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Pascal Bredeloux et Didier Chenet : rencontre au sommet de la restauration

Vie professionnelle - mardi 18 janvier 2011 12:13
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75 - Paris Pour Didier Chenet, président du Synhorcat, comme pour Pascal Bredeloux, directeur général de Bonduelle Food Service, l'exigence de la qualité est la même pour la restauration et l'industrie.



Pascal Bredeloux et Didier Chenet.
Pascal Bredeloux et Didier Chenet.

Pascal Bredeloux : Votre secteur vit depuis plusieurs années des bouleversements importants, internes et externes, liés à l’environnement, à l’économie du pays, aux évolutions socioculturelles… Nous, de notre côté, industriel de l’agroalimentaire, dont une partie de l’activité est consacrée à la restauration, le meilleur moyen de bien s’adapter est de connaître ses clients et d’avoir le même professionnalisme qu’eux. Cela implique d’être proche, d’appréhender leurs besoins, leurs envies, leurs problèmes. Que ce soit quand il y a eu la baisse de la TVA, quand il y eu la crise ou maintenant en sortie de crise. Nous devons leur apporter des solutions qui leur permettent de rivaliser avec des entreprises plus structurées, multi enseignes, multinationales, etc. Plus on offrira de la compétitivité à la restauration commerciale, plus on lui permettra d’être saine, d’avoir des comptes d’exploitation équilibrés, donc, ‘vilain mot’, mais qu’il faut employer, de gagner de l’argent. Une entreprise doit être viable et pouvoir se transmettre quand c’est nécessaire. Nous sommes, en ce qui nous concerne, une entreprise patrimoniale, éponyme, qui porte le nom de nos dirigeants. Nous comprenons quand nous voyons nos clients se battent pour leur business, leur famille avec, en face d’eux, une concurrence accrue, des lois de plus en plus complexes. Le restaurant, c’est un peu le pôle de tous les phénomènes de la société. Quant au légume, c’est un produit qui a souvent été maltraité, qui n’a jamais vraiment été prioritaire pour les professionnels. Nous, notre métier, c’est légume et seulement le légume. Nous voulons donner au restaurateur la capacité d’imagination et d’innovation. Aujourd’hui et plus que jamais, c’est le moyen pour eux de créer des choses nouvelles, de fidéliser une clientèle, de la féminiser quand c’est nécessaire, de la rajeunir quand il faut faire manger des épinards aux enfants… Nous sommes, votre secteur et nous, au confluent des intérêts communs.

Didier Chenet : Il est clair que des entreprises comme Bonduelle porte une certaine exemplarité. Quand nous parlons d’entreprises patrimoniales, nous n’avons pas l’idée de réduire ça à la toute petite entreprise. Je pense à Sodexo ou Michelin. On sent bien qu’il y a une responsabilité et une exigence différentes. Vous êtes, je crois, très attachés à la relation que vous entretenez avec les producteurs, à la non massification de la culture malgré votre place de leader. Nous, restaurateurs, avons besoin de ce contact avec les producteurs et quand nous ne pouvons pas l’avoir en direct, il faut que l’industriel soit le bras qui va transmettre et qu’on soit sûr de la filière qu’il représente. 

P. B. : Bonduelle a quasiment l’intégralité de ses agriculteurs sous contrat. Nous travaillons ensemble, nous partageons les risques. Nous sommes dans une agriculture raisonnée et maîtrisée qui permet à l’un et à l’autre de vivre correctement. Nous ne sommes pas dans une relation de rapport de force contrairement à d’autres secteurs de l’économie.  Il y a des inquiétudes sur la perte du goût, si les restaurateurs se calent sur la grande distribution, ils ont tort. Le client n’a pas les mêmes comportements en grande surface et en restauration. En restauration, il n’y a pas de compromis. 

