", raconte Éric Briffard, qui a tâtonné pour cerner les contours du piano, repérer le point d'eau…
Un autre regard
Les élèves ont préparé un repas pour 40 convives. Il leur a fallu parer des carrés d'agneau, lever des filets de saumon, tailler des Saint-Jacques, des zestes d'orange. "J'ai eu du mal avec le carré, je croyais avoir taillé les zestes plus fins", commente Eric Briffard.
"Les élèves compensent leur handicap par le toucher qui se développe de façon exceptionnelle, par une plus forte perception du goût, ajoute-t-il. Cela va à l'encontre de ce qui se fait un peu trop aujourd'hui : une cuisine de photographe où le plat est souvent plus beau que bon." Il est venu à Saint-Gaudens pour la promesse faite à Ange Fabrice, un élève malentendant et malvoyant, qu'il avait reçu à Paris dans le cadre du Téléthon. L'adolescent a passé deux jours dans les cuisines du George V.
"Nous avons partagé des émotions", dit Eric Briffard, qui s'occupe aussi des enfants malades à l'hôpital Necker. "Il faut porter un regard différent sur le handicap, arrêter l'exclusion."
Publié par Bernard DEGIOANNI