D. C. : Je pense qu’une meilleure compréhension de nos besoins tient aussi au fait que des jeunes issus de nos écoles partent dans l’industrie agroalimentaire. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui s’en émeuvent. Je préfère les voir entrer dans ce secteur plutôt que dans la distribution. 

P. B. : Il est important, pour nous, de trouver des gens associant des connaissances dans la restauration et l’agroalimentaire. Cela peut être perçu comme un secteur concurrentiel, mais je pense que c’est un partenariat qui devrait s’amplifier et s’organiser pour qu’il y ait des réponses de professionnel à professionnel, tout en prenant compte la diversité de la restauration. Nous avons l’ambition du légume mais aussi l’ambition de fournir du légume à tout le monde. Un étoilé a sa vision et généralement sa stratégie culinaire. Nous avons un devoir de fournir des masses et du spécifique. 

D. C. : Vous êtes partenaire du centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse, dans quel esprit ?

P. B. : Pour nous, être si proche de ce haut lieu de la restauration reconnu dans le monde entier, c’est être là où sont rassemblés les meilleurs techniques, protocoles, savoir-faire... C’est être là où on fait bien les choses et où les gens nous font avancer. Il n’y a pas mieux qu’un MOF formé au traditionnel pour aider un industriel à évoluer dans ses produits. Nous finançons aussi une thèse sur les comportements cognitifs des enfants face aux légumes. Nous aurons un doctorat. Et ça rien à voir avec ce que l’on croit et ce que pensent beaucoup de parents… 

D. C. : Des enseignes précisent sur leur carte qu’ils servent tel ou tel produit Bonduelle. Mais ce n’est pas systématique…

P. B. : Nous sommes très attachés aux connaissances qu’aura celui ou celle qui va remettre en œuvre nos produits. Mettre en avant Bonduelle, est-ce intéressant pour la marque ? Est-ce valorisant pour le restaurateur ? Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons une lisibilité de la marque Bonduelle chez certains clients parce que nous avons formé leurs cuisiniers à l’usage du légume et à l’apprentissage des technologies. Nous savons que celui qui va porter notre marque le fera dans de bonnes conditions et avec les bonnes techniques… Il est regrettable qu’en France, et contrairement à des écoles européennes ou internationales, nos écoles ont du mal à porter la vision des produits industriels.

D. C. : Quand on commence à prononcer le mot industriel, en France, tout de suite, ça donne des boutons !

P. B. : La restauration remonte aujourd’hui vers l’industriel une partie des coûts fixes et pas pour faire des bénéfices, mais pour générer un meilleur accueil, dans le cadre, dans la carte… C’est une bonne équation. Toutefois, on ne peut pas d’un côté faire assumer aux industriels une partie de ses coûts en voulant acheter au meilleur prix la meilleure qualité et en même temps décrier ce produit parce qu’il est industriel. C’est l’effet de volume, qui fait que nos produits sont moins chers à l’achat. Le produit est différent de celui vendu par le petit épicier du coin ou issu du potager de la grand-mère. Néanmoins, qui, imagine, qu’un restaurant dans le XVème arrondissement de la capitale fait pousser ses légumes dans son arrière cours ?  Ce n’est pas vrai et ce n’est pas ce qu’on a envie de savoir. Quand on est sur le cœur du marché qui est la restauration commerciale,  petite ou grande, nous pouvons leur apporter une gestion saine et une qualité saine. Ce qui est important pour moi, c’est également la régularité. Mais sans tomber dans le standard. Je prône, personnellement, l’identité du restaurateur sur son produit et quand je vends un haricot vert extra-fin, c’est le cuisinier qui fera la différence.

D. C. : L’ouverture des écoles à un certain nombre d’industriels n’est pas incompatible. Tout le monde ne sera pas Ducasse, comme tout le monde ne fera pas Polytechnique. Tout le monde peut s’imaginer faire Masterchef,  mais tout le monde ne le sera pas. 

Propos recueillis par Sylvie Soubes

